Il y a quelques années désormais, j’avais publié un article intitulé « le plus gros problème du MotoGP moderne », mais il est désormais daté. En trois ou quatre ans, la physionomie du championnat a changé, la domination d’une marque s’est solidement installée, et l’écosystème MotoGP est à un tournant de son histoire. Bien qu’objectivement, je pense toujours que notre sport soit la meilleure discipline motorisée au monde, il subsiste quelques problèmes, et celui que je vais exposer aujourd’hui me semble particulièrement important.
Je précise qu’il ne s’agit là que de mon avis, et qu’il ne reflète en aucun cas la pensée de la rédaction.
L’américanisation avant l’heure
Aux USA, on aime bien faire les choses en grand. Le pays de l’entertainement, du spectacle, du show ne laisse aucune place au répit. Comme dans Fahrenheit 451, il faut être diverti, toujours, en permanence, être abreuvé de spectacle, inondé de confort. Si le génial Ray Bradbury n’avait peut-être pas prévu l’émergence d’un sport aussi plaisant à regarder que le MotoGP, il avait vu juste sur tout le reste ou presque – en attendant…
Le MotoGP n’est pas encore propriété de Liberty Media, mais cela devrait se faire un jour au l’autre. Pourtant, DORNA Sports a déjà pris quelques réflexes américains. Bien que je sois passionné par le pays de l’oncle Sam, sa culture sportive et ses traditions, certaines méthodes m’exaspèrent ; parmi elles, l’excès.
Selon moi, le principal problème du MotoGP actuellement est l’abondance. Je trouve, très personnellement encore une fois, qu’il y a trop de courses, voilà tout. Cela peut paraître étrange de la part d’un professionnel de la question, effectivement, mais j’aime le sport, c’est comme ça. Il est possible que cette tendance résulte en de néfastes dynamiques, si ce n’est pas déjà le cas.
Plus de spectacle, tension moindre
C’est une constante dans le monde de l’événementiel, mais qui ne semble gêner personne en MotoGP, spécifiquement. Elle vaut pour tous les sports, tous les spectacles. Plus il y a de manches dans un championnat, et moins chaque manche pèse. J’entends, par là, que la multiplication des courses au calendrier va de pair, de manière proportionnelle, à la baisse de la tension et du suspense. L’ajout des courses Sprint n’a fait qu’aggraver ce phénomène, qui me déplaisait déjà depuis 2019, lorsque le calendrier comptait 19 épreuves.
C’est un problème du point de vue du spectateur. Plus il y a de courses, moins elles sont exceptionnelles à nos yeux, mais aussi à ceux des pilotes. Avec 44 départs prévus en 2025, un ténor peut se permettre de foncer les yeux baissés, de tomber, plusieurs fois, s’il le faut. Et s’il est deuxième le temps d’une course, ce n’est pas si grave. C’est l’une des raisons, avec, bien sûr, la personnalité des protagonistes, qui cause une absence totale de tension depuis plusieurs années. Alex Rins, au Japon, semblait s’interroger sur cette course au titre dépourvue d’émotion, bien qu’elle fut serrée jusqu’au bout. Martin, deuxième toute l’année ou presque, pouvait se permettre de sourire. Bagnaia avait de quoi éponger ses erreurs. Ça n’était pas possible il y a dix ans.
Nous avons tous reconnu qu’il s’agissait d’une belle campagne, d’accord, mais était-elle si mémorable que ça ? Nous rappellerons-nous des moments cruciaux, des courses marquantes dans dix ou quinze ans ? Je ne le crois pas, car tout va trop vite, nous sommes abondés d’épreuves. Avant, il fallait quinze jours à trois semaines pour se remettre d’une bataille où les deux pilotes n’avaient pas d’autres choix que de croiser le fer. Désormais, ils se retrouvent le lendemain pour un nouvel essai.
J’irai même plus loin, de manière assez pessimiste, je le conçois. Sauf conditions exceptionnelles (la bataille pour le titre 2021 en Formule 1 est un beau contre-exemple), je pense qu’il sera très difficile voire impossible d’assister à une saison tendue de bout en bout au vu du nombre de courses, qui, au bout d’un moment, ne peuvent faire que redescendre la pression. Deux pilotes ne peuvent pas se battre à chaque fois sur 44 manches. C’est autant d’occasions de se réconcilier à l’arrivée, de se congratuler, de calculer. C’est autant d’occasions que n’avaient pas les héros de ce sport auparavant. Le risque n’en vaut plus la chandelle.
Demain, nous continuerons d’explorer cette problématique qui m’est chère. Rendez-vous à 20 h 30 pour la deuxième partie ! En attendant, dites-moi ce que vous en avez pensé en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport