Tous les champions du monde marquent l’histoire à leur
manière. Certains, à l’image de Valentino Rossi ,
dépassent même le cadre du sport. À l’opposé, Gary
Hocking et bien d’autres sont oubliés, car trop peu
médiatiques et médiatisés en leur temps. C’est souvent le cas des
uniques champions tels que Marco Lucchinelli ou
Kenny Roberts Jr.
Pourtant, de belles histoires se cachent parfois bien loin
des projecteurs.
Hocking, c’est l’histoire d’un génie. Encore un.
S’il naquit en 1937 au Pays de Galles, il grandit en
Rhodésie du Sud, une ancienne colonie britannique
du sud de l’Afrique. Cela peut paraître surprenant, mais l’actuel
Zimbabwe vit se développer deux grands champions moto :
Gary Hocking, bien sûr, et Jim
Redman, figure majeure du championnat du monde dans les
années 1960.
Ce n’est qu’à l’adolescence que Gary s’intéressa aux motos, puis à
la compétition. Les circuits ne courant pas les rues, les jeunes
rhodésiens du sud se passionnèrent pour la course sur herbe. Ceci
donna plus tard un avantage certain sur la piste, à n’en pas
douter.
À seulement 21 ans, il quitta l’Afrique pour rejoindre le vieux
continent. Direction l’Angleterre, la vraie, la dure. Un
préparateur de Manchester, du nom de Reg Dearden,
le repéra et décida de lui prêter du matériel pour courir au plus
haut niveau. Il se lia rapidement d’amitié avec d’autres pilotes
Dearden, comme George Costain,
qui le prit sous son aile. Ex-vainqueur du Manx Grand Prix et
résident de l’île de Man, ses conseils furent précieux.
Le long de la « montagne », Gary
apprend. Équipé des mythiques Norton Manx en 350cc
et en 500cc, il fait ses débuts en mondial la même année, au Grand
Prix des Pays-Bas. Résultat : une vitesse rare, couplée à une
maîtrise impressionnante. Hocking termine sixième de sa première
course et monte sur le podium lors de sa deuxième sortie.
Un crack.
Les constructeurs ne tardent pas à toquer à sa porte. MZ,
industriel est-allemand, s’intéresse au rhodésien du Sud et décide
de lui donner du matériel d’usine en 250cc. Avec deux victoires au
compteur, il termine vice-champion du monde.
Les résultats étaient brillants, et Dearden ne
pouvait bientôt plus rivaliser avec les écuries intéressées. C’est
MV Agusta qui se positionna le mieux sur le dossier Hocking. Notre
jeune héros sera équipé de machines d’usines en 125cc, 350cc et
500cc pour l’année 1960. La saison est historique, mais
Gary n’arrive à rafler aucun des trois titres.
Carlo Ubbiali
lui vole la vedette en 125cc, tandis que l’indéboulonnable
John Surtees
l’emporte en 350cc ainsi qu’en catégorie reine. Tous étaient ses
coéquipiers MV. Trois fois vice-champion du monde la même
année, c’est rageant.
Coup de tonnerre sur le mondial ! Surtees, légende
vivante, décide d’arrêter la course moto pour se concentrer sur la
Formule 1. Gary Hocking devient par le fait le fer de lance de
l’écurie italienne pour 1961.
Seul un Mike Hailwood en forme arriva à
« contenir » l’officiel MV Agusta. Il réalisa une saison
d’anthologie en glanant onze succès en seize apparitions, 350cc et
500cc confondues. Les deux titres en poche, comme un grand. À 24
ans, il s’affirme comme l’un des principaux favoris pour les
saisons à venir.
Parfois, tout ne se passe pas comme prévu. Lors du Tourist
Trophy 1962, manche d’ouverture du championnat, son grand
ami Tom Phillis se tue. L’effroyable accident eut
lieu au passage de Laurel Bank en 350cc. Gary fut très affecté par
la mort de l’australien, passionné du TT qui plus est.
Hocking trouva tout de même la force de remporter le Senior TT,
preuve de sa détermination et de son courage incroyable. Juste
après, il annonça sa retraite sportive et laissa le championnat du
monde à Mike « the bike » Hailwood. De retour en
Rhodésie du Sud, il désira se mettre à la course automobile, qu’il
trouvait bien plus sûre.
Ironiquement, il se tua au volant d’une Lotus lors
d’essais en Afrique du Sud la même année. Ce dernier n’avait jamais
connu la moindre blessure jusqu’ici. Le destin, que
voulez-vous…
La vie de Gary Hocking fut atypique du début à la fin. De sa
nationalité à son talent impressionnant en passant par sa mort
prématurée, il n’est pas un champion à dénigrer.
Pourtant, ce dernier demeure inconnu du grand public, même de nos
jours.
Photo de couverture : Joop Van Bilsen / ANEFO