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MotoGP Bagnaia

Un vrai cauchemar. De 62 points, l’avance de Pecco Bagnaia au championnat MotoGP passe désormais à 13 unités avec sept Grands Prix à disputer. Les chiffres, c’est une chose. La dynamique, c’en est une autre. On l’évoquait déjà hier dans une analyse consacrée à Jorge Martín ; Barcelone a cassé le momentum de l’Italien, qui a été l’auteur d’un week-end révélateur en Inde. Analyse détaillée d’un tournant de la saison, cette fois du côté du perdant.

 

Pecco Bagnaia a perdu le contrôle du championnat MotoGP

 

Si l’on se fie uniquement aux résultats, on pourrait croire que c’est un week-end mitigé, au pire. En effet, troisième sur la grille, deuxième lors du Sprint, avec un Marco Bezzecchi derrière après sa chute au premier virage. Puis, une nouvelle erreur en course, seul, juste après avoir dépassé un concurrent ; le remix parfait du Grand Prix des Amériques. En réalité, j’ai noté une multitude de signaux qui sont loin d’être rassurants.

 

MotoGP Bagnaia

Distancé. Photo : Michelin Motorsport

 

Tout d’abord, les qualifications. Pecco était rapide, oui, mais pas dans la course à la pole qui voyait s’affronter Marco Bezzecchi à Jorge Martín. Bagnaia et le Martinator ont des profils similaires, et d’habitude, l’officiel Ducati réalise toujours, au moins, un tour référence qui lui permet de menacer ses adversaires, qu’il prenne la pole ou non. Cette fois, ça n’était pas le cas. Jorge Martín était en délicatesse toute l’année durant concernant cet exercice, mais après son exploit de Misano, le voilà plus en forme que jamais le samedi matin. C’est le premier pas vers un changement de dynamique.

Deuxièmement, l’aisance sur la moto. Au guidon, le gros point fort de Bagnaia est le freinage, il est largement meilleur que les autres dans ce domaine. C’est pour cette raison qu’on a l’impression qu’il ne se fait jamais dépasser (allez y, réfléchissez, vous allez voir que ça n’est pas si fréquent). Pourtant, pendant le Sprint puis la course principale, on le voyait approximatif, avec une Desmosedici qui bougeait beaucoup alors que d’ordinaire, il est sur un rail. Même si le dépassement n’était pas magnifique, il s’est fait piéger au freinage au bout de l’immense ligne droite par le Martinator, un fait rarissime. Plus largement, ce nouveau circuit « stop & go » signé Hermann Tilke aurait dû lui profiter comme Austin ou le Red Bull Ring. Mais non, jamais il ne fut vraiment dans le coup pour aller faire la pole d’une part, comme nous l’avons vu précédemment, ou gagner ne serait-ce que l’une des deux courses. Accrochez-vous : c’est la deuxième fois qu’il n’est pas proche de la tête sur les deux manches en 2023, après… Misano.

Troisièmement, le langage corporel. Peu étudié en Europe, il est pourtant très intéressant pour appréhender les différentes dynamiques. Là aussi, quelque chose a changé. D’ordinaire extrêmement réservé et apaisé, il apparaissait plus circonspect après le Sprint, lorsque les trois premiers ont débriefé la course dans la voiture les ramenant au paddock. Cette petite séquence proposée par DORNA est très intéressante, tout comme la fameuse cooldown room après la course, où les trois premiers réagissent aux meilleurs moments de l’épreuve. Je vous mettrai l’extrait vidéo publié sur Twitter ; on y voit un Pecco Bagnaia presque préoccupé des temps de Marco Bezzecchi, cinquième, et qui en parle jusqu’à couper les autres. Aussi, il s’avoue vaincu en parlant de la différence de rythme avec Jorge. Remarquez la disparition de son air apaisé habituel, ce qui contraste avec sa position finale (deuxième), très positive au vu du contexte. Idem après sa chute ; Bagnaia n’était pas énervé, mais incrédule dans le bac à graviers.

 

 

Ces trois signes étudiés précédemment montrent qu’il a subi plus qu’il n’a joué. C’est comme si le MotoGP n’allait plus dans son sens. Tous les pilotes consultent le classement général, et Pecco voit bien que Jorge Martín se rapproche. Ainsi, le doute apparaît, et celui-ci peut tuer une saison.

 

La suite est plus importante encore

 

Inutile de s’alarmer pour autant, car c’est loin d’être perdu. Comme nous l’avions expliqué dans l’article qui traitait de la notion de momentum, ce dernier peut changer plusieurs fois par saison au gré des performances de chacun. En clair, si Bagnaia s’impose avec la manière face à Jorge à Motegi, sur un duel, pourquoi pas, alors la confiance peut revenir totalement.

Le problème, c’est que ça peut aussi ne jamais s’inverser comme ce fut le cas pour Fabio Quartararo en 2022 après la catastrophe d’Assen. Justement, la fin de saison est extrêmement importante pour Pecco, et pas seulement pour le titre, mais aussi pour sa légende. Lui a montré qu’il pouvait se créer une dynamique positive à partir de rien, qu’il avait cette capacité à réagir dos au mur. La question est simple : peut-il le faire encore une fois ?

 

 

Souvenez-vous : l’année passée, il était tombé à Motegi après une course plus que moyenne. On pouvait croire à un inversement du momentum, que ce dernier allait repasser en faveur de Quartararo. Finalement, à Sepang, Bagnaia envoya une performance magistrale depuis la neuvième place sur la grille, contre toute attente et en battant Enea Bastianini en duel. Dans l’histoire, rares sont ceux qui peuvent à ce point éviter la pression psychologique qu’entraîne une chute à un moment critique.

Comme je le répète depuis le début de cet exercice, Bagnaia est le seul qui peut faire perdre Bagnaia. Cette contre-performance sur un nouveau circuit revêtait d’un contexte particulier car je ne parierai pas sur un top 5 de Joan Mir au Japon. Ainsi, elle ne reflétait pas forcément la physionomie du championnat. Pecco est un meilleur pilote que Martín et il pourrait encore franchir un cap à Motegi, en effaçant le mauvais souvenir de 2022 d’une part, et en reprenant le contrôle des évènements de l’autre. Il l’a déjà fait dans une situation plus tortueuse encore, il serait donc idiot de l’exclure. Il faut ajouter à cela sa blessure de Barcelone, qui était bien plus facile à atténuer à Misano, un tracé qu’il connaît par cœur, plutôt qu’à Buddh, circuit technique, chaud et difficile par excellence.

Quoi qu’il en soit, pitié, ne ressortons pas du placard l’argument de la fébrilité mentale, balayé intégralement depuis sa remontée de plus de 90 points l’an passé. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a plus l’avantage ; la dynamique est du côté du « Martinator ».

Qu’avez-vous pensé du week-end de Pecco Bagnaia en Inde ? Et aussi, de cette analyse ? Dites-le moi en commentaires !

 

MotoGP Bagnaia

Attention à ne pas se faire piéger. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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