Sur l’asphalte trempé du circuit de Buriram, le pilote
portugais nous a livré une nouveau coup de maître,
dominant largement le reste du plateau dans des conditions
exigeantes. Mine de rien, ce nouveau succès porte son total de
victoires en catégorie reine à cinq. Gardons à l’esprit qu’il
pilote sans doute l’une des moins bonnes moto du plateau, tout du
moins, l’une des plus compliquées à faire fonctionner weekend après
weekend. Peut-on le considérer parmi les meilleurs de la
catégorie ?
I) Peu partagent une aussi bonne science de la
course
L’arme n°1 de Miguel Oliveira est sans aucun doute
la construction de ses courses. S’il part souvent de loin (nous y
reviendrons en troisième partie), le portugais dispose d’une
excellente approche quant aux Grands Prix. Tout d’abord, ses
réglages lui ont permis d’acquérir une excellente base pour chaque
course humide. Mais contrairement à ce que notre mémoire récente
veut bien nous laisser croire, Oliveira peut être aussi redoutable
sur le sec, si ce n’est plus.
Son approche s’est affinée lors de ses années dans le championnat
Moto2, notamment à partir de 2017. Ici, on y découvrait un pilote
calme en piste, disposant d’un excellent rythme, développé sans
jamais se presser et accompagné d’un style coulé. Cette philosophie
très « MotoGP » dans l’esprit porta ses
fruits. À Buriram comme à
Mandalika, il avoue que les premières minutes de la
course lui donnent les plus précieuses informations, et qu’il s’en
sert pour gagner en confiance.
Pourtant, sur une piste où la roue avant pouvait « décrocher
cinq à dix fois par tour » selon Johann Zarco, il prit le
temps d’analyser, et de passer Miller sans trop en faire alors
qu’il n’avait rien à perdre. Cette envie de résultat mêlée à cette
intelligence de course lui permet d’être très dangereux,
proactif mais pas saignant. L’équilibre entre la
fougue et la sagesse est essentiel en MotoGP, et Oliveira
fait partie de ces quelques pilotes qui arrivent à maîtriser l’un
et l’autre.
II) Une force mentale digne des meilleurs
L’autre corde à son arc est sans aucun doute son intelligence, qui
se distingue sur deux niveaux : Tout d’abord, sur la moto pendant
la course. Cela va de pair avec le point précédent. En revanche, sa
réflexion s’exprime aussi dans des situations tendues. Son
sang-froid est peut-être le meilleur de toute la grille, que ce
soit dans des circonstances tortueuses sur une course comme en
Thaïlande ou en Indonésie, mais
aussi lors de finish serrés.
Sa prestation lors du Grand Prix de Styrie 2020
prouve qu’il ne baisse jamais la garde même au dernier virage. Il
attendit patiemment l’ouverture pendant que Pol
Espargaró et Jack Miller se chahutaient
pour la première place. Dans un autre style, le finish à Barcelone
en 2021, quand son équipe le panneautait du retour tonitruant de
Johann Zarco. Oliveira ne commit pas d’erreurs et
remporta la course pour un dixième de seconde sous la pression du
français que l’on sait incisif et à l’aise sur la piste
catalane.
On pourrait même imaginer un troisième niveau, à l’échelle d’une
saison. En 2015, Miguel Oliveira se rapprocha considérablement de
son rival Danny Kent lors des dernières manches,
et, délivra des prestations exceptionnelles dos au mur tandis que
l’anglais étouffait. Cela ne suffit pas et six points lui
manquèrent pour être sacré.
III) Un potentiel champion du monde ?
Il ne fait nul doute qu’Oliveira est en capacité d’évoluer à un
niveau stratosphérique. Lors des deux premiers points, nous avons
détaillé des critères qui sont non pas requis, mais utile si l’on
veut prétendre à la couronne mondiale. Cependant, Miguel a
des points faibles qui amenuisent considérablement ses
chances.
Nous pouvons mentionner la vitesse, de manière générale. S’il est
en possession du « gène Lorenzo » et d’un bon rythme de
course, Miguel n’est pas des plus rapides en piste, et assez loin
de Bagnaia et Bastianini, les
deux références à l’heure actuelle. Tout d’abord, sa vitesse sur un
tour n’a jamais été au niveau de ses autres attributs. Il n’a
réalisé « que » trois pole positons en carrière, dont une
en MotoGP et seulement deux meilleurs tours en course en catégorie
reine. Globalement, il est souvent englué et peine à remonter
franchement le peloton.
Dans la MotoGP moderne où la régularité ne compte plus autant, la
vitesse est primordiale. Aussi, il est difficile de déterminer si
Miguel dispose de cet esprit de tueur que Bagnaia, Mir,
« Bestia » ou Martín ont tous exposé. Le
Portugais n’a jamais réellement été favori, en Moto3 ou en Moto2,
pour nous le faire savoir.
La régularité, cette donnée aujourd’hui assez
surfaite, n’est pas son fort surtout cette saison, mais il
faut reconnaître qu’il évolue sur la moto la plus irrégulière du
plateau si cela fait sens. Cependant, la comparaison avec son
coéquipier Brad Binder, qui le domine assez largement à moto égale
(13-4 pour le Sud-Africain) est sans appel.
Conclusion :
Malheureusement, les quelques failles citées précédemment, si elles
peuvent être corrigées, sont rédhibitoires dans la quête d’un
titre. Oliveira reste un pilote exceptionnel, très agréable à voir
rouler, mais un manque de vitesse probant l’empêche de passer
d’excellent à potentiel champion. Il y a peu de chances que
l’Aprilia RS-GP, bien que ce soit une moto plus
complète, lui donne les bonnes cartes pour aller chercher la
couronne dans les prochaines années. À 27 ans et dans une catégorie
toujours plus jeune, il faudrait espérer des performances
stratosphériques pour rebondir chez une équipe de pointe par la
suite. Et c’est tout ce que nous lui
souhaitons.
Photo de couverture : Michelin Motorsport