La saison 2022 est (déjà) terminée. Finalement,
c’est Francesco Bagnaia qui s’impose au général
après une dernière course des plus haletantes. L’Italien réalise
ainsi la remontée la plus folle de tous les temps, lui qui accusait
91 points de retard à l’issue du Grand Prix d’Allemagne. Il est
temps de rendre hommage à ce grand pilote, le meilleur du
monde.
À l’aube de la saison 2022, Bagnaia avait de nombreux défauts.
Certes, « Go Free » était vice-champion du monde en
titre, mais manquait de régularité dans la performance malgré une
fin de saison inouïe. Il ne parvenait pas à marquer les esprits sur
des pistes pourtant favorables à la Ducati. S’il est moins tombé en
2021 que cette année, il pouvait gagner mais aussi finir les
courses hors du top 10 lorsque les conditions n’étaient pas à son
avantage.
Puis, ce fameux problème de « résistance à la
pression ». Nous y avions consacré un article après
son abandon lors du Grand Prix d’Émilie-Romagne, qui marquait sa
troisième chute en menant son GP national sur une période de deux
ans, un triste fait. Ces malheureux évènements portaient atteinte à
son mental. Prenons pour exemple le Grand Prix d’Italie 2021 et ce
qu’il en découla. Il ne performa plus pendant plusieurs rendez-vous
consécutifs.
Regardez seulement la différence avec 2022. Dès
l’entame, la GP22 ne semble pas aussi affûtée qu’espéré. Pourtant,
Bagnaia, initialement favori, ne lâcha rien et gagna petit à petit
en performance jusqu’à s’imposer de manière magistrale à Jerez. Dès
lors, le nouveau Bagnaia était né. Ce pilote peut tomber, subir la
pression et parfois échouer à tenir la dragée haute à ses
adversaires (Le Mans en particulier), mais toujours, il se
relèvera. Rappelons simplement qu’il est le seul champion avec cinq
abandons, un autre record qui en dit long sur la qualité de sa
préparation mentale.
Les multiples désillusions n’ont en rien entamé sa
confiance et sa vitesse depuis Jerez. Comme s’il était
intouchable, avec
un momentum favorable à jamais. Rendez-vous compte :
chuter en bataille pour la victoire lors d’un moment décisif est
relativement rare à l’échelle d’une carrière. C’est arrivé deux
fois à Bagnaia rien que cette année. Et ce jusqu’à cette manche de
Valence, où, avec un aileron en moins et une énorme difficulté à
gérer l’avant sur ce tracé appuyé, l’Italien devait survivre sans
commettre d’erreur. Une fois de plus, il ne craqua pas et glissa
jusqu’à la neuvième position.
Mentalement, cette figure d’outsider ultime l’aida
considérablement. La pression d’un titre, bien différente de celle
d’une victoire, n’a jamais été sur ses épaules et sa saison ne
pouvait être que sauvée après des débuts difficiles et un statut de
favori perdu. Pecco reste calme, apaisé, et ce même pendant
sa célébration de titre, ce qui veut dire beaucoup. C’est
pourquoi il est un champion du monde à part.
Sa vitesse est tout aussi fulgurante que son évolution. Nous avons
vu, lors de la deuxième partie de saison, le pilote le plus fort
depuis Marc Márquez, tout simplement. Il est « sans
défauts », ce qui, paradoxalement, ne veut pas toujours dire
le meilleur. Mais ça aide considérablement. Personne ne
veut se retrouver en bataille pour la victoire avec lui, quand il
ne s’échappe pas tôt dans la course. Son sang-froid à toute épreuve
lui permet de sortir vainqueur de situations extrêmement tendues,
comme à Misano face à Bastianini.
Le développement de ses courses est digne de Jorge
Lorenzo, qui se reconnaît en Bagnaia. Dès lors qu’il est
en tête, il est presque impossible de le rattraper, sans même
parler de le dépasser. Le freinage est assurément son point fort et
comme son mentor Valentino Rossi, il en profite largement. En
effet, une prise des freins plus tardive est la manœuvre portant le
plus gros impact psychologique. Ce phénomène est relevé par des
journalistes automobiles depuis les années 1920. Certains,
à l’image de Kevin Schwantz, possédaient une aura basée en partie
sur les cent-cinquante mètres précédant un virage.
Le châssis et les pneumatiques jouent également un rôle majeur,
mais il n’en reste pas moins frustrant de se faire distancer ici,
d’autant plus que la MotoGP moderne et les puissances démesurées
n’offrent pas d’autres opportunités. Si vous bénéficiez d’une bonne
vitesse en ligne droite et que vous gagnez à chaque fois aux
freins, vous dépasser devient un casse-tête. C’est pourquoi on le
perçoit comme étant aussi fort alors que dans les faits, sa moyenne
de points sur l’année est l’une des plus basses de l’histoire.
Peu de champions ont mieux incarné cette image d’inamovible
force tranquille.
En effet, tous ces marqueurs imperceptibles jouent fortement sur
l’image que l’on se fait d’un pilote, et c’est pour cette même
raison que le début de saison difficile n’exclut jamais Pecco de la
course au titre. L’imperturbabilité mentale joue considérablement
sur le momentum ; « il est difficile de vaincre
quelqu’un qui n’abandonne jamais » disait l’autre.
Quoi qu’il en soit, nous félicitons de nouveau Pecco pour son
exploit.
Qu’avez-vous pensé de la saison de Bagnaia ?
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Photo : Michelin Motorsport