Les courses sprint feront leur apparition en MotoGP, et
ce dès le début de saison 2023. Nous avons donc décidé de
nous pencher sur la question. Hier, nous présentions le format en
plus d’en expliquer les avantages théoriques. C’est pourquoi la
lecture de cette première partie est vivement conseillée ;
cliquez sur cette phrase en surbrillance pour en prendre
connaissance.
Très subjectivement, nous sommes assez perplexes quant à
ces épreuves raccourcies. Voici, en quelques
points, pourquoi nous ne croyons pas tellement en ce
projet.
Premièrement, les pilotes, principaux intéressés, ne sont
pas plus emballés que ça. Fabio
Quartararo, entre autres, trouve l’idée
« totalement stupide », ce qui n’aide pas à
faire avaler la pilule aux fans. L’étude de l’histoire des sports
mécaniques nous l’enseigne : Quand les pilotes, de facto les
uniques acteurs de la discipline désapprouvent une formalité, un
point de règlement ou l’introduction d’un nouveau format, ça coince
et ça rend immédiatement ladite idée impopulaire, pour une simple
raison : ils ont plus de légitimité que quiconque.
Certes, il existe des contre-exemples comme le Halo en Formule 1,
conspué par le paddock au début puis accepté par la suite.
La place centrale qu’ils tiennent biaise le jugement, et il
faut aussi tenir compte de ce paramètre, nous vous l’accordons.
Mais globalement, ça n’est pas un bon indicateur.
Deuxièmement, trop, c’est trop. La multiplication
de « grands évènements » sportifs est à la mode, en raison des
retombées financières logiquement plus importantes. Nous
pensons que 20 joutes à l’année étaient suffisantes.
L’être humain s’habitue à tout et bientôt, nous pourrions
être lassés. Rendez-vous compte : il y aura
42 départs en 2023, c’est juste énorme. Et
contrairement à ce que l’on pourrait penser, les sports qui se
produisent le plus souvent ne sont pas forcément les plus
populaires voire même les plus rentables. Pour illustrer
cet argument, traversons l’Atlantique une nouvelle
fois.
Les quatre grands sports américains sont reconnus mondialement,
bien qu’ils restent des championnats nationaux. Pourtant, en
MLB (ligue majeure de baseball), ce n’est pas
moins de 162 matchs (sans compter les playoffs !)
qui sont disputés par chaque équipe en une saison. Tous les
spécialistes s’accordent à dire que le baseball, autrefois
« l’America’s game
», sport populaire par excellence, s’essouffle
considérablement aux USA. Les audiences ont baissé de près
de 20% en trois ans, et l’âge moyen des fans est
de 57 ans. Idem pour le basketball avec la NBA :
les 82 matchs de saison régulière n’arrivent pas à
passionner les foules du pays qui préfèrent le football américain
(NFL). Et justement, évoquons l’exemple d’une
saison de cette discipline atypique. Elle compte 17
matchs par équipe seulement. Chaque rencontre est
vue comme un évènement par tous les États-Unis, et les audiences y
restent bien supérieures à n’importe quel autre sport.
Ainsi, nous risquons de perdre l’aspect exceptionnel du
MotoGP, et le spectacle, dilué, n’aura plus la même
saveur. C’est, de loin, notre plus grande inquiétude
vis-à-vis des courses sprint car de nombreux exemples historiques
la légitime (Nations League pour le football international, Sim
Racing et ses milliers de ligues, baseball et a contrario la Coupe
du monde, magnifique car plus rare).
Troisièmement, le changement de planning. Nous
trouvons assez dommage que le MotoGP s’inspire, une nouvelle fois,
de la Formule 1, après le documentaire Amazon Prime MotoGP
Unlimited qui n’a sans doute pas eu l’effet escompté auprès du
public, à des années lumières du produit Netflix Drive to
Survive. Mais au moins, en monoplace, les qualifs’ ont été
décalées le vendredi soir (pour les manches européennes), et les
courses sprint prenaient place le samedi. En 2023, le
MotoGP occupera tout le samedi tandis que le vendredi restera «
sans enjeu ». Bien sûr, nous ne doutons pas un instant que
les lecteurs de Parlons MotoGP, passionnés parmi les
passionnés, ne manqueront pas une miette du spectacle. Mais il faut
reconnaître que d’un point de vue pratique, c’est loin d’être un
cadeau et de nombreux fans n’auront pas d’autres choix que de faire
l’impasse sur l’un des deux évènements du jour. Certes, les
services proposant le replay se multiplient, mais tout le monde
n’en bénéficie pas pour autant à l’échelle mondiale.
Conclusion :
Sur le papier, l’idée est assez pertinente. Mais en
pratique, elle posera de nombreux problèmes d’organisation et
pourvu qu’on ne se lasse pas du show MotoGP, déjà largement
critiqué cette année. En Formule 1, influence principale
des sports mécaniques à l’heure où ces lignes sont écrites, le
format ne convainc pas non plus et pourtant, DORNA a décidé de
l’adopter. Si l’on rajoute à cela le mécontentement de certains
pilotes, nous ne partons pas sur des bases solides, c’est le moins
que l’on puisse dire. C’est à double tranchant : Soit nos héros «
jouent le jeu » et se donnent à 100 % sur une dizaine de tours, ou
soit ils se réservent pour le dimanche. Cela serait compréhensible,
car les blessures couteront bien plus cher. Rien de pire ne
pourrait arriver à DORNA, qui serait prise à son propre
piège.
Qu’en pensez-vous ? Votre avis nous intéresse, alors
dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport