On ne peut pas dire que Suzuki réalise une grande
année. L’équipe Japonaise traverse la saison de manière
anecdotique, en attendant son retrait de la compétition.
Tout partait bien. Au Qatar, bien des observateurs
furent choqués quand une GSX-RR dépassa une Ducati dans la ligne
droite principale. Une sorte d’engouement s’installa, au vu du
potentiel de la machine. Joan Mir et Álex
Rins terminèrent respectivement 6e et 7e, ce qui n’est pas
un très mauvais résultat au vu des standards habituels sous les
projecteurs de Losail. Les premières manches
étaient correctes : Álex Rins semblait être sorti de sa mauvaise
passe et montait de nouveau sur le podium, à deux reprises, pendant
que Mir figurait 4e. Mais depuis le Portugal, plus
rien.
Les deux espagnols traversent la saison, sans rien proposer. Au
Mans et au Mugello, la formation
recense deux résultats blancs consécutifs. Ironiquement, il faut
remonter aux Grands Prix de France et d’Italie 2003 pour retrouver
un aussi mauvais bilan sur deux courses, avec Kenny
Roberts Jr. et John
Hopkins au guidon. Pour ne rien arranger, Rins se fait
faucher par Takaaki Nakagami en Catalogne et se
blesse.
Ce ne sont pas les multiples abandons qui rendent la performance
triste, mais c’est la manière avec laquelle Suzuki réagit, ou ne
réagit plus. À Barcelone, Mir s’exprimait sur cette perte de
motivation avec des termes très durs – après s’être qualifié
17e – : « Nous sommes dans une
ornière ».
Faire monter Mir en 2019 était osé. Suzuki se
retrouvait avec deux jeunes, fougueux et hargneux au possible. Cet
état d’esprit guerrier a d’ailleurs été récompensé par un titre en
2020. Aujourd’hui, le duo n’est plus incisif, a perdu de sa
fraîcheur. Et ce n’est pas plus joli dans le détail. Joan Mir
comptait 134 points après 11 Grands Prix l’an
passé, et 137 en 2020. Après Assen, il pointe à
77 unités, soit la plus grande perte brute parmi
les officiels d’une année à l’autre (même devant Viñales). Il n’a
toujours aucun podium, aucun meilleur tour en course et aucune
pole, exercice dans lequel il a toujours pêché. Sa régularité était
son atout, mais ce n’est même plus vraiment le cas. Par quatre
fois, Mir n’a pas marqué de points (il fut emporté par Miller au
Portugal). C’est déjà plus que ses saisons 2019, 2020 et
2021.
Même quand il termine, il n’est plus aussi compétitif
qu’auparavant. Lors de son année sacrée, il ramenait
15,5 points de moyenne à chaque fois qu’il
franchissait la ligne, et portait même ce total à
19,18 en 2021, contre seulement
11 cette année. S’il dominait considérablement
Rins, ça n’est plus le cas. Quand les deux pilotes terminent la
course (soit à six occurrences), Mir a devancé son coéquipier
trois fois. L’an dernier, après 11 manches, Joan
dominait 5 à 1. Alors certes, la moto joue un rôle
mais ces chiffres sont significatifs. D’autant plus que Rins marche
mieux que l’an dernier. À ce stade de la saison, il comptait
42 points contre 75 aujourd’hui,
et ce avec le même nombre de résultats blancs (5). Quand il
termine, il score 10,71 points en moyenne – en
comptant sa contre performance de Jerez, 19e sans chuter – contre
seulement 8,4 l’an dernier. Une nette progression
qui met d’autant plus en lumière la mauvaise forme de Mir.
Que cela nous donne-t-il ? Une équipe 6e au classement, des
pilotes dans le ventre mou du championnat, avec un ex-champion du
monde en perte de vitesse et un talent prometteur qui se
reconstruit peu à peu, mais encore trop irrégulier. Il faut
espérer un rebond, car la fin de saison pourrait être plus longue
que prévue…
Que pensez-vous de Suzuki cette année ? Est-ce la plus grosse
déception de cette saison 2022 ?
Photo de couverture : Michelin Motorsport