Le weekend de Portimão a tenu toutes ses promesses.
Cependant, en MotoGP, il n’y avait pas photo. Fabio Quartararo
évoluait sur « une autre planète », d’après les dires d’Aleix
Espargaró, troisième. Retour sur les quatre grands enseignements du
Grand Prix du Portugal.
I. (Déjà) un tournant de la saison ?
Comment ne pas débuter par cet exploit de Fabio. Assurément, cette
victoire sera difficile à oublier pour nous, mais aussi pour les
pilotes du plateau. Dès la cinquième manche, il s’agit peut-être
d’un des tournants du championnat.
Toutes les victoires ne se valent pas. Dimanche, Quartararo a fait
plus que gagner « à la Lorenzo », il a
rappelé à tout le monde qu’il était le champion. Et finalement, le
français a presque fait oublier le début de saison catastrophique
de Yamaha (le pire depuis le début de l’ère MotoGP), notamment
grâce à de gros points pris en Indonésie. Qui aurait pu prévoir,
après l’Argentine, qu’une Yamaha allait mener le championnat en
arrivant sur les circuits plus traditionnels ? Personne.
Samedi, le championnat n’avait pas de favori, d’homme fort, de
leader, sans manquer de respect à Enea Bastianini.
Lundi, « El Diablo » assume seul ce rôle, malgré le fait qu’il soit
à égalité de points avec Álex Rins ! C’est là
toute la force d’une victoire comme celle-ci.
Cependant, si, dans la dynamique, Quartararo a l’avantage, quatre
pilotes se tiennent en neuf points. De plus, la Yamaha est la
troisième meilleure machine (si l’on s’intéresse au classement
constructeur uniquement, mais les résultats de Fabio uniquement
biaisent la chose comme Marc Márquez en son
temps), et s’ils peuvent progresser, l’opposition ne se gênera pas
non plus.
Affaire à suivre, mais nous faisons face à un moment fort de la
saison. C’est une certitude.
II. Ducati, toujours pas ça.
Côté surprises, l’équipe officielle Ducati se pose là. Aucun
observateur n’aurait pu imaginer un début de saison aussi poussif,
surtout après avoir conçu l’une des meilleures machines de
l’histoire en 2021.
Si Bagnaia a effectué une formidable remontée
après sa chute samedi, il n’est « que » huitième à l’arrivée. Le
pilote italien ne compte aucun podium, aucune pole, aucun meilleur
tour en course et pointe 10e du général à 38 points de Quarta’. La
forme semble revenir petit à petit, mais il sera peut-être trop
tard pour contrecarrer les plans des premiers. Nous ne voulons pas
porter la guigne au sympathique Pecco, mais historiquement, un tel
écart à ce moment là de la saison est quasiment irrattrapable, dans
l’optique de viser le titre, cela va sans dire.
C’est significatif, mais tout reste possible mathématiquement.
Cette position est particulièrement difficile à assumer, surtout
pour un pilote qui n’est (objectivement) pas le meilleur face à la
pression. Nous ne sommes qu’à la cinquième joute, mais
Bagnaia ne peut déjà plus commettre d’erreurs et doit viser le
podium constamment.
Pour Jack Miller (9e au général), le temps n’est
plus au beau fixe. Alors que des rumeurs de transfert courent à son
sujet, il n’a pas répondu de la meilleure des manières en emportant
Joan Mir dans le premier virage, en lutte pour une 3e place. Son
podium à Austin, sans doute un peu amer (battu par les Ducati de
Martín en qualifs et Bastianini en course), ne cache pas sa forme
inconstante depuis un an environ. Derrière, les jeunes loups
poussent pour le guidon usine et Miller n’avait sans doute pas
besoin de cette contrainte supplémentaire.
III. Aleix Espargaró outsider ?
C’est, à bien des égards, la surprise majeure de ce début de
saison. Aleix est dans le coup, et ce régulièrement. Au Portugal,
il passe sous les radars des médias mais réalise une course solide
et réfléchie.
En effet, les derniers tours étaient très intéressants à analyser.
En temps normal, un pilote aussi vif dans l’action qu’Aleix
Espargaró aurait tenté de passer Johann Zarco pour la
deuxième place. Mais aucune attaque. D’une part car il manquait de
traction en raison de l’usure des pneumatiques, comme il l’a
expliqué, mais l’on ne peut s’empêcher de penser à une possible
gestion du championnat.
En s’assurant un nouveau podium (aidé par l’accrochage Miller/Mir),
Espargaró se place idéalement dans la course au titre après cinq
manches. En quelques Grands Prix, le pilote espagnol a remplacé les
officiels KTM dans les phrases débutant par « Peut-être » que l’on
susurre. À chaque année son outsider : 2022 ouvre
grand les bras à l’Aprilia n°41.
IV. Où sont les rookies ?
Ce quatrième point est en réalité plus une remarque qu’un
enseignement. Pour faire simple, nous connaissons le pire début de
saison pour un groupe de rookies depuis 2002 et l’ère MotoGP
(années 2007 et 2016 exclues, un seul rookie, respectivement
Sylvain Guintoli et Tito Rabat).
Les nouveaux venus sont menés par Marco Bezzechi,
19e du général. Au total et en moyenne, ils cumulent 17
points à cinq. Cette situation est très étrange. Depuis
2016 et le boîtier électronique unique, plus ou moins chaque moto
peut jouer le top 5 (en 2021, 19 pilotes ont terminé au moins une
fois dans les cinq premiers), a minima le top 10. Sans compter que
le niveau des jeunes n’a fait que progresser depuis des années, la
Moto2 préparant de mieux en mieux à la catégorie reine. Aucun des
cinq larrons n’a pu tirer profit des faits de l’imprévisibilité de
cette entame. Bizarre.
Cerise sur le gâteau : la cuvée 2022 pouvait être considéré
comme l’une des trois meilleures du XXIe siècle, portée par
Remy Gardner et Raúl Fernández,
auteurs de deux saisons gigantesques l’an passé. Bien entendu, ils
vont manger du kilomètre et la fin de saison est loin. Mais cela
reste un point intéressant à surveiller.
Qu’avez vous pensé de cette manche portugaise ? Où
voyez-vous Jack Miller l’an prochain ? Dites nous tout en
commentaires, tous seront lus et débattus !
Photo de couverture : Michelin Motorsport