Le Grand Prix d’Émilie-Romagne est désormais terminé. Finalement, la course MotoGP était plutôt intéressante ; il est vrai que nous avons eu droit à une belle joute jusqu’au dernier tour opposant Bastianini et Martin, ce qui est assez rare pour être souligné. Pourtant, un sentiment amer ne me quitte pas depuis la présentation du drapeau à damier. Je n’arrive pas à être content de la physionomie de cette épreuve et pas que du finish, comme vous pourriez vous en douter.
Une génération étrange
Il m’est difficile de comprendre le week-end de Pecco Bagnaia, pour commencer. Son énième erreur lors du Grand Prix ne me fera pas dire qu’il craque facilement sous la pression, ou qu’il n’est pas un double champion du monde MotoGP valeureux parce que c’est tout l’inverse. En revanche, il s’agissait sans doute de l’une de ses chutes les plus évitables.
Bien sûr, lui non plus ne voulait pas tomber, lui non plus ne voulait pas perdre des points aussi facilement. Mais pourtant, comment expliquer ce rythme démoniaque qu’il avait, alors que tout était perdu. Même Marc Marquez, durant la conférence de presse d’après-course, ne semblait pas comprendre ce qui animait Pecco Bagnaia.
Dans un prochain article, je reviendrai sur ses chances de titre à ce moment de la saison et plus encore. Il me semblait important d’en parler car j’ai l’impression d’assister, cette saison, à une course à la couronne nivelée par le bas. Comme je l’avais dit dans un précédent volet de Parlons MotoGP, les écarts de points ne se font pas à coups de dixièmes, sont encore moins causés par des joutes irrespirables entre les deux protagonistes de cette saison. Non, plutôt, ce championnat n’est animé que par des erreurs – et certaines, assez grossières – de Bagnaia et Martin. Cela fait partie de leur style d’attaquant et Bagnaia a prouvé, à ses dépens, que mon analyse à son sujet était juste : il ne calcule jamais rien. Cela en fait tantôt un adversaire redoutable sur une manche, mais une proie plus facile à aborder à l’échelle d’un championnat.
L’arbitrage d’une course au titre par des moments de faiblesse me rend plus triste qu’impatient de découvrir le prochain épisode, malheureusement.
Une attaque indigne de Bastianini
Passons maintenant au moment qui fait tant parler. Dans le dernier tour, Enea Bastianini a tenté une manœuvre très risquée sur Jorge Martin pour le gain de la première place. « C’est le MotoGP », me direz-vous. Sauf que rien ne m’a plu dans ce dépassement, de sa réalisation jusqu’aux réactions des deux concernés.
Premièrement, l’échange de peinture. Bastianini a décider d’attaquer au virage n°4, un droit assez serré qui conditionne un enchaînement des plus techniques, mais dans lequel l’Italien était nettement plus rapide que son vis-à-vis. C’était somme toute grossier, effectué à la hâte, d’instinct, alors qu’il semblait sur le point de développer son plan élaboré depuis plusieurs tours. Ça ne ressemble pas du tout à Bastianini, qui était, en 2022, l’un des plus propres en bataille. Non seulement les deux se sont touchés – c’est clair sur la vidéo ci-dessous –, mais Jorge Martin a été contraint de relever, de s’écarter à la limite du bac à graviers, et de revenir à plusieurs secondes derrière. Bastianini aussi dut sortir de la piste (!), et malgré tout, cela n’a pas alerté la direction de course.
Two and a half laps to go and it's as close as it can be!!! ⚔️#EmiliaRomagnaGP 🏁 pic.twitter.com/IN9bG2gZrd
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) September 22, 2024
Je n’ai rien compris. D’une part, on a déjà vu des pilotes perdre une place car ils avaient mordu la partie verte dans le dernier tour, et pas plus tard qu’hier matin ! Daniel Holgado, en Moto3, a dû rendre sa troisième position de cette manière, alors qu’il a nullement profité de sa sortie. Rappelez-vous aussi de Brad Binder à Assen en 2023, le samedi et le dimanche. Mais un pilote qui attaque si improprement, qui est obligé de sortir tant son freinage est incontrôlé, le tout pour la victoire dans l’ultime boucle, n’est pas sanctionné ? Honnêtement, je ne saisis pas.
Jorge Martin, par la suite, a considérablement ralenti. Ceci causa un écart de cinq secondes entre les deux hommes à l’arrivée. Pour la forme, Bastianini aurait donc pu écoper d’un long lap de pénalité et s’en tirer avec la victoire. Mais même pas, pourquoi s’embêter à rendre justice à des pilotes qui ont subi des pénalités parfois plus qu’injustifiées ces derniers mois. À savoir que je ne réclame pas une pénalité pour « Bestia », car je préférerais que la direction de course n’intervienne qu’en cas de grande nécessité ; simplement, je veux mettre en lumière l’irrégularité et l’incohérence de leurs décisions.
Et puis, cette célébration d’Enea Bastianini, parlons-en. D’un côté, je comprends sa joie car il n’avait encore jamais remporté de Grand Prix à Misano en MotoGP. Après tout, Pecco Bagnaia l’avait mouché sur la ligne – et à la régulière – en 2022, il y a de quoi célébrer. Mais de cette manière, après un tel outrage, je peine à le concevoir. Vous avez sûrement en tête l’incident entre Marc Marquez et Jorge Lorenzo au dernier virage du Grand Prix d’Espagne 2013. Pour une deuxième place à domicile en tant que rookie, Marquez n’avait pas hésité à faire un carreau sur « Por Fuera » dans le dernier virage du dernier tour. Marc, pourtant jeune et insouciant, eut au moins la retenue nécessaire pour se contenir suite à son acte. Ce n’est pas une question de mentalité, car tous sont des tueurs.
La réaction de Jorge Martin, tout aussi triste
Vient le dernier acte. Le « Martinator », très énervé sur le coup, s’est laissé aller à un bras d’honneur sur la ligne d’arrivée. Peut-être était-ce la naissance de la nouvelle rivalité qui se fait attendre depuis si longtemps en MotoGP ? Eh bien non. Il était apaisé dans le parc fermé, et n’a pas hésité à s’expliquer cordialement avec Enea Bastianini. Bien que j’admire le courant stoïcien qui touche cette nouvelle génération, je ne peux pas m’empêcher de regretter l’absence d’un réel énervement face à une situation qui le méritait. Si cela s’était passé il y a quinze ans, avec les acteurs d’il y a quinze ans, on en parlerait encore !
Here's the post race debrief between Bestia and Martinator 👀#EmiliaRomagnaGP 🏁 pic.twitter.com/EKPpMac1sS
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Je ne veux pas reprocher à Jorge Martin sa façon d’être. Juste, je trouve dommage que le MotoGP, particulièrement – quoi que cet argument s’applique aussi à la Formule 1 – ait perdu cet esprit trop compétitif qui l’animait il y a de ça bien trop de printemps. La rivalité est essentielle, elle a même sauvée quelques disciplines comme le basketball dans les années 1980. Pourtant, elle est totalement absente de notre sport préféré, comme si devant les caméras, tous étaient amis. Tu m’as poussé dans le dernier tour ? Pas grave, je retenterai la prochaine fois. Finalement, quand je vois certains déplorer le geste de Martin sur la ligne, je me demande si ce n’est pas moi qui suis prisonnier de ma nostalgie. Si vous étiez outrés par ce petit geste, alors vous allez adorer les années à venir avec Liberty Media aux commandes, je vous l’assure !
Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de ces questions, alors, dites-le moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.
Photo de couverture : MotoGP