La saison 2022 se révèle comme l’une des plus
surprenantes de l’histoire de la MotoGP. Un affrontement à
distance entre deux grands pilotes, Fabio Quartararo et Pecco
Bagnaia, nous tient en haleine depuis la reprise à Assen.
Inexorablement, l’Italien se rapproche sans que le Français ne soit
en mesure de répondre. À l’heure où ces lignes sont écrites,
seulement deux points séparent les champions et l’issue du
championnat n’a jamais été si indécise … Ou
pas ?
Réponse en trois parties, avec d’abord une petite précision sur une
notion intéressante. Si jamais vous désirez avoir uniquement notre
avis sur la question posée dans le titre, rendez-vous à partir du
point n°2 et demain pour la troisième
partie.
I) L’importance du « momentum »
Si nous, français, parlons de
« dynamique », les anglo-saxons et plus
particulièrement les Américains utilisent le
« momentum » pour décrire les tendances.
Pourtant, entre ces deux termes, il existe une différence qu’il est
approprié de relever dans une analyse comme celle-ci.
Le dictionnaire de Cambridge définit le
« momentum » comme suit :
« […] une augmentation de la vitesse de développement d’un
processus ». Ainsi, la traduction exacte serait un mélange
entre la « dynamique » et la notion de
mouvement physique, et « d’élan », qui
représente la vitesse et le développement.
Quoi qu’il en soit, cette notion est principalement utilisée par
les analystes sportifs américains et figure parmi leurs armes les
plus pertinentes. Lors de l’étude de la saison d’une équipe de
basketball, par exemple. Tout, ou presque, en sports, peut
s’expliquer par le momentum. Un exemple évident est la remontée
d’un pilote sur un autre lors d’un Grand Prix moto.
Vous l’avez sans doute remarqué, quand un pilote a une cible devant
lui et qu’il commence à remonter, il ne rétrograde jamais
ou presque. Il se rapproche et parfois, le double.
Cela semble inexorable. La course de Misano
illustre ce propos. Bastianini chassait Bagnaia,
et commit une erreur dans l’avant dernier tour. Pourtant, bien que
distancé d’une dizaine de mètres, le momentum était
tellement en sa faveur qu’il a tout de même recollé et a manqué de
gagner la course. C’était son moment, la course allait
« dans son sens » jusqu’à la ligne ou le résultat s’est
décidé pour une fraction de seconde.
Dernière précision : Cette donnée ne dépend pas nécessairement
d’une chute ou d’une victoire. Il est possible de faire un
excellent résultat en ayant le momentum contre soi
(Quartararo, Spielberg 2022) ou de
contre-performer mais de toujours le conserver (Quartararo,
Jerez 2021). Il faut l’étudier sur une plus longue période
pour l’appréhender le plus justement possible.
II) Quel rapport avec Bagnaia et
Quartararo ?
Bonne question. Mais vous avez sans doute compris ou nous voulons
en venir. Bagnaia s’est construit un momentum probablement jamais
vu en Grands Prix motos depuis 2002. Pour preuve, beaucoup parlent
déjà du possible titre de Bagnaia, remporté « avec
l’aide » de sept autres motos alors que dans les faits,
Quartararo est toujours devant.
Un momentum se construit, et c’est ici aussi une différence avec le
terme « dynamique », faisant écho à la physique, plus
froid, moins modulable. La base repose sur de la confiance, mais là
encore, plus facile à dire qu’à faire (et
imaginer).
La confiance du champion Italien s’est bâtie sur plusieurs
éléments. Sa machine en fait partie, tout comme son équipe. La
Ducati Desmosedici GP22, est, comme la GP21
d’ailleurs, l’une des meilleures motos de l’histoire des
Grands Prix. Si les consignes données aux autres pilotes de la
marque ne sont pas nécessairement utiles à Bagnaia (elles n’ont été
vues qu’une fois en action, à Buriram, pour trois points de gagnés
sur les 91 rattrapés depuis Assen), elles aident à consolider ce
socle de confiance.
Mais le prochain point est le plus important. Le mental. Voyez, un
momentum dépend énormément du mental du pilote. Et ce que l’on
n’osait pas imaginer il y a un an de cela se réalise :
Bagnaia peut prétendre avoir meilleur mental du
plateau. Pour preuve, étudions sa résistance à la
pression, hors de ce monde depuis Le Mans (Mugello, Misano,
Aragón).
Il semble invincible. Il peinait en début de saison, puis retrouva du rythme jusqu’à gagner à Jerez puis chute au Mans, sous les attaques de Bastianini. Ici, le momentum était désormais contre lui. Pourtant, il en fit abstraction, décupla sa confiance et frappa d’un coup de maître au Mugello. Puis deux chutes consécutives, et plus de 90 points de retard. Comment répond-il à ça ? Quatre victoires consécutives, du jamais vu depuis Márquez. Et nouveau faux pas au Japon, en difficulté tout le weekend sur le mouillé puis pendant la course. En Thaïlande, belle performance en course sur des conditions encore plus difficiles.
Cet homme se joue du momentum, et utilise son
statut d’outsider pour consolider sa confiance. C’est comme si à
chaque fois qu’il tombait, il devenait plus fort. La progression de
Bagnaia est sans aucun doute la plus spectaculaire de ces dernières
années, et dire que nous ne sommes qu’au début fait, nous le
confessons, un peu peur.
Voilà donc pourquoi Bagnaia semble aussi puissant, aussi
inévitable. Une base mentale excellente et un statut
d’outsider à la sauce « rien à perdre », se traduisant
par une vitesse foudroyante et des aptitudes de pilotage
exceptionnelles, notamment sur les phases de freinage. Le tout,
couplé à une machine et une équipe solide, lui procure une
confiance à toute épreuve, que les chutes ne peuvent ébranler.
Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, la moto ne
représente pas la totalité de l’équation même si elle reste
essentielle. Nous aurons l’occasion d’en reparler en détail à la
fin de la saison.
C’est tout pour aujourd’hui ! Afin de ne pas trop alourdir la
lecture, nous avons partagé cet article en deux. Demain, à 20 h 30,
vous retrouverez la suite, concernant cette fois Fabio Quartararo.
N’hésitez pas à nous dire ce que vous pensez de la question !
Tous les commentaires pertinents seront lus et débattus.
Photo de couverture : Michelin Motorsport