DORNA l’a
annoncé récemment : En 2024, un nouveau championnat fera son
apparition en marge du WSBK et sera exclusivement réservé aux
femmes. Sur le papier, l’initiative est sympathique mais elle
soulève également de nombreuses questions, voire, d’interrogations.
Analyse en plusieurs points.
I) Une énième copie ?
Vous allez le comprendre, nous sommes sceptiques quant à
l’introduction de ce nouveau format. Quelques précisions s’imposent
sur la nature de celui-ci : Concrètement, DORNA proposera la même
machine à toutes les engagées, et organisera une saison de six
manches en parallèle du Superbike dans un premier temps. Si cela
fonctionne, on imagine qu’il ne sera pas difficile de le transposer
au MotoGP par la suite.
Notre première et principale source d’inquiétude est simple : cela
existe déjà en monoplace, et la sauce ne prend pas. En effet, la
FIA a lancé la W Series en 2018, soit une
compétition de Formule 3 uniquement réservées aux femmes. La
volonté était exactement la même : proposer une alternative
pour essayer de donner une chance à celles-ci, afin qu’elles
puissent, par la suite, rejoindre les formules les plus
prestigieuses. En gros, c’est du déjà vu. Une fois
de plus, DORNA s’inspire très largement de ce qu’il se fait en
monoplace. C’est triste.
II) Pourquoi nous n’y croyons pas
Plusieurs problèmes sont inhérents à la nature même de la formule,
que ce soit sur deux roues ou sur quatre. Premièrement, elle est,
de fait, sexiste. Comme l’a déclaré la pilote d’IndyCar,
Pippa Mann, elle
« isole » les femmes, qui, en
règle générale, peuvent s’aligner aux côtés des hommes
C’est bien le paradoxe. Les sports mécaniques sont mixtes depuis le
début du
XXe siècle. Dès la fin des années 1920 et le début des
années 1930, on pouvait déjà observer des grandes pilotes à l’image
de Jannine Jenky ou Odette Siko croiser le fer avec ces messieurs,
et parfois, les battre à plate couture. C’est pour cette
raison que la W Series n’a pas convaincu notre Michèle
Mouton nationale, qui lui reprochait son exclusivité.
Ensuite, le problème de niveau ne peut être écarté. Les meilleurs,
en sports motos, sont les hommes. Ainsi, les meilleures femmes qui
peuvent rivaliser veulent se battre… contre les hommes, ce
qui est parfaitement logique.
Pourquoi Ana Carrasco – dont nous reparlerons plus
tard – s’engagerait dans une compétition avec un niveau moindre
alors qu’elle peut se présenter au départ de courses Moto3 ?
Cela ne fait aucun sens. Dès lors, la série en
question perdra en légitimité car les meilleures femmes ne voudront
pas disputer les six courses organisées entre le Superstock 1000 et
le Supersport, pour grossir le trait.
III) Nivellement par le bas
Encore une fois, nous n’inventons rien ; c’est exactement ce qu’il
se passe en W Series. Sophia Flörsch, top-pilote sur quatre
roues et ancienne participante des 24 Heures du Mans refuse
catégoriquement d’y courir juste parce que c’est une
femme. À ce sujet, elle a déclaré :
« je veux me battre face aux
meilleurs » et c’est tout à son honneur.
De même, les autres meilleures femmes pilotes en voiture sont en
championnat du monde d’endurance, comme les excellentes
Doriane Pin et Lilou Wadoux, mais
certainement pas en W Series.
Finalement, qui gagne ? Jamie Chadwick. La
Britannique a remporté haut la main les trois éditions en date, et
ce, au sein de trois écuries différentes. Le problème, c’est
qu’elle n’avait pas le niveau pour rivaliser avec les hommes en
Formule 3 régionale (9e du classement en 2020, au sein de Prema
Powerteam, l’une des meilleures structures du monde, ou 13e de la
Formule 3 asiatique en 2019).
Ce n’est pas lui reprocher, et d’ailleurs, elle s’est inscrite en
Indy Lights Series pour la saison 2023, un championnat prestigieux
outre-Atlantique. Maintenant, admettons qu’Ana Carrasco, 26 ans
déjà, s’inscrive en championnat féminin à partir de 2024.
L’Espagnole va écraser la concurrence, assez largement.
Elle et Maria Herrera, actuellement en MotoE, ont été les
deux porte-étendards de la cause féminine en sports motos lors de
la dernière décennie, avec grand succès.
Mais n’est-ce pas la du nivellement par le bas ? Ne se
dirigeraient-elles pas vers de faciles succès ? Sans
doute.
IV) Un réel problème
C’est triste à dire, mais les formules de ce type sont vouées à
l’échec. Pourtant, nous sommes conscients qu’il est difficile de
rentrer dans le grand bain des sports mécaniques pour les jeunes
filles. D’ailleurs, cela semble plus tortueux que jamais
car paradoxalement, elles sont moins nombreuses sur les grilles que
dans les années 1930.
Pour le bien de la discipline, il faut qu’elles courent
avec les hommes. La mixité est une richesse, et les sports
mécaniques garantissent une parfaite équité entre tous les
concurrents sans se soucier de leur sexe ni de leur genre. Pour
palier aux difficultés, pourquoi ne pas plutôt développer des
programmes chapeautés par les femmes, qui pourraient les aider à
s’aligner dans les plus prestigieuses compétitions. Exactement ce
qu’il se fait en endurance automobile avec les Iron Dames. Ceci
ne concerne pas que les pilotes mais aussi tous les postes à
responsabilités qui gravitent autour.
Selon nous, « exclure » les femmes en les
rangeant dans une catégorie à part est contre-productif au
possible.
Qu’en pensez-vous ? Partagez-vous notre avis sur la
question ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Maria Herrera Donington 2014 Jhoez