Rares sont les pilotes qui divisent autant que Pol
Espargaró. En France, notamment, l’Espagnol s’est forgé
une réputation de pilote virulent, n’hésitant pas à attaquer
verbalement ses adversaires. Ses multiples échanges musclés avec
Johann Zarco confirment ces dires, quoique, comme souvent, tout
n’est pas tout noir ou blanc. Récemment débarqué chez Repsol Honda,
« Polyccio » ne cache pas ses ambitions : il vise le
titre. Mais cela est-il possible ?
Sur le papier, tout semble favorable au probable succès du n°44.
Niveau environnement de travail, chose la plus importante pour tout
athlète de haut niveau, peu d’équipes peuvent proposer mieux que
Repsol Honda. Pour rappel, il
s’agit de la meilleure équipe MotoGP de l’histoire, totalisant
dix-sept titres pilotes depuis 1994. Par ailleurs, le recrutement
au sein de l’équipe est toujours soigné. Les échecs existent, mais
sont rares en comparaisons d’autres écuries.
Depuis 1995, seuls deux pilotes réguliers (Stefan
Bradl excepté) n’ont pas réussi à scorer le moindre podium sur
une saison : Jorge Lorenzo en 2019, et
Sete Gibernau en 2000. Une statistique qui fait
peur. Si l’on se fie aux chiffres, Espargaró devrait au minimum
réaliser des podiums, et pourquoi pas gagner une victoire. Compte
tenu de cela, cela ne serait pas surprenant et ne devrait pas être
surévalué.
Idem pour les qualifications : C’est un pilote naturellement
rapide et talentueux, qui devrait réussir à maîtriser la RC213V le
samedi. Cependant, entre des podiums et un titre, la marche est
haute… ou pas. Le contexte jouera énormément car
la saison passée démontra que rien n’était impossible. Au vu de
l’évolution du contexte sanitaire à l’heure où ces lignes sont
écrites, il semblerait que nous allions vers une saison
similaire.
La régularité, il l’a. En terminant 11 fois sur
14, Pol prouva que sa tendance à chuter n’était pas vérifiée,
contrairement à ce que l’on pourrait penser. Les statistiques
avancées laissent présager de grandes choses également : quand
Espargaró ne tombe pas, il finit systématiquement dans les points.
Par ailleurs, il ne termina que trois fois hors des points
depuis son arrivée en MotoGP en 2014.
La dynamique joue aussi en sa faveur. Le Catalan n’a fait que
progresser depuis son arrivée chez KTM en 2017, passant de
3,05 points par course à 3,4 en
2018, puis 5,55 en 2019 et finalement
9,64 l’année passée. Une progression notable, qui
vient aussi, à priori, de l’évolution de la RC16. Mais il n’empêche
qu’il était la pierre angulaire du projet depuis le tout début.
Son expérience de pilote/metteur au point l’aidera à s’adapter à la
Honda, c’est très probable. Mais est-ce suffisant pour un titre de
champion du monde ? Pas sûr. Tout porte à croire que Espargaró
réalisera une correcte saison 2021, mais le sacre reste une marche
au dessus.
Mûrir, afin de jouer de son expérience en fin de course, et
espérer gagner une manche du mondial. Tout devrait se débloquer à
partir de ce moment là. Le niveau de son coéquipier et rival Marc
Márquez jouera nécessairement : si ce dernier s’amuse comme en 2019
et pond une saison à 420 points, Espargaró,
Morbidelli, Mir ou qui que ce
soit auront du mal à rivaliser.
Il faut rappeler que seuls Valentino Rossi,
Casey Stoner et Marc Márquez ont,
depuis 2002, réussi l’exploit de remporter le titre après avoir
changé d’employeur. La tâche s’annonce ardue, surtout pour la
première année.
En étant réaliste, il y a peu de chance que Pol soulève le trophée,
même si certains éléments semblent indéniablement jouer en sa
faveur. Sa régularité et sa vitesse l’aideront mais c’est bien le
contexte global et son adaptation qui décidera. Un finish dans le
top 4 avec une moyenne de 9,5 – 10,5 points par course représente
un solide objectif. S’il arrive à s’acclimater, attention à
l’espagnol en 2022… Ce dernier pourrait bien en surprendre plus
d’un.
Photo de couverture : Box Repsol / Honda