Ils n’ont pas chômé durant cette saison 2023. Pendant l’hiver, « Parlons MotoGP » va se pencher sur chacun des engagés de cet exercice, et dresser le bilan ; aujourd’hui, au tour de Marc Márquez. A-t-il réussi ? A-t-il échoué ? Pouvait-on en attendre davantage ? L’heure est à l’analyse. Bien sûr, vous êtes invités à donner votre avis en commentaires, car celui-ci compte énormément. Hier, nous sommes revenus sur Enea Bastianini, dans un article que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Si jamais vous avez des questions à la fin de la lecture, j’ai déjà consacré un article à la gestion du cas Marquez par Honda et pourquoi la défection de la légende est un drame pour la marque Japonaise. Vous pouvez retrouver cet article qui répond probablement à quelques unes de vos interrogations en cliquant ici.
Pas de doutes sur son talent
Quatorzième, ce n’est pas un classement qui semble aller à Marc Márquez. Pourtant, au vu du contexte particulier, on pourrait croire que c’est un très bon rang. Avec 96 points en neuf Grands Prix terminés seulement, il est le premier des estropiés. Car effectivement, il a manqué bon nombre de courses, encore en raison d’une blessure intervenue au Portugal, lorsqu’il a fauché Miguel Oliveira et Jorge Martin. Il s’agit de la quatrième saison consécutive où il ne termine pas toutes les courses, et, pour la petite anecdote, la quatrième aussi qu’il termine derrière son frère Alex au général, soit depuis l’arrivée de ce dernier en MotoGP lors de la campagne 2020.
Si l’on ajoute à cela de bonnes performances en Sprint (troisième au Portugal et à Valence), en qualifications (encore une pole à Portimao), ainsi qu’un magnifique podium sous la pluie au Japon, on pourrait croire qu’il a fait des miracles, surtout au guidon d’une Honda RC213V devenue absolument désolante.
Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que sa saison est en partie, un échec, car il a confondu vitesse et précipitation. Le terme est fort, je le concède, mais laissez-moi m’expliquer, et ce, en plusieurs points distincts histoire de rester concis.
Pourquoi ce n’était pas si fou
Premièrement, les qualifications. Toute l’année durant, excepté lors de la dernière course, il n’a cessé de suivre des concurrents plus rapides que lui. C’est parfaitement autorisé, certes, mais ça n’est certainement pas du rang de Marc Márquez. On peut l’interpréter comme de la grinta, mais c’est plus énervant qu’autre chose, surtout qu’il ne se montre pas discret du tout au moment de sortir des stands. Tout cela joue contre son héritage, car on ne parle pas d’un pilote de seconde zone.
J’en profite pour faire ma transition sur le deuxième point. On sait tous que Marc Márquez est monstrueux. Dès lors, à seulement 30 ans, on est en droit d’attendre des performances légendaires de sa part. Hormis ce podium à Motegi sous une pluie battante, dans une course arrêtée avant la fin, il n’y a rien d’autre à se mettre sous la dent. J’ai l’impression qu’on le juge de la même manière qu’un Johann Zarco ou un Jack Miller, qu’on félicite des percées dans le peloton, comme s’il était un simple outsider. Nous sommes en présence d’un pilote qui, du point de vue de l’histoire, peut être comparé à Valentino Rossi, Mike Hailwood et aux autres Giacomo Agostini. Alors jugeons le comme tel. Et quand on se penche sur les résultats, ça ne matche pas avec sa grandeur.
