Nous poursuivons notre rétrospective de la saison de
chaque pilote, du dernier jusqu’à Pecco Bagnaia. Pour
apprécier la performance de nos héros, regarder leur place au
général ne suffit pas. Ainsi, nous allons nous pencher sur les
dynamiques, le contexte, les qualifications, l’attente que le
pilote en question suscitait pour juger sa campagne. Cet avis reste
subjectif, et nous sommes curieux de voir ce que vous en pensez en
commentaires. Hier, c’était la saison du rookie
Darryn Binder qui était à l’honneur.
Vous pouvez retrouver l’article correspondant en cliquant sur cette
phrase en surbrillance.
Aujourd’hui, c’est un autre nouveau venu qui est sous le feu des
projecteurs. Remy Gardner, champion du monde Moto2 2021,
n’a pas brillé, c’est le moins que l’on puisse dire. Analysons tout
ça.
I) Imbroglio
Avant de nous pencher sur ses résultats, nous sommes contraints de
revenir sur son éviction. Le sujet de son départ est
particulièrement sensible. La rupture entre Gardner et KTM est
assez difficile à comprendre, car encore aujourd’hui, le principal
intéressé est perplexe. Pour faire simple, tout le monde se renvoie
la balle. L’on avait d’abord cru que Gardner ne s’impliquait pas
assez, mais cela a été démenti par Pit Beirer.
Pourtant, l’Australien affirme que son manager Paco Sanchez le lui
a confié, se basant sur les dires de Jens Heibach,
vice-président du département course chez KTM. De son côté,
le « crocodile » Wayne Gardner a
publiquement accusé… Paco Sanchez, alors que son
fils Remy affirme que l’agent n’y est pour rien ! Sanchez,
lui, accuse le management de KTM. Bref, c’est une situation
inextricable.
Alors, maintenant que cela est dit, concentrons-nous sur la
piste, et tentons de prendre du recul par rapport à ce
quiproquo.
II) Une triste saison
En arrivant chez Tech3, équipe dont la réputation
n’est plus à faire, Gardner semblait être entre de bonnes mains, la
formation française étant l’une des meilleures pour développer les
nouveaux talents. Alors, certes, on sait que la KTM RC16 est
difficile à appréhender, et même les pilotes officiels, qui
connaissent parfaitement la bête, peinent à performer de manière
régulière à son guidon. Mais l’on pouvait attendre ne serait-ce
qu’un coup d’éclat, une percée qui aurait pu révéler le grand
talent de Gardner. Hélas, ça n’est jamais venu.
Pour rappel, Remy avait fait une campagne Moto2 dominante, avec
cinq victoires à la clé : impressionnant, surtout par rapport à
Darryn Binder.
C’est triste à dire, mais il s’agit de la pire campagne
rookie d’un champion Moto2 depuis l’avènement de la
catégorie en 2010, et de très loin. Après sa belle performance de
Barcelone (11e), on a cru à un déclic, mais la
deuxième partie de l’année est encore pire que la première. Ce qui
est frappant à l’étude de sa saison, c’est sa non-progression au
fil des courses. Gardner est resté bloqué en fond de grille.
Forcément, à ce stade, le mental est altéré, une dimension
relevée depuis juin par KTM vis-à-vis de ses pilotes.
Attention, Remy a des circonstances atténuantes.
Tout d’abord, la compétitivité de sa machine ne pouvait pas lui
permettre de jouer beaucoup mieux, même dans un scénario idéal. De
plus, son coéquipier était lui aussi un rookie, et cela, dans
l’histoire, n’aide pas à performer. Comme si ça ne suffisait pas,
le syndrome des loges le frappa en fin de course à Misano. Son
génial équipier que l’on peut qualifier de talent générationnel n’a
pas fait beaucoup mieux au global : Sur la saison, et quand
les deux terminaient la course, Fernández était devant neuf
fois, contre six pour Gardner. Un duel assez
équilibré.
Conclusion :
Le cas Gardner est difficile à comprendre, pas que pour
nous d’ailleurs. Peu importe comment on retourne le
problème, sa saison est plus que moyenne. Sur le plan purement
stratégique, KTM a eu raison de donner une chance à un champion du
monde Moto2, c’est évident. Cependant, plusieurs problèmes ont eu
raison de son niveau de performance, mais l’Australien n’y était
pas pour rien. Comme d’habitude, « c’est dans le juste
milieu que se trouve la vérité ». Certes, la
KTM RC16 n’est pas la meilleure machine pour
démarrer sa carrière au plus haut niveau, et le management de la
firme autrichienne n’est sans doute pas le plus tendre.
Mais de l’autre côté, il est grandement possible que le manque de
performance eut raison du mental et de l’envie de Gardner.
Méritait-il d’être évincé pour autant ? Du
point de vue purement sportif, c’est justifiable, car il n’a rien,
ou presque rien, proposé sur toute une saison. Les Grands Prix vont
de plus en plus vite, et dans le futur, les jeunes n’auront plus le
droit à l’erreur. Il faut juste observer la qualité de la
grille Moto2 pour s’en convaincre. De ce point de vue et
dans cet
environnement (qu’ils ont en partie façonné), les
Autrichiens ne peuvent pas se permettre d’attendre avec des pilotes
qui n’ont plus le feu sacré.
KTM est une marque qui veut gagner, et qui dispose de
nombreux talents sous le coude : Au suivant.
Maintenant, faut-il juger un pilote sur une saison seulement ?
Non, bien sûr. Mais c’est aux instances de modérer
ces agissements, car la première année dans cet environnement très
homogène est toujours difficile. Nous lui souhaitons le meilleur
pour l’année prochaine, le niveau du WSBK monte d’un cran, et cela
va devenir une alternative privilégiée pour des profils comme
celui-ci.
Qu’avez-vous pensé de la saison du fils Gardner ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport