L’équipe Aprilia pourra-t-elle bouleverser la hiérarchie
établie comme en 2022 ? Alors que la saison 2023 approche
à grands pas, nous vous présentons dix sujets à surveiller tout au
long de l’année. Cela peut concerner des pilotes, des équipes ou
d’autres thématiques, avec, à chaque fois, un avis relativement
tranché. Ici, on se mouille. Bien sûr, vous êtes
invités à dire ce que vous en pensez en commentaires.
Débutons cette série par une analyse des chances de la
firme de Noale.
Avant de donner une sorte de « pronostic »,
étudions en détail la question. Pour comprendre, rien de
mieux que de se pencher sur la saison passée. Aprilia, désormais
sans Gresini Racing à l’exploitation, a pu
s’offrir la première victoire de son histoire en Argentine grâce
aux efforts de Aleix Espargaró. L’ajout de
Maverick Viñales fin 2021 n’était pas
inintéressant et laissait rêveur.
Les podiums se sont multipliés, comme les bonnes performances
(notamment à Assen, leur course référence). À mi-saison, Aprilia
possédait assurément l’une des meilleures machines du plateau. Très
stable et polyvalente, elle convenait parfaitement à la paire
espagnole, qui pointait solide deuxième au classement
équipes.
Maintenant que cela est dit, rappelons la dynamique, qui, en sport,
est souvent plus importante que la forme absolue. Et le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas favorable à
l’équipe italienne. Tout d’abord, la piste, le seul
indicateur qui ne ment jamais. La firme s’est écroulée fin 2022, et
de quelle manière. Entre erreurs humaines
(Motegi), manque de vitesse
(Sepang) et défaillance mécanique
(Valence, le seul double abandon de la saison au
plus mauvais moment), le soufflé est retombé, et, il faut l’avouer,
ces dernières manches ratées prennent une grande place dans notre
jugement.
Ensuite, seulement 36 points marqués en cinq courses avec deux
pilotes, c’est maigre. Comme si cela ne suffisait pas, Aprilia
s’est fait dépasser par Red Bull KTM Factory
Racing au classement équipes, et termine à quelques
encablures de Yamaha aux constructeurs. Attention : il y a tout de
même des motifs d’espoir, notamment au niveau du développement.
Aprilia n’a pas chômé cet hiver, et revient avec une machine très
avancée dupoint
de vue aérodynamique. Mais pourtant, nous avons du mal
à imaginer une meilleure saison qu’en 2022, voici
pourquoi.
Concentrons-nous d’abord sur les pilotes. Sur le papier,
Maverick Viñales peut aller chercher de belles
places voire quelques podiums, toujours avec l’irrégularité qui le
caractérise. Mais nous avons de gros doutes concernant son plafond.
Nous ne questionnons pas son talent intrinsèque (l’un des meilleurs
de sa génération), mais nous pouvons difficilement imaginer qu’il
fasse mieux qu’avec Yamaha par exemple. Si « Top
Gun » n’a pas réussi sous l’auvent d’Iwata, pourquoi
pourrait-il le faire dans une équipe qui, certes, a montré de
belles choses lors des essais hivernaux, mais qui s’est essoufflée
à ce point en fin d’année dernière ? Il est rapide, certes,
mais est-il celui qui peut tirer un projet vers le haut
surtout quand la marque traverse une mauvaise passe ?
Nous ne le pensons pas.
Puis, l’éternel Aleix Espargaró. Celui qui a
surpris tout le monde en 2022 va souffler ses 34 ans, et semble
épargné par l’écoulement du temps. Pour lui aussi, et bien que nous
adorons ce pilote à l’héritage immense, nous sommes relativement
pessimistes.
