La première apparition du championnat MotoGP en Inde est derrière nous ! Premier pays inédit au calendrier depuis la Thaïlande en 2018, l’Inde n’a laissé personne insensible, aussi bien du côté des spectateurs que des journalistes, en passant par les pilotes. Alors, maintenant, l’heure est au bilan. Faut-il retourner au Bharat dès l’an prochain ? Selon moi, oui. Éléments de réponse dans cet article, divisé en deux points distincts.
L’Inde, la poule aux œufs d’or du MotoGP ?
Avant même de parler de spectacle, de joutes et de déclarations des pilotes – les premiers concernés, revenons sur la dimension stratégique de ce choix. Elle est pertinente pour plusieurs raisons.
- C’est l’occasion de visiter un pays nouveau, ce qui traduit de l’ambition de la part de DORNA. Le choix de délaisser Aragon, par exemple, pour privilégier une arrivée dans une contrée nouvelle, est bon. Au moins, on voit que le championnat n’est pas figé dans le temps, a aussi les capacités d’évoluer, toujours empreint par une vision mondiale. Il est impossible de se plaindre d’avoir plus de Grands Prix hors du vieux continent, quand les autres championnats – notamment la Formule 1 et le WRC – n’hésitent pas à remettre en question la présence de courses historiques pour toujours aller de l’avant.
- L’Inde est le pays le plus peuplé au monde et devrait le rester pour un bon moment au vu de la croissance démographique. Selon des études récentes, elle devrait ainsi occuper la première place jusqu’à la fin du XXIe siècle, au moins. De fait, c’est un marché à conquérir même si le pays est déjà très motorisé. C’est le temps idéal pour créer des passions, voire, instaurer une « culture » MotoGP comme on l’a vu dans d’autres parties du monde, bien que celles-ci étaient d’ordinaire portées par un représentant au plus haut niveau. L’exemple le plus criant étant l’Australie avec Wayne Gardner. Comme le Kazakhstan, l’Inde est un très bon choix qui s’éloigne également du « cliché de l’époque », à savoir, les pays du Levant et du Moyen-Orient.
- Pour une fois, la stratégie de DORNA s’éloigne de celle de la Formule 1 sauce Liberty Media. Pour rappel, la F1 avait quitté l’Inde à la fin de la saison 2013, sans jamais y revenir pour des raisons financières. Dès lors, y aller en MotoGP était un véritable pari qui a payé ; tous étaient heureux. Pour son bien, l’Inde sait qu’elle ne peut plus se permettre un tollé de cette envergure. Ces pays, quels qu’ils soient, progressent bien plus vite que ceux qui sont déjà très développés. C’est pourquoi il ne fallait pas émettre de jugements hâtifs, même si nous reparlerons des problèmes dans quelques instants.
- Dernier point de cette partie, la puissance politique de l’Inde. Le pays est à un tournant de son histoire. Sous l’impulsion de son premier ministre Narendra Modi, on assiste à une véritable émancipation qui tend, certes, vers le national-socialisme, voire, l’autoritarisme. On l’a vu avec l’appellation « Bharat », un autre nom pour qualifier l’Inde (nom colonial commun), qui a été utilisé officiellement au sommet du G20 dans la capitale New Delhi. Aussi, une confrontation directe avec la Chine concernant les territoires de l’Anurachal Pradesh. De ce fait, ce pays autrefois moqué en Asie prend de plus en plus de poids, devenant une autre puissance mondiale à sa manière. Beaucoup pensent d’ailleurs, comme Jeff Bezos, que « le XXIe siècle sera celui de l’Inde ». Pour revenir au MotoGP, c’est une très bonne chose que DORNA n’exclut pas tel territoire de son calendrier, et surtout, y vienne dès maintenant. Elle légitime la place du Bharat au sein du paysage politique mondial à travers le soft power, exactement comme l’Arabie Saoudite et le Qatar avec le football. L’ignorer serait une grave erreur, car les dynamiques pourraient parfaitement s’inverser dans quelques années ; l’Inde, porter le MotoGP et non plus l’inverse.
You don’t get this at any other hotel we visit during the season ❤️🇮🇳#noproblemwithmyvisa #indianmotogp#visitindia#tntsports pic.twitter.com/PyjkW6NAJw
— Neil Hodgson (@NeilHodgson100) September 21, 2023
Une première réussie
J’espère ne pas vous avoir trop ennuyé avec cette première partie plus éloignée des trajectoires, mais objectivement très importante, sans doute plus que le spectacle en piste d’ailleurs. Maintenant, revenons sur ce qui nous passionne tous.
Force est de constater que la première est réussie, les pilotes vous le diront. Oui, il y avait des problèmes concernant les visas. Mais finalement, tout le monde est arrivé en temps et en heure, donc aucune raison de crier au scandale. Personnellement, j’ai trouvé que beaucoup de journalistes et rédacteurs présents sur place avaient la plainte facile. Inutile de les nommer, mais des Britanniques, en particulier, filmaient la vue depuis leur chambre d’hôtel en montrant des cheminées produisant de la fumée noire, comme pour dire que ça n’était pas sain, voire, sale. Je n’affirme pas que l’Inde est un pays répondant aux dernières normes écologiques, Bhopal est encore dans toutes les têtes. Mais étrangement, ces images sont plus rares quand il s’agit de courir au Qatar. Un heureux hasard, sans doute.
C’est vrai qu’il y a des points à améliorer ; pour une première dans un pays émergent, c’est tout à fait normal. En particulier, les commissaires, mais il faut simplement leur donner une formation adéquate – ainsi que du matériel, les voir en shorts/t-shirts lors des séances préliminaires était étrange – et tout se passera pour le mieux. Le circuit a largement été apprécié par les pilotes. C’est un excellent « tilkedrome », technique et rapide à souhait. Cependant, il faut avouer que les courses n’ont pas été serrées, et ce dans les trois catégories. Un fait rare, mais difficile de tirer quelconque conclusion de cette information après une seule édition.
Il a fait très chaud, et très humide, mais c’est aussi ce qui fait le piment de cette tournée asiatique ! Justement, elle est intéressante car les pilotes rencontrent des conditions auxquelles ils ne sont pas habitués, que la végétation revêt d’une couleur différente, ou que l’on voit même des animaux exotiques ! Selon moi, elle ne doit pas être déplacée dans le calendrier 2024 – qui ne devrait pas tarder à être publié officiellement – afin de conserver ses spécificités. Mieux vaut réduire la distance de course comme ce fut le cas, et retarder les séances en raison des pluies, que de ruiner l’âme d’une piste comme Sepang en Formule 1. En effet, quand la F1 se déplaçait en Malaisie, la pluie guettait et les conditions étaient incertaines… jusqu’à ce que l’organisation décide de changer la date, ce qui conduit à des purges sur le sec.
D’ailleurs, c’était plus une question d’effort que de chaleur. Comme précisé par Johann Zarco, Marco Bezzecchi n’a pas la meilleure condition physique du plateau mais il sut se faciliter la tâche au guidon, exactement comme Marc Márquez, et au contraire de Jorge Martín ou Joan Mir.
Conclusion
Vous l’aurez compris à la lecture de cet article : que l’on garde l’Inde au calendrier ! Nous avons ici un tracé intéressant, qui ne pardonne pas et peut piéger les meilleurs, qui offre de l’action en raison de sa difficulté même quand ça n’est pas disputé en piste, le tout dans un pays idéal pour le développement du MotoGP. Au-delà de ça, nous avons découvert un nouvel environnement marqué, comparable à aucun autre sur le calendrier. Un vrai Grand Prix avec une âme comme on les aime. Espérons que les problèmes financiers responsables de la désertion de la F1 ne refassent pas surface.
Et vous, qu’en avez-vous pensé ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport