Appelons-le Monsieur. Ce weekend,
Aleix Espargaró a ébloui la planète moto, ému tout le
paddock, et bien plus encore. Pour sa 200e course en MotoGP,
l’espagnol s’est offert sa toute première victoire en carrière.
Aujourd’hui, rendons hommage à un grand pilote.
À Termas de Río Hondo, la tension règne. Après un
jour supplémentaire d’attente, un autre évènement est venu cimenter
la légende de cette édition du Grand Prix d’Argentine ;
Aleix Espargaró part depuis la pole position. Cela
n’était plus arrivé depuis l’exploit de Catalogne en 2015.
D’ailleurs, comme à Barcelone sept ans auparavant,
Viñales partage le box avec lui. Notons qu’il
s’agissait de sa troisième pole pour trois constructeurs
différents, un exploit rarissime dans l’histoire des Grands
Prix.
En conférence de presse, Aleix ne jubile pas le moins du monde. Il
sait pertinemment que les points, comme la gloire, sont récoltés le
dimanche. De plus, dans un environnement très homogène, partir en
tête n’est devenu qu’un faible avantage. À sa droite, Jorge
Martín et Luca Marini, sur Ducati.
Si Martín prend clairement le meilleur envol, Aleix s’en sort bien
et reste dans ses échappements. Au bout de quelques tours, les deux
hommes sont esseulés. Nous nous dirigeons tout droit vers un duel,
avec la pression d’un Álex Rins en embuscade.
Jorge affiche un rythme dantesque et ne commet que très peu
d’erreurs. Mais aujourd’hui, Espargaró a la faveur du destin.
L’officiel Aprilia enchaîne les tours rapides, et se montre de plus
en plus menaçant. À Termas, les opportunités de dépassement sont
maigres, tant il est nécessaire de garder de la vitesse dans les
grandes courbes. Le virage n°5 est privilégié. Problème
n°1 : il s’agit d’un énorme freinage réduisant la
vitesse d’environ 270 km/h en quelques dizaines de mètres.
Problème n°2 : Martín est l’un des meilleurs
dans ce domaine.
Espargaró tente plusieurs fois, sans succès tant la
RS-GP est dure à arrêter ; Le phénomène
d’aspiration rend la décélération plus violente et technique. Après
divers essais infructueux, Aleix parvient à se hisser à la hauteur
du « Martinator », et déclenche son
freinage en même temps. Situé à l’extérieur, le pilote Pramac est
battu.
Le rythme de l’Aprilia est insoutenable. Si l’on a
cru, un temps, que Jorge pourrait répliquer, le résultat s’est
dessiné avant même que le damier soit brandi. Espargaró sort de la
dernière cassure en tête, et entre dans l’histoire au même
moment.
La course n’a pas duré quarante-cinq minutes, mais cinq ans
et demi. Le projet Aprilia n’avait rien de facile, mais
Aleix pourra dire qu’il l’a fait. Imposer une machine qu’il a lui
même « construit » au fil du temps. Les larmes dans le
parc fermé, c’est toutes les galères, la frustration, les échecs,
les chutes et les sacrifices, pas seulement la victoire. À 32 ans,
il rentre dans l’histoire par la grande porte, et rend le record du
plus grand nombre de courses sans victoires à Colin
Edwards (196).
La vérité, c’est qu’Aleix n’a jamais cessé d’être fort. Peu importe la monture, il parvenait toujours à tirer son épingle du jeu. Certes, il n’a rien du pilote « flashy », et il faut parfois voir au-delà de la simple position à l’arrivée pour déceler son talent immense. Il nous a appris ne pas négliger le contexte, à ne jamais abandonner. Nous ne pouvons que nous incliner et congratuler Señor Espargaró.
Photo de couverture : Michelin Motorsport