Chaque saison MotoGP renferme son lot d’anecdotes et de
statistiques insolites. La campagne 2022 ne fait pas
exception à la règle. Parmi elles, nous en avons dégoté une
particulièrement intéressante, qui en dit long sur l’évolution de
la catégorie.
Francesco Bagnaia, champion du monde MotoGP 2022, a
été rayonnant en deuxième partie de saison. D’ailleurs, après avoir
retourné la question dans tous les sens, nous pouvons désormais
affirmer qu’il est le meilleur pilote du monde. Depuis le
Grand Prix des Pays-Bas, sa forme stellaire lui
permit de remonter la bagatelle de 91 points sur Fabio
Quartararo, du jamais vu au plus haut niveau. Nous
n’avions pas observé de pilote aussi fort depuis Marc Márquez en
2019, lors de sa folle année. L’Italien dégageait une
sérénité impressionnante, comme si le titre lui était destiné peu
importe les péripéties.
Pour rentrer dans le vif du sujet, de Assen à
Valence, il a scoré 18,4 points par course
(ppc) sur dix manches, et 20,4 ppc quand
il terminait sur ses roues. Stratosphérique.
Quartararo ou même Andrea
Dovizioso n’ont jamais réussi à tenir un tel rythme sur
une période aussi longue. Alors, certes, on rappelle souvent que le
Bagnaia du début de saison était en difficulté sur une Desmosedici
difficile à faire fonctionner, mais finalement, il a été vainqueur
à Jerez et au Mugello.
Assurément, sa campagne 2022 était bien meilleure que celle de l’an
passé. En sommes-nous si certains ?
Tenez-vous bien : Sa moyenne de points par course en 2021
était plus élevée qu’en 2022 (13,2 ppc contre 14,0 ppc). Cela
signifie que théoriquement, Bagnaia 2021 aurait battu Bagnaia
2022. Cette singularité qui relève de l’anecdote est tout
à fait contre-intuitive. Nous n’avons pas rêvé : sa saison
2022 était bien supérieure. Il a triomphé à sept reprises contre
quatre l’an dernier, et au-delà de ça, il était simplement plus
fort, quelque chose qui ne s’explique pas forcément, mais qui
s’observe.
Alors pourquoi cette bizarrerie ? Tout
d’abord, commençons par les faits. Les chutes ont leur part de
responsabilité dans le faible total de points accumulé par Pecco
Bagnaia en 2022, le deuxième plus faible pour un champion MotoGP
depuis 2002. Ensuite, la perte de vitesse de Quartararo permit ce
titre, car sans « l’aide » du Français,
Bagnaia n’aurait jamais pu le faire.
Maintenant, passons à la partie cachée de l’iceberg,
particulièrement intéressante à décortiquer. Cette
différence entre les deux moyennes est assez étrange car notre
perception est trompée. En réalité, sa campagne 2021 était
excellente, mais éclipsée par celle de Fabio, notamment de notre
point de vue de Français. Bagnaia donne l’impression de souvent
chuter, ce qui est avéré depuis son arrivée en 2019. Pour autant,
l’an passé, il n’est tombé qu’à deux reprises en 18 courses, alors
que notre cerveau lui prêtait plus d’abandons. L’année 2022 biaise
aussi le jugement car elle est unique, ou presque. Il est très rare
de voir un pilote aussi fort mais aussi irrégulier. Ça a été le cas
avec
Kevin Schwantz en 1989 mais ces profils sont originaux
dans l’histoire. Bien sûr, la culture de l’instant nous
influence aussi dans l’appréhension de cette statistique.
C’est ici l’une des grandes qualités de Pecco : Son pilotage donne
l’impression qu’il tourne en 20 points par course, mais en réalité,
il est loin de ce total. Ainsi, sa grandeur et l’image
qu’il renvoie dépasse son niveau avéré. Il en devient d’autant plus
dangereux et confiant.
Selon vous, qui gagnerait un championnat entre Bagnaia 2021
et Pecco 2022 ? La question est assez pertinente.
Selon nous, l’avantage mental acquis par « Go
Free » cette saison aurait été décisif. L’élan,
largement en sa faveur, aurait fait craquer sa version antérieure :
Sur les dix dernières courses, rien ne pouvait l’arrêter, même pas
lui-même. Dites-nous ce que vous en pensez en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport