C’est une information un peu passée inaperçue à Silverstone, notamment parce que le pilote concerné ne s’est pas présenté au départ. Alex Rins, actuellement blessé, a prolongé pour deux saisons chez Yamaha ; pour moi, c’est un énorme risque, peut-être trop grand en comparaison de l’avancée du projet de la firme d’Iwata.
Mauvais timing
Je n’arrive pas à dire qui, de Rins ou de la signature, est tombée au pire moment. Touché au poignet à Assen, l’Espagnol dut jeter l’éponge dès l’entame au Grand Prix de Grande-Bretagne. Comme l’an dernier, il est à l’infirmerie pour signer son nouveau contrat. Revenons-en au fait.
J’ai beau tourner la chose dans tous les sens, je n’arrive pas à comprendre la prolongation de Rins par Yamaha. Pas plus que je ne comprenais celle de Quartararo, mais cette fois, ce n’est pas le choix du pilote qui m’interroge, mais de la marque. Yamaha est en pleine restructuration, certes, mais ne montre aucun signe de progression tangible. La saison 2024 est encore pire que 2023 pour les bleus. Au même moment, l’an dernier, Fabio était déjà monté sur le podium une fois en Grand Prix, et avait terminé troisième d’un Sprint. Alex Rins était censé aider cette « période de transition », notamment grâce à son expérience emmagasinée avec plusieurs constructeurs et sa capacité à s’adapter à n’importe quelle machine.
Sans parler des blessures sur lesquelles nous reviendrons plus tard, Alex Rins n’a rien fait d’exceptionnel sur la première moitié de cet exercice. Je m’attendais à ce qu’il s’adapte vite, comme il l’avait fait avec la Honda – sans attendre un podium ou une victoire non plus, et surtout, qu’il ne se fasse pas trop distancer par Fabio Quartararo.
Finalement, le Français est sensiblement meilleur que lui, d’autant plus qu’Alex n’a pas progressé sur les huit premiers Grands Prix de l’année. À l’heure où ces lignes sont écrites, il figure en 21e place du général avec huit points seulement, pour deux GP complets manqués. Pour rappel, il avait pris la dixième place pour sa première course dominicale au guidon de la Honda LCR l’année passée, un niveau qu’il n’a encore jamais atteint cette saison.
Vous l’aurez compris, ses résultats posent question. D’accord, il faut toujours du temps pour s’adapter à une MotoGP, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il demeure aussi loin, même en « pleine santé » si on peut encore dire cela après des années de blessures à répétition.
Un élément clé absent
Car c’est là tout le problème que j’ai avec cette prolongation. Ok, laissons-lui le temps de s’accoutumer au matériel. Mais de là à le signer pour deux ans supplémentaires ? Selon moi, c’est trop risqué. Premièrement, car les concurrents européens se sont renforcés lors de ce mercato. Deuxièmement, car il n’est pas assez présent pour marquer de son empreinte le projet Yamaha. Depuis son arrivée en MotoGP, en 2017, il a manqué 23 Grands Prix, soit un exercice entier. Il n’a que deux saisons pleines sans la moindre absence (2018 et 2019).
Comment Yamaha peut-il confier les clés du camion à un pilote absent, à ce stade ? La situation est aussi critique que chez Honda, et risque de ne pas s’améliorer drastiquement avant l’introduction de la nouvelle réglementation en 2027. Quel intérêt aurait la firme aux diapasons à financer une toute nouvelle machine pour jeter les plans à la poubelle d’ici trois saisons. Franchement, je peine à y croire.
D’autres solutions ?
Peut-être n’y avait-il pas d’autres candidats ? Je ne le pense pas. Jack Miller et Augusto Fernandez ont suffisamment répété qu’ils n’avaient aucune piste, et j’imagine, par exemple, que prendre un pilote plus jeune n’aurait pas fait plus de mal à la firme d’Iwata. Pourquoi ? Car en son absence, Yamaha n’a personne de premier plan à aligner. Cal Crutchlow d’une part, trop vieux, qui souffrait déjà en 2020, et Remy Gardner de l’autre, qui a quitté le championnat après un an par la petite porte, actuellement septième derrière Iannone au WSBK. Gardner est courageux de revenir ainsi, ça ne fait pas de doute, mais son employeur ne doit pas espérer de miracles. À Silverstone, le dimanche, il a terminé à une minute de Bastianini, et à plus de vingt secondes derrière Augusto Fernandez.
Pourquoi ne pas faire confiance à un pilote du championnat Moto2 dans une ère si chargée en talents ? Alonso Lopez, Sergio Garcia, Ai Ogura, même, pour le côté japonais – rappelons qu’il n’est plus lié à Honda.
Je ne dis pas qu’Alex Rins a tout perdu et qu’il ne mérite pas un guidon en MotoGP. Juste, que le statut de pilote d’usine ne lui convient pas, surtout dans ces conditions. Avait-il fait passer un cap à Suzuki après six ans passés au guidon ? Même le titre de 2020, à sa portée, lui a filé entre les doigts au profit de son coéquipier Joan Mir, qu’il l’a encore battu à plate couture en 2021.
Conclusion
Prêtons-nous quand même au jeu des pronostics. Ça me fait de la peine de le dire, mais je sens que cette prolongation sera un énième échec subi par Yamaha. Au point où en est cette marque autrefois glorieuse, j’ai dû mal à voir ce que peut apporter Alex Rins, grandement mis en difficulté par sa saison 2023, et qui ne cesse de passer par la case blessure.
Deux ans, c’est long au plus haut niveau. Signer Rins, c’est aussi de se priver de son propre privilège – à savoir, la puissance financière – pour attirer un nouveau venu qui serait capable, à défaut de transformer la YZR-M1 en machine de guerre, d’insuffler un vent nouveau au sein d’une équipe qui stagne depuis plusieurs années maintenant.
Ce n’est que mon avis ; je souhaite à Alex Rins, l’un de mes pilotes préférés, le plus prompt rétablissement. Qu’en pensez-vous ? L’Espagnol peut-il déjouer les pronostics ? Dites-le moi en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport