C’est l’un des grands absents cette saison. Alex Rins, blessé mais vainqueur en 2023, fait l’objet de ce nouvel épisode de Parlons MotoGP. Ce profil explosif au possible, 28 ans seulement, semble traverser ce début de saison 2024 sans trouver aucune solution à ses nombreux problèmes. Analyse.
Meilleur sur Honda
Dans mes article de pré-saison, j’attendais Alex Rins au moins à la hauteur de Fabio Quartararo sur quelques courses. On connaît parfaitement l’Espagnol, capable d’exploits solitaires, de manches hallucinantes, même quand le matériel n’est pas de son côté. Il est loin d’être parmi les meilleurs, mais n’est pas le pire non plus : juste, il existe peu.
Évoquons d’abord les résultats. Aussi fou que cela puisse paraître, ils sont largement moins bons que ceux acquis chez LCR Honda l’année précédente, même si l’on enlève cette victoire improbable à Austin. Improbable n’est peut-être pas le bon terme, vu qu’il avait figuré deuxième du Sprint. Le format court, parlons-en.
Toujours aucun finish dans le top 9 le samedi (synonyme de points), une seule apparition en Q2 au Portugal, et seulement sept points marqués en cinq courses. Cela représente une moyenne bien faible : 1,4 points par week-end, alors qu’il a tourné, en sept Grands Prix sur l’exercice 2023, à 7,7 points de moyenne malgré trois abandons. Tout cela sans même évoquer sa forme physique, largement diminuée il y a un an. L’écart est assez abyssal, donc. Est-ce bien la peine d’évoquer son rang au classement (20e à l’heure où ces lignes sont écrites, soit antépénultième des pilotes titulaires) ? Je ne pense pas.
Rins tombe finalement assez peu (hormis à Austin, l’un de ses circuits favoris), mais peine à trouver du rythme au guidon de la YZR-M1. Hormis sa belle remontée de Jerez (parti 25e, il est arrivé 13e), on sait qu’il est capable de beaucoup plus.
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Sans réponse(s)
Évoquons maintenant son ressenti, ce qui est tout aussi important pour appréhender le contexte. Mais sur ce point, c’est le néant. Au Portugal, il admettait ne pas pouvoir expliquer sa chute lors du Sprint. Dans les médias, il ne laisse transparaître que très peu de confiance, soulève des problèmes très vagues (la Yamaha manquerait de performance un peu partout), et voulait même « repartir de zéro » à l’occasion du test privé au Mugello qui vient de se courir.
Certes, je l’admets, ce n’est pas beaucoup mieux pour Fabio Quartararo qui vit lui aussi un début de saison très compliqué. Même son beau week-end manceau s’est achevé par une chute le dimanche. Mais malgré ça, le Français est largement devant au championnat, 12e, avec plusieurs prestations correctes en Sprint. On connaît les qualités d’« El Diablo », mais tout de même, je ne m’attendais pas à ça.
Autre chose que je n’avais pas prévu. L’année passée, Franco Morbidelli était meilleur qu’Alex Rins ! Oui, il connaissait un peu plus la machine, d’accord, mais j’imaginais, peut-être naïvement je l’avoue, un écart énorme entre les deux pilotes, qui pouvait compenser ce manque d’expérience.
Son année 2023 a été marquée par de graves blessures et une absence interminable. Peut-être que les séquelles physiques et psychologiques laissées par cette mise à l’écart sur les deux tiers de la saison jouent contre lui, mais ce n’est là qu’une suggestion. On sait à quel point Alex Rins est un pilote brillant, son palmarès parle pour lui.
V4 vs L4 : un mythe ?
Je voulais revenir, rapidement, sur une théorie que je vois souvent passer en ligne. Beaucoup avancent que « Les pilotes bons avec des motos dotées d’un quatre en ligne peuvent performer sur d’autres avec la même architecture moteur ». Je suis en désaccord avec ceci, car bien qu’elle se fonde sur des arguments légitimes, à savoir, les propriétés et voies d’exploitation de différentes architectures, elle n’est appuyée par aucun exemple concret. Parfois, c’est même l’inverse comme l’illustre le cas Alex Rins.
Nombreux fans pensaient voir Rins à l’aise chez Yamaha car ses plus belles lettres en MotoGP ont été écrites chez Suzuki, qui employait, comme on le sait, un quatre cylindres en ligne. Mais on voit bien que ce n’est pas le cas. À l’inverse, j’avance, en m’appuyant sur différents exemples, que c’est une question de package entier, voilà tout. Un pilote bon sur une moto dotée d’un quatre en ligne pourra parfaitement performer avec un V4 s’il est bien né, où s’il est à l’aise avec le package. L’architecture moteur passe largement après.
Quelques exemples pour étayer ma démonstration. Alex Rins, d’abord, meilleur pilote Suzuki sur la période 2017-2022 avec cinq victoires sensationnelles, qui peine avec la Yamaha, mais qui a gagné sur la Honda RC213V LCR (un V4, donc), trois courses seulement après avoir quitté la GSX-RR qu’il avait piloté pendant six ans.
Jorge Lorenzo, employé pendant neuf saisons au sein de l’équipe d’usine Yamaha, avec laquelle il était encore très bon en 2016 – comme le prouve sa victoire à l’occasion du dernier Grand Prix de l’année, on ne fait pas plus évocateur. Certes, son année 2017 chez Ducati était assez difficile, mais sous-cotée à mon sens. Il parvenait à se hisser, ponctuellement, au niveau des meilleurs. Quand il a totalement maîtrisé la bête en 2018 (aussi pour des raisons de confort au guidon), il a retrouvé son rang avec trois victoires.
Les autres exemples ne manquent pas, mais je ne vais pas tous les étaler ici. Aleix Espargaro, rapidement très bon sur une Aprilia V4 plus que récalcitrante après des années chez Suzuki en est un autre. Cal Crutchlow, excellent chez Yamaha en 2013, n’a pas réussi chez Ducati en 2014, mais a bien rebondi chez Honda LCR en 2015, jusqu’à devenir le meilleur privé de la marque ailée sur toute la décennie 2010.
Je pense donc qu’il s’agit uniquement d’une question de package, et qu’il ne faut pas s’arrêter à l’architecture moteur pour juger de la perte ou du gain de performance d’un pilote. Tout se tient, tout va ensemble, et pour aller plus loin, j’imagine qu’il est difficile de cibler une amélioration sur le châssis sans toucher au moteur, et inversement. L’exemple de Yamaha, comme confirmé par Alex Rins d’ailleurs – qui s’est plaint d’un manque de maniabilité – montre que la recherche de puissance n’était sans doute pas la seule clé du mystère.
Que pensez-vous de toutes ces questions ? Dites-le moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.
Photo de couverture : Michelin Motorsport