Il est encore – et surtout – énormément tombé cette année, avec 29 chutes, et il n’a pas toujours piloté avec la tête. Tenez-vous bien : il a marqué ses premiers points le dimanche le 20 août, à l’occasion du Grand Prix d’Autriche, entre blessures et abandons antérieurs. Ses erreurs de jugement et son Q.I course indigne de son statut commencent à poser problème, comme au Portugal, ou à Valence, avec, cette fois, Marco Bezzecchi en victime. Puis, sur la première partie de saison, cette volonté de pousser jusqu’à la chute, avec le paroxysme de l’expression de cette philosophie au Sachsenring, sur lequel il chassait trop la gagne pour au final, tomber trois fois en qualifs’. Fin 2022, il avait pourtant dit qu’il devait rouler en prenant de la marge, en arrêtant de trop vouloir en faire mais il n’a pas respecté son propre plan. Il aurait pu être un meilleur adversaire s’il s’était contenté de places d’honneur, mais pour une raison qui m’échappe, à six mois de la fin de son contrat, il semblait toujours vouloir prouver qu’il pouvait gagner. Comme s’il ne se rendait pas compte que sa carrière pouvait prendre fin à la moindre chute.
Vous allez me dire que c’est dû à la moto, et qu’il essayait d’en faire quelque chose. Vous auriez raison, mais cet argument est fallacieux, ou au moins, en partie faux. C’est mon troisième point. Oui, la Honda est la pire moto dans la catégorie, et sûrement l’une des moins bonnes machines de ces dernières années. Hors CRT et Open, il faut remonter aux Desmosedici du début des années 2010 pour voir une bécane d’usine aussi peu performante. Et il est aussi vrai qu’il a largement dominé ses coéquipiers, en inscrivant 3,7 fois plus de points que Joan Mir, par exemple.
Mais de trois choses l’une. Primo, Honda s’est largement reposé sur lui sur les six dernières années, et cela fait depuis 2018 maintenant que la firme ailée est Marquez-dépendante. Ainsi, le fait qu’il soit devant ses coéquipiers sur une machine modelée par lui-même n’est pas si étonnant. Secundo, faisons le tour rapide de ses collègues de travail. Joan Mir, déjà l’ombre de lui-même depuis mi-2022, quand il était encore chez Suzuki. Takaaki Nakagami, absolument fantomatique, sans véritable coup marquant en MotoGP. Et puis, tous les remplaçants, soit trop jeunes dans le cas d’Iker Lecuona, soit trop vieux avec Stefan Bradl. Tertio, que dire d’Alex Rins ?
Personne n’en parle, mais comment se fait-il que l’Espagnol est parvenu à trouver de la vitesse aussi rapidement, jusqu’à gagner à Austin, la troisième manche seulement ? Mieux encore, à souvent flirter avec le top 10 ? Pourquoi utilise-t-on l’argument du coéquipier moins fort à motos égales pour dévaloriser les efforts d’un Zarco ou d’un Quartararo quand Martin et Morbidelli sont mieux, mais ne pas le mentionner dans le cas de Marquez ?
Et puis, pousser les autres à la chute en raison d’un matériel en dessous n’est en rien une excuse, et encore moins une preuve de démonstration de volonté. Toutes les légendes, ou presque, ont connu de moins bonnes motos et n’ont pas forcé comme lui.
Tout cela m’amène à dire qu’il s’est trompé, et je persiste à penser qu’il aurait été bien meilleur et grand en suivant le plan qu’il avait expliqué après le Grand Prix de Thaïlande 2022. Il a aussi eu beaucoup de chance de ne pas se blesser. Finissons brièvement avec sa signature chez Ducati Gresini, qui, mine de rien, sonne comme un aveu de faiblesse. Oui, la RCV était mauvaise, mais l’immense Marc Marquez n’a-t-il pas les épaules pour redresser la plus grande équipe de l’histoire de la discipline ? Celle-là même qui a tant fait pour lui, jusqu’à superviser l’intégralité de sa carrière ? C’est un peu comme si Hamilton s’en allait signer chez Red Bull en Formule 1. Je trouve cela un poil dommage, même si je suis très excité à l’idée de le voir sur l’Italienne, bien entendu, et que cela reste évidemment un excellent choix pour lui, le meilleur qu’il pouvait faire avec la victoire en tête.
Êtes-vous d’accord avec cette analyse ? Dites-le moi en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport