Pedro Acosta gênant

Nous n’avons vu que lui. Au Portugal, Pedro Acosta nous a ébloui de mille feux, et déjà, pour certains, il pourrait s’avérer gênant. Le MotoGP vient de se doter d’un génie en plus, sauf que celui-ci était attendu depuis longtemps. Après deux courses, il représente déjà un problème pour ses concurrents, mais pas seulement. Son employeur, également, a des migraines en prévision. Analyse d’une situation pas si évidente.

 

Meilleur qu’espéré

 

Pedro Acosta a été brillant, il n’y a pas d’autres mots. Sur les collines de Portimao, il a montré qu’il pouvait déjà se comporter comme un vétéran. Le vendredi et le samedi, il n’a pas été flamboyant mais simplement, attendait son heure, pour mordre au bon moment. Une 7e place en qualifications et en Sprint dissimulaient une performance assez surprenante lors du Grand Prix. Car une fois les feux éteints, nous avons assisté à un véritable récital.

 

Pedro Acosta gênant

Clairement, il n’est pas là pour boire l’eau des pâtes. Photo : Michelin Motorsport

 

Pecco Bagnaia, double champion en titre, n’a pu lui résister. Pas plus que Marc Marquez d’ailleurs. C’était évident, même s’il était quelque peu brouillon au moment d’aborder le pilote Ducati, qui, on le sait, est toujours difficile à dépasser en raison de sa puissance de freinage. Il n’est là que depuis un mois, on lui pardonne. Ce qui m’impressionne, c’est sa capacité à gagner en expérience rapidement, à apprendre vite et bien. Il est une véritable éponge. Nul doute qu’il fait partie de la trempe des plus grands.

 

Du soucis à se faire

 

On a tous vu sa course, alors, inutile d’en rajouter. En revanche, son niveau doit inquiéter de nombreux pilotes, et je ne parle pas ici des Bagnaia, Martin, et Marquez. Plutôt, du contingent KTM. Ce week-end, au Portugal, personne n’a vu Brad Binder, hormis pour ses chutes en qualifications et en Sprint. Il achève le Grand Prix en quatrième place, d’accord, mais prend six secondes par Pedro Acosta. Le Sud-Africain peut remercier les incidents de couse qui lui permettent de pointer en deuxième place du classement général à l’issue des deux premières manches.

Cela signifie qu’Acosta était la meilleure KTM le dimanche. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, je tique dessus. Pour Augusto Fernandez et Jack Miller, c’est compréhensible sans les excuser. Le premier faisait un excellent champion Moto2, pour sûr, mais jamais il n’a fait preuve de génie comme Acosta dans sa carrière. Pour Miller, le trublion des paddocks, c’est plus compliqué. Il occupe une place extrêmement importante, l’une des plus en vue. Pour ne pas en faire grand-chose mais objectivement, je dois lui reconnaître son Sprint plus que correct. Mais là encore, on ne peut pas reprocher à Miller d’être Miller, et pas Marc Marquez. On savait qu’il n’allait pas casser la baraque.

 

 

C’est le cas de Binder qui m’interpelle. Depuis 2020 est sa montée en catégorie reine, aucun autre pilote de sa trempe ne lui a été appairé. Il se coltina – et battit – un Pol Espargaro déjà vieillissant, un Miguel Oliveira moins fort mais plus efficace, et donc, un Jack Miller post-Ducati, pas surprenant. Je m’attendais à ce qu’Acosta rivalise avec Binder, car il dispose après tout du même matériel. Mais certainement pas au bout de la deuxième course. Et de cette façon.

Par exemple, je ne pense pas que Brad ait déjà analysé puis dépassé Bagnaia plus proprement et intelligemment qu’Acosta. Il n’y a pas une si grande différence quant à l’intelligence de course, qui normalement, s’acquiert avec l’expérience. Si les deux viennent à se battre en piste, je pourrais miser sur Pedro facilement, et ce n’est pas forcément un compliment pour le management KTM.

 

Pedro Acosta gênant

Lorsqu’il les a dépassé, les deux l’ont admiré. Ils ne pouvaient rien y faire. Photo : KTM

 

S’en mordre les doigts

 

Reconnaissez que si l’équipe GasGas Tech3 vient à briller plus encore que la formation d’usine, cela ne constituerait pas une très bonne publicité pour le constructeur autrichien. Oui, la célèbre marque espagnole appartient au groupe, mais l’année de rookie d’un tel pilote pourrait ne pas être mise à profit pour faire de la promotion au glorieux KTM. GasGas reste un petit constructeur, très porté sur le monde du motocross et les sports outdoor en général.

Même si c’est aussi le cas de KTM, finalement, la firme est plus ancrée dans le paysage du MotoGP et surtout, son association à Red Bull permet de totalement séparer la production de ce qu’on voit en piste. Du point de vue commercial – et totalement extérieur, cela fait une sacrée publicité manquée pour les machines orange, ainsi que le fabricant de boissons énergisantes.

Je suis curieux de savoir s’il serait possible, en plein milieu de la saison, que Tech3 soit obligé de laisser partir Pedro Acosta pour un échange standard avec Jack Miller. L’entité est tellement puissante qu’elle pourrait s’inspirer de la Formule 1, où l’équipe Minardi, rachetée par Red Bull dans les années 2000 pour en faire un team junior (Toro Rosso, aujourd’hui VISA CashApp RB), a déjà fourni des pilotes à Red Bull F1 Team au beau milieu d’un exercice. Ces choix, en général très critiqués, feraient couler beaucoup d’encre. Mais ne serait-ce pas totalement logique au vu de la dynamique qui s’installe actuellement, d’autant que le modèle « Formule 1 », qu’on l’aime ou pas, est toujours celui après lequel on court ? Ce ne sont ici que des suppositions, mais c’est à surveiller de près. KTM n’en serait pas à son coup d’essai avec des décisions osées relatives à ses pilotes.

 

Comme s’il était là depuis toujours. Photo : KTM

 

Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de la place que prend Acosta au sein du Pierer Mobility Group. N’est-il pas trop bon pour rester un an entier chez GasGas Tech3, bien que la structure jouisse d’une place légendaire au sein des paddocks ? Peut-il aller battre, et pas seulement battre, largement devancer Brad Binder sur toute une saison ? Dans ce cas, faudrait-il remettre en question son statut de prodige promis à la gloire ? Rappelons que lui avait réussi à s’imposer dans son année rookie, à Brno en 2020.

Ce ne sont ici que des questions tout à fait ouvertes auxquelles je n’ai pas de réponse. Il fait toujours bon y réfléchir, en excluant totalement l’encombrante paperasse et les règlements dont la pérennité est somme toute relative au vu des enjeux. Dites-moi ce que vous en pensez en commentaires !

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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