Premièrement, sa campagne 2022 était un peu miraculeuse et
contrairement à ce que les chiffres démontrent,
il n’a jamais vraiment été en mesure de jouer la couronne
mondiale. Sa position réactive et sa
« stratégie » conservatrice (à
défaut de pouvoir aller plus vite) l’ont exclu de la
course au titre dans une ère où la vélocité prévaut. Il n’a été
proactif qu’à deux reprises, à Termas de Río Hondo
et à Assen, sa meilleure performance de l’année.
Finalement, il n’a pas pris assez de risques alors que son style,
depuis 10 ans, consistait à tirer le maximum de machines
inférieures jusqu’à tomber. Ce changement de philosophie lui permit
d’être mathématiquement plus proche de la tête, mais
contextuellement plus éloigné d’un titre. L’histoire nous
l’apprend : pour être champion du monde, il faut gagner,
souvent si possible et la performance doit primer sur la
régularité.
La deuxième raison découle de la première, car les fenêtres
de tir sont maigres en MotoGP. Nous pensons que
2022 était l’occasion où jamais de viser une couronne mondiale, car
il est certain que la RS-GP avait le potentiel pour à un moment
donné. De plus, la moyenne de points par course requise pour être
champion était historiquement basse (Bagnaia titré avec seulement
13,25 points par course). Il y avait la place pour
un outsider vainqueur comme en 2020. Nous n’allons pas divulgâcher
les prochaines analyses, mais nous pensons que Ducati et plus
particulièrement la paire d’officiels ne vont pas laisser autant de
courses leur échapper en 2023.
Alors, bien sûr, il y a de grandes chances que Aleix
Espargaró finisse dans le top 10, comme souvent, d’autant
que la moto a l’air performante.
Il est l’un des meilleurs pilotes de la décennie, donc
cela n’aurait rien d’exceptionnel et serait, a fortiori, une
régression par rapport à 2022 s’il ne fait pas mieux que 4e.
D’ailleurs, cet aspect de recul probable est perceptible dans une
de ses déclarations. Quand Aleix dit du package Aprilia 2023 à
Sepang qu’il « ne sait pas encore si c’est
suffisant pour se battre aux avant-postes du championnat du monde
» alors qu’il était de facto aux avant-postes du
championnat du monde il y a moins de six mois en dit long. Par la
suite, il s’est rattrapé en affirmant qu’il ne voyait aucune marque
autre que Ducati faire mieux, mais chaque mot a du sens. À l’heure
où nous écrivons ces lignes, Aleix souffre d’une inflammation au
bras droit et devrait se faire opérer incessamment sous peu. Ces
hommes sont des guerriers mais une blessure comme celle-ci en début
de saison peut nuire à la naissance d’une dynamique positive.
Terminons sur un point non négligeable qui vous a peut-être échappé
: les multiples déclarations du directeur sportif
Massimo Rivola. Entre l’imbroglio autour du
nouvel E.C.U. et la présence des fameuses huit Ducati
sur la grille,
l’Italien ne sait plus où donner de la tête. Son point de vue
tranché est respectable, mais sa position est finalement plus
défaitiste que raisonnée : « Je demande des contrôles et
des réglementations sur le nombre de motos autorisées par fabricant
», ou encore : « Si j’étais chez Ducati, je ferais
interdire tous les tests. Parce qu’ils ont tellement de motos sur
la piste lors des courses ». Nous comprenons tous ce qu’il
veut dire, mais ce n’est sûrement pas la bonne façon de le
formuler. On a l’impression qu’il s’avoue déjà vaincu alors
que la saison n’a même pas commencé.
Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas les plus optimistes
concernant le cas Aprilia Racing. Il faut aussi qu’ils se méfient
de la menace RNF si jamais le développement devient incontrôlé, ce
qui n’est pas si rare au plus haut niveau. Attention : le sport est
imprévisible, et nous souhaitons de tout cœur que la formation
italienne nous fasse mentir ! Ces analyses sont
subjectives, bien qu’elles essayent de se baser sur des
faits.
Que pensez-vous de la question ? La firme pourra t-elle
réitérer ou plus incroyable encore, faire mieux ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport