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MotoGP rupture

Ce début de saison MotoGP est magnifique, animé par des batailles aussi somptueuses les unes que les autres ; mais pourtant, une sorte de rupture semble se créer entre la direction de course et les pilotes. Exemples à l’appui, entamons l’analyse d’un des sujets les plus importants de ces dernières années. Comment se fait-il que chaque week-end, désormais, des polémiques liées à des pénalités trop sévères ou non données fassent surface ?

 

Introduction – La légitimité entamée

 

L’idée de cet article m’est venue après le Grand Prix d’Espagne à Jerez, mais je voulais attendre Le Mans pour en être sûr. En effet, je trouve que le « toi je t’aime pas » de Johann Zarco à Freddie Spencer, responsable du panel de commissaires qui jugent des différentes actions en piste, était osé mais exprimait une pensée partagée par beaucoup. Depuis plusieurs mois, on nous vante une recherche de transparence de la part des officiels, mais de toute évidence, ça n’est pas le cas. Ces quelques mots de Zarco remettent en cause la légitimité de ce groupe, censé faire respecter la loi en MotoGP. Et il n’est pas le seul à décrier le travail des commissaires : sur l’année 2023, je pense que vous pouvez trouver au moins une plainte de chaque pilote, bien que certains s’expriment plus souvent que d’autres sur le sujet.

 

MotoGP rupture

La pénalité de Bastianini était-elle justifiée au Mans ? Photo : Michelin Motorsport

 

Quel est le problème ? Tout est parti d’une mauvaise décision. C’est pour ça que le travail de la direction de course est l’un des plus durs qui soit. Une seule pénalité attribuée est synonyme, dans l’inconscient collectif, à une nouvelle réglementation. Elle doit faire date, on doit pouvoir s’y référer. Mais au simple visionnage de nos courses préférées, ça n’est jamais le cas. Pourquoi, à Jerez, Binder n’a-t-il pas été pénalisé pour son attaque sur Bagnaia et Bezzecchi au premier virage ? Pourquoi, à l’inverse, Di Giannantonio a été sanctionné au Mans après avoir rendu sa position – et même plus – dans la Chicane Dunlop ?

Le public cherche des équivalences, qui, au vu du nombre de litiges constatés, ne peuvent exister. Et la direction de course perd en légitimité, car on fera toujours plus confiance aux pilotes, nous, qu’aux officiels même si ce sont d’anciennes gloires. Si Zarco ET Aleix Espargaro sont d’accord sur le cas Binder, c’est que ça doit être vrai.

Il devient d’autant plus difficile d’expliquer les décisions, et c’est là le tort de Spencer et ses hommes. J’ai le souvenir de Franco Morbidelli, à Jerez l’an passé, qui déplorait un manque total de clarté. Même les pilotes ne comprennent rien à ce système ; ça me fait un peu penser aux impôts en France. Tout le monde sait que l’organisme des finances publiques sert la cause, tout le monde ne comprend rien aux centaines de cases que comporte la déclaration, et tout le monde se sent lésé à la fin de l’année.

 

 

La question – Pourquoi autant de problèmes ?

 

À chaque week-end sa polémique. Mais pourquoi est-ce si fréquent ? Les paragraphes ci-dessus aident à répondre à cette question, au moins partiellement. L’arbitre n’est plus aussi légitime dès sa première erreur, et c’est la porte ouverte aux mauvais exemples comme aux protestations. « Pourquoi j’ai pris deux long laps alors que Binder n’a rien eu ? » pourrait-on entendre de certains, sans pouvoir leur jeter la pierre.

Maintenant, la raison principale est indépendante de Spencer. Le MotoGP est plus resserré que jamais. Avant, il n’y avait pas autant de batailles dans le peloton, pas autant d’intensité pour les points. Les Sprints n’ont fait qu’accroître ce phénomène. Aujourd’hui, quinze pilotes, en gros, peuvent monter sur le podium une fois dans l’année. C’est donc naturel qu’ils en viennent à se battre jusqu’à se toucher, très souvent. Car chacun a de l’espoir en sa course, tous savent qu’ils peuvent viser gros. Un Raul Fernandez est en droit d’être énervé s’il n’accède pas au top 5, alors qu’avant, les Karel Abraham et autres Michael Laverty n’auraient jamais eu l’ambition de se battre pour de telles places. Ils n’auraient pas pu être aussi déçus.

 

MotoGP rupture

On a pas vraiment compris la pénalité de Diggia au Mans. Photo : Michelin Motorsport

 

Deuxièmement, parce que les pilotes doublent plus difficilement qu’avant. L’aérodynamique, même si elle n’empêche pas les dépassements, complique la tâche. De plus, l’émergence du style Marquez assez peu porté sur la propreté, mais plus sur l’efficacité, sans qu’il soit pénalisé en 2013 pour sa première saison, y est aussi pour quelque chose. Brad Binder en est le digne héritier. L’art du dépassement se perd, même si Bagnaia, Martin ou Bezzecchi le perpétuent encore.

Troisièmement, les médias. On entend les pilotes tout le temps, sur tout. Forcément, chacun prêche pour sa paroisse et veut tirer la situation à son avantage. Pour suivre de très près tout ce qu’il se dit sur une année, on en entend très rarement dire : « je l’ai percuté, c’est ma faute, pénalisez-moi », pour ne pas dire jamais. Même le 14e peut s’exprimer, on l’entendra autant que le vainqueur car il était 8e il y a deux Grands Prix, et que ledit vainqueur était lui 6e. C’est l’une des raisons majeures pour lesquelles les incidents se multiplient, car beaucoup naissent dans la bouche des principaux concernés, qui sont tous prétendants à de belles places.

 

Conclusion

 

À vrai dire, la rupture, on y est déjà. Fabio Di Giannantonio regrettait le « manque d’humanité » des commissaires sportifs au Mans, et la simple déclaration de Zarco montre qu’il y a un problème, c’est indéniable. Spencer et ses équipes n’ont plus de légitimité, malgré ses deux titres 500cc d’ailleurs. Que pourrait-il arriver de pire ? Selon moi, qu’un pilote se voit attribuer deux long laps, et ne les effectue pas, pour protester. Imaginez un instant les profils qui parsèment la grille, et osez me dire qu’un Aleix Espargaro, à tout hasard, ne pourrait pas faire ça ?

Que pensez-vous de toutes ces questions ? Dites-le moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

N’empêche que Diggia, ou même Bestia, à l’heure des signatures hâtives, jouent gros sur ces courses. Une décision peut peser lourd dans un championnat comme celui-ci. Cf l’exemple de Bestia, qui était sans doute aussi rapide que les leaders au Mans. S’il avait gagné le GP de France, Ducati aurait peut-être réfléchi différemment. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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