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Grand Prix de Malaisie 2022. À la mi-course, la situation est extrêmement tendue devant. Enea Bastianini et Pecco Bagnaia vont s’affronter pour la victoire, c’est une certitude. L’un n’arrive pas à décrocher l’autre, et l’on connaît la ténacité et la vitesse des deux Italiens. Derrière, un fantastique Fabio Quartararo, remonté depuis la 12e position sur la grille. Malgré une envie digne de son statut de champion, il est déjà trop loin pour espérer revenir sur les Ducati. Au fil des tours, la réalisation internationale se porte sur un autre homme, qui a rendu le plus grand service à la firme de Borgo Panigale et à Bagnaia. Analyse en plusieurs points.

I) Conciliabule chez les rouges

Marco Bezzecchi, rookie de l’année, remonte sur Quartararo. À ce moment précis, la tension qui régnait jusqu’alors devient encore plus pesante. Pas besoin d’être diplômé de mathématiques pour comprendre l’enjeu de la situation : Si l’élève de la VR46 dépasse « El Diablo », Bagnaia peut être titré dès la présentation du drapeau à damier s’il gagne.

Seul problème : Pecco est deuxième à ce moment-là. S’organise alors une discussion de la plus haute importance ; Gigi Dall’Igna en quitte même sa chaise. Le patron de la compétition Ducati rejoint Tardozzi et Ciabatti pour un échange dont nous pouvons facilement imaginer le contenu. Que faisons-nous avec Bastianini si Bezzecchi passe ?

 

Bezzecchi à moins d’une seconde, sueurs froides chez Ducati. Photo : Michelin Motorsport

 

II) Un moment pas si anecdotique

Cela peut paraître sans intérêt, mais un simple dépassement aurait pu changer la face des Grands Prix motos. Mais Marco n’a jamais doublé. Ainsi, nous ne pouvons que spéculer sur la décision qu’aurait pris la direction de Ducati Corse. Avec un titre pilote à la clé, il y a de fortes chances pour que Bastianini reçoive l’ordre de laisser passer Bagnaia pour la victoire. Sur le point de vue de la logique, les Italiens auraient eu raison. Une telle consigne d’équipe totalement contre l’esprit du sport aurait absolument dégoûté tout le plateau mais aussi les spectateurs.

Depuis plusieurs mois maintenant, l’application de consignes d’équipe est un sujet qui fâche, et pas qu’en France. Cependant, il faut comprendre que Ducati dispose de deux des trois meilleurs pilotes sur la grille au moment où ces lignes sont écrites, ainsi que d’autres flèches affûtées à l’image de Martín ou Zarco. Et pour le moment, heureusement, elles n’ont été formellement appliquées qu’une seule fois, en Thaïlande, où Pecco bénéficia d’un avantage de trois points grâce à la non attaque de Zarco. Quelque part, nous sommes assez chanceux de ne pas avoir observé plus de résultats tronqués au vu de l’armada Ducati et de la performance de ses pilotes.

Laisser passer Bagnaia pour la victoire, du jamais vu dans la MotoGP moderne, aurait eu des conséquences désastreuses pour l’image de Ducati. Si nous ne pouvons pas étudier des précédents sur deux roues, la Formule 1 nous en apprend plus. Lors du Grand Prix d’Autriche 2002, le talentueux Rubens Barrichello est contraint de laisser passer Michael Schumacher sur la ligne d’arrivée afin de respecter les consignes Ferrari. Cet évènement porta un coup majeur à la popularité de la légendaire écurie. La marque au cheval cabré tenta de se rattraper à Indianapolis, quand Schumacher fit exprès de ralentir pour laisser gagner « Rubinho ».

 

Bezzecchi a révélé ne pas penser au classement général dans sa course. Photo : Michelin Motorsport

 

Le Grand Prix de Russie 2018 est un autre exemple plus récent. Même scénario, cette fois avec Lewis Hamilton dans le rôle du Kaiser et Valtteri Bottas dans celui du dindon de la farce. Ce nouvel épisode choqua la planète entière, et le finlandais Bottas pensa même à arrêter sa carrière suite à cette humiliation.

L’évènement déclencha une vague de haine sans précédent sur les réseaux sociaux, ce que les marques craignent le plus de nos jours. L’influence de Twitter, entre autres, est telle, que Ducati aurait fait face à un déferlement de critiques portant directement atteinte à l’image de marque. Car à la différence de la F1, une décision comme celle-ci est loin d’être aussi commune.

III) Bagnaia volé d’un titre

Alors, même si c’est de la spéculation, l’on peut facilement imaginer Ducati se défendre en conférence de presse. Encore une fois, une telle manœuvre aurait été froidement logique. Cela ne les aurait en rien excusé, mais il s’agit-là d’une grande entreprise, détenue par une encore plus grande entreprise. Comme Ferrari ou Mercedes, ils auraient survécu.

Si l’on peut concevoir la déception et la tristesse légitime qu’aurait ressenti Bastianini, au vu de son caractère, Bagnaia aurait été le grand lésé de cette affaire. Car contrairement à Schumacher et Hamilton, Pecco ne fait déjà pas l’unanimité et n’a pas tant de fans que ça. Malheureusement, les principales discussions sur le net à son propos font état de la puissance de sa machine, et de ses « trop nombreux » coéquipiers.

Mais Bagnaia a remonté un déficit de 91 points en une demi-saison, a mis Fabio à distance, et tourne à 19 points par course depuis la reprise estivale, et tout cela, sans aide avérée hormis Johann à Buriram. Ducati n’aurait pu lui infliger pire affront que de lui donner une victoire sans saveur. Jusqu’à maintenant, et il le martèle en interview, Pecco n’a demandé l’aide de personne. Un titre de champion du monde acquis de cette manière aurait terni sa valeur à jamais.

En effet, nous entendons souvent que « seule la victoire compte », et que « seuls les vainqueurs seront remémorés ». Au vu de l’histoire, ces adages ne sont simplement pas vérifiés. La manière compte au moins autant que l’action. Dans cinquante ans, personne n’aura oublié Sepang 2015, ou même Valence 2006, tout comme personne n’a oublié le résultat des 24 Heures du Mans 1969. Contrairement à une idée répandue, tous les titres ne se valent pas, et toutes les deuxièmes places non plus.

Tout cela n’est que spéculation. Ducati, victime de son succès, n’a pas eu à choisir grâce à la résistance de Quartararo et à la détermination de Bagnaia. Mais nul doute que la face de notre sport aurait pu changer pour toujours.

Que pensez-vous de la question ? N’hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires, tous seront lus et débattus !

 

Bezzecchi est très en forme en cette fin de saison. Photo : Michelin Motorsport


Photo : Michelin Motorsport

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