« Pour qu’un pilote gagne le championnat, il doit être régulier ». Vous avez tous déjà entendu une phrase de ce genre. Cependant, la régularité est un concept assez fallacieuse, et bien plus complexe qu’il n’y paraît. Ensemble, revenons sur cette notion et étudions son évolution au cours de ces dernières années.

I) Est-elle vraiment ce que vous pensez ?

Question d’apparence simple mais cruciale. Si l’on voit tous plus ou moins de quoi il s’agit, la régularité en sports mécaniques s’exprime sur trois échelles temporelles différentes.

Premièrement, à l’échelle d’un tour.
On dira d’un pilote qu’il est régulier s’il arrive à enchaîner les tours rapides, de manière constante. Jorge Lorenzo, triple champion du monde MotoGP, en avait fait son arme principale.

Deuxièmement, à l’échelle d’un weekend.
Un pilote régulier, dans l’imaginaire collectif, ne tombe pas pendant la course. Luca Marini, qui n’est jamais parti à la faute en catégorie reine (soit 35 manches consécutives) est un excellent exemple.

Luca Marini passe peut-être sous les radars mais ce qu’il fait sur la moto est notable. Nous ne manquerons pas d’y revenir en fin de saison. Photo : Michelin Motorsport

 

Troisièmement, à l’échelle d’une saison, en parlant d’un pilote qui dispute un titre.
Afin de marquer le plus de points, il faut chuter le moins possible. Cela paraît évident. Aleix Espargaró, cette saison, n’a pas encore chuté et joue devant au championnat.

Un pilote « régulier », dans l’esprit collectif, serait donc un mélange de ces trois précédents attributs. Même si c’est difficile à croire, parler de régularité comme nous le faisions il y a 10 ou 15 ans ne fait plus sens. Explications.

II) D’autres perceptions

L’électronique a beaucoup progressé en Grands Prix. Avant 2016, seuls trois ou quatre pilotes pouvaient se disputer la victoire chaque week-end. Maintenant que tout le monde dispose du même ECU, le niveau entre les équipes et les machines s’est considérablement rapproché, et l’électronique a évolué. Intuitivement, nous pourrions penser que, comme en Moto2, il faille désormais être d’autant plus régulier pour se démarquer. C’est en partie vrai mais l’ancienne définition que nous avions n’est plus valable.

Tout d’abord, sur la première échelle temporelle. Le rythme « Lorenzo » se répand comme une traînée de poudre, puisque plusieurs sont capables de tenir 20 tours dans la même seconde, parfois dans le même dixième. Grâce aux progrès en matière d’électronique, la régularité à l’échelle d’une course s’est améliorée pour tous les pilotes. Cette saison seulement, nous avons observé Fabio Quartararo, Pecco Bagnaia, Miguel Oliveira et même Jack Miller réaliser des performances similaires à « Por Fuera ». La précision requise n’est plus la même, et c’est à prendre en compte.

Peu se doutaient de l’influence que pourrait avoir Jorge Lorenzo lorsqu’il courrait. Pourtant, c’est son style coulé et d’une extrême précision qui est destiné à régner sur la MotoGP de demain. Photo : Michelin Motorsport

 

Le deuxième niveau est celui qui jouit de la réputation la plus trompeuse. Un pilote qui ne chute pas – et qui est capable d’imprimer un rythme « Lorenzo » – n’est pas nécessairement régulier, et un pilote qui chute souvent peut l’être. Miguel Oliveira est la parfaite illustration de ce phénomène. Pour les spectateurs, il est régulier car il jouit de bons rythmes et n’est pas souvent par terre. Pourtant, c’est tout le contraire. De premier en Indonésie, il passe à 13e en Argentine avant de terminer 18e aux USA. Puis cinquième au Portugal, et de nouveau 12e en Espagne. Pourquoi imaginons-nous Oliveira comme un pilote régulier, alors qu’il n’en est rien ?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’être humain à tendance à associer l’homme à sa qualité, alors que ce n’est pas toujours le cas. Miguel, de par sa posture, son intelligence, ses interventions réfléchies dans la presse, renvoie l’image de quelqu’un de calme, posé. Son pilotage est lui aussi très coulé. Ainsi, nous associons ces caractéristiques à la régularité car cette dernière est mal définie.

À l’inverse, nous avons l’impression que Pol Espargaró, bouillant et bruyant, ne fait que tomber. En réalité, il est l’un des plus réguliers depuis des années, sa saison 2019 exemplaire parle pour lui. Cette année, si l’on enlève son meilleur résultat acquis au Qatar, ses positions à l’arrivée ne varient que très peu, entre la 9e et la 17e place (avec quatre chutes, un total dans la norme par rapport au reste du plateau).

S’il n’est pas souvent à l’écran, Pollycio est finalement assez régulier. Photo : Michelin Motorsport

 

Ensuite, la retransmission internationale est trompeuse. Chaque pilote qui commet une erreur a droit à son apparition, avec un bandeau nous signalant son abandon prématuré. En revanche, le peloton n’est quasiment jamais filmé, et nous n’y remarquons pas la présence de pilotes censés jouer de meilleures places.

La troisième échelle est la plus intéressante, et révèle qui est réellement régulier, et qui ne l’est pas. Finalement, est-ce si important que cela ? Sinon, qu’est ce qui importe et sur quoi un pilote doit-il compter pour s’assurer d’un titre ? Vous trouverez les réponses à ces questions demain, même heure. Dites nous ce que vous en pensez dans les commentaires ! Tous seront lus et débattus.