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Martin Bagnaia MotoGP

Depuis hier, nous essayons de comprendre ce championnat 2024 dont personne ne semble vouloir. En effet, ni Bagnaia ni Martin n’arrivent à prendre l’ascendant. C’est plutôt étrange, et même, assez paradoxal car personne ne peut nier leur supériorité course après course. Comme promis, nous allons aujourd’hui nous pencher sur une autre question : Assiste-t-on à une saison plutôt « faible » ou « forte » ? Afin de saisir les tenants et aboutissants de cette analyse, je vous conseille vivement de lire la première partie en cliquant ici.

 

Petite introduction

 

Contrairement à une pensée largement partagée dans notre société, toutes les victoires ne se valent pas, et par conséquent, les titres mondiaux non plus. L’histoire nous le rappelle constamment. La manière joue beaucoup, tout comme l’aura qui entoure les acteurs. Certains pilotes seront remémorés avec nostalgie dans 150 ans alors que d’autres, peut-être plus prolifiques, seront totalement oubliés.

 

Martin Bagnaia MotoGP

Il y a des grands champions, des très grands champions, et des moins grands champions. Photo : Michelin Motorsport

 

Définition

 

Commençons d’abord par définir les termes. Qu’est ce qu’une saison « faible » ou « forte » ? Ces mots sont fréquemment utilisés pour qualifier un championnat, une coupe ou tout autre événement compétitif. Il s’agit de déterminer si les protagonistes de ladite compétition sont très forts par rapport à la moyenne des champions précédents – et par conséquent, à l’histoire du sport – ou plutôt en-dessous, comprenez qu’ils bénéficient d’un contexte favorable qui rend la victoire finale plus facile.

Quelques exemples pour illustrer cette notion. La saison 2015 était « forte » – sans doute la plus forte de l’histoire avec 1989 –, car elle a vu s’expliquer Valentino Rossi, Marc Marquez, Jorge Lorenzo et Dani Pedrosa, dans une moindre mesure. Ces quatre pilotes comptent parmi les meilleurs de tous les temps, et nous ont offert une saison de haut vol avec de grandes victoires comme des performances ahurissantes qui témoignaient de leur science de la course très développée. L’embrouille de Sepang n’a fait qu’ajouter de la légende à la légende. Vous conviendrez qu’elle était « historique », peu importe qui vous supportiez.

 

 

A contrario, la saison 2020 était « faible ». Cela ne veut pas dire que Joan Mir n’était pas bon, bien sûr, mais son titre n’a pas la même valeur historique que celui de Lorenzo en 2015, que Marquez en 2013, ou que Lawson en 1989. Elle était beaucoup plus souvent marquée par les manquements des favoris (blessure d’Alex Rins, chute de Fabio Quartararo au classement après deux victoires…) que par les prouesses de ses acteurs principaux. Mir n’a remporté qu’une course et n’est jamais parti depuis la pole. Je suis persuadé que bon nombre de spectateurs récemment arrivés dans notre communauté auraient bien du mal à croire que Mir fut un jour champion du monde s’ils ne l’avaient pas vu sur Wikipédia. Le pire, c’est que je ne les blâme pas. Je pense que vous avez compris mon propos.

 

Que penser de la saison 2024 ?

 

Maintenant, il faudrait trouver des moyens de déterminer si une saison est plutôt « forte », ou « faible ». Ce n’est pas facile du tout. L’un de mes outils préférés est sans aucun doute la moyenne de points marqués par course. Plus elle est élevée, plus on est en présence de monstres qui dominent. Et plus il y a de pilotes avec des moyennes élevées, plus on les retrouve souvent aux avant-postes. Pour simplifier la chose, j’exprimerai cette moyenne en pourcentages de points pris par rapport au total de points qu’il était possible de prendre. C’est beaucoup plus visuel depuis qu’on est passé d’une base de 25 unités par week-end de course à 37 avec les Sprints.

Si on se fie à ce critère pour qualifier l’exercice 2024, alors nous suivons actuellement une saison « plutôt faible ». Martin et Bagnaia tombent beaucoup, c’est vrai, et se font remonter par Marc Marquez, troisième à seulement 53 points du leader. De plus, Martin, premier, n’a remporté que deux Grands Prix sur treize. Pour information, les deux leaders ont amassés 64 % des points disponibles, ce qui est dans la moyenne basse à l’échelle de l’histoire motocycliste.

 

Martin Bagnaia MotoGP

Bagnaia, s’il gagne un titre avec huit à neuf victoires, ne pourra jamais être considéré comme un champion « faible ». Photo : Michelin Motorsport

 

Mais si vous avez lu la première partie de cette analyse, alors vous savez qu’il y a des explications rationnelles à cela. L’approche similaire des deux protagonistes mène à un paradoxe qui relativise la faiblesse de ce championnat.

 

Bagnaia et Martin au-dessus du lot

 

Certes, ils scorent peu car ils tombent souvent. Mais à l’échelle d’un week-end de course, ils sont quasiment imbattables. Ils agissent comme si le championnat ne durait que trois jours, mais qu’il y en avait vingt dans l’année. Quiconque regarde les Grands Prix ne peut que constater cet écart entre eux et les autres, même Marc Marquez si l’on dézoome assez.

Un seul chiffre pour se rendre compte de la domination de la paire Bagnaia/Martin. Les deux ont terminé premiers de plus de 61 % de toutes les séances importantes disputées (pole, Sprint et GP). Dans le détail, ils ont triomphé de 69 % de tous les Grands Prix, de 61 % de tous les Sprints, et de 53 % de toutes les séances de qualifications. C’est faramineux.

Il existe un autre moyen pour deviner si une saison est « forte » ou « faible » : l’œil. En 2020, on vibrait moins, c’était évident. On ne comprenait pas nécessairement pourquoi tel pilote s’imposait, pourquoi il avait de l’avance, pourquoi autant, etc. En 2024, tout est clair, notamment l’écart avec le reste du plateau.

D’accord, Marc Marquez a remporté deux courses consécutives. Mais justement, c’est un bon argument pour qualifier cette saison de « forte », ce qui sera ma conclusion. Marquez, octuple champion du monde, sur Ducati, en pleine forme, n’a pris « que » deux courses aux monstres qui mènent. Voyez Bastianini, un excellent pilote doté d’une très performante GP24, et le retard qu’il accuse en permanence sur les deux larrons. Regardez, en qualifications, comment Bagnaia et Martin réalisent leurs meilleurs tours, qui tombent sur la tête des adversaires tel la foudre. Ils sont impressionnants, forts, et seul leur style particulier les pénalisent de temps à autre.

 

Martin peut encore le faire, bien sûr. Photo : Michelin Motorsport

 

Conclusion

 

Finalement, tout cela nous amène vers une analyse des plus subjectives. Si, pour vous, les acteurs du championnat en 2020 étaient plus impressionnants, alors, soit. Mais je veux ici souligner la qualité des protagonistes de cet exercice 2024, qui multiplient les performances trop souvent banalisées en raison de leur matériel, ou, peut-être, de leur comportement. Leurs faibles moyennes s’expliquent notamment par cette volonté d’attaquer, de ne pas calculer. Voilà pourquoi Martin est rentré chausser les pneus pluie alors qu’il n’avait qu’à suivre ce que faisait Bagnaia. C’était une erreur, mais dictée par l’instinct et la passion, l’envie de se démarquer, de gagner. Voici pourquoi ils seront si durs à battre. Cette saison est « forte », assurément.

Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de cette question et de ces digressions. Alors, dites-le moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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