Depuis le début de saison, un homme s’est largement
illustré avec des performances aussi «
abracadabrantesques » les unes que les autres : Brad
Binder. L’officiel KTM est flamboyant, magistral, et s’est déjà
imposé deux fois lors des Sprints, en Argentine et à Jerez. Au vu
de son talent intrinsèque,
il serait facile de le mettre dans la catégorie des candidats au
titre mondial car il est l’un des seuls à pouvoir franchement
rivaliser avec Pecco Bagnaia. Pourtant, il a un point faible, voire
un véritable défaut qui lui coûtera sans doute beaucoup si la firme
autrichienne et lui ne trouve pas de solution : Les qualifications.
Explications en plusieurs points.
I) Pourquoi c’est important
Avant de revenir en détail sur les résultats de Brad Binder en
qualifications, précisons pourquoi celles-ci sont cruciales.
Premièrement, car il est toujours bon de partir devant. C’est
tellement logique ! En s’élançant depuis les meilleures positions,
un pilote aura bien plus de chances de s’échapper dès l’extinction
des feux ou, au moins, de se placer dans le bon groupe. Le MotoGP
actuel est plus resserré que jamais, mais pourtant, trois des cinq
vainqueurs en 2023 se sont élancés de la première ligne
(Bagnaia au Portugal, Bezzecchi
en Argentine et Rins à Austin).
Les qualifications reflètent bien plus la performance réelle d’un
package pilote/machine que les courses, et c’est pourquoi, aussi
étonnamment que cela puisse paraître, il est généralement
plus difficile de faire une pole que de gagner une
course.
Sur 20 tours, des accrochages – et autres – peuvent vous offrir une
opportunité mais sur une boucle, il n’y a que la vélocité qui
parle. C’est pour cette raison qu’en règle générale, il y a plus de
vainqueurs différents que de polemen sur une saison (excepté 2022
en MotoGP). Ainsi, cela peut coûter de gros points à Brad
Binder quand il n’arrive pas à revenir dans le groupe de
tête.
Les flèches (Bagnaia, Bezzecchi
ou même Jorge Martín) arrivent à se projeter très
vite vers l’avant et parfois, comme au Mans pour « Bez »,
à creuser un écart conséquent en un rien de temps. Si un
pilote n’est pas là pour attaquer dès le début et freiner sa
progression, alors c’est la défaite assurée.
Deuxièmement, se qualifier devant envoie un signal fort à toute la
grille. C’est bien connu : Faire une pole le samedi est un avantage
psychologique certain. Cela ôte aussi de la pression, car
la visualisation du premier tour est bien plus aisée quand il n’y a
personne devant. Quand Binder part derrière, le plan est
nécessairement plus brouillon car ses dépassements dépendent des
réactions des autres pilotes.
Quand Bagnaia doit uniquement se soucier de son départ depuis la
première place, Brad doit le faire aussi en plus de devoir
anticiper une riposte relativement aléatoire d’un confrère devant
lui. Clairement, il est plus « facile » d’aborder une course en
partant devant,
même si la seule pole n’assure pas la victoire, loin de
là.
Troisièmement, et raison la plus importante dans le cas de
Brad Binder, s’élancer de l’arrière rend bien plus
vulnérable aux erreurs des autres, et plus largement, au grabuge
dans le peloton. C’était le problème de Maverick
Viñales chez Yamaha, qui, souvent, avait le bon rythme
mais des entames catastrophiques l’exposaient à des accrochages.
Pour le coup, c’est simple à comprendre et à observer : Le dimanche
en Argentine, Binder s’est fait toucher par ce même Viñales et a
chuté, aussi parce qu’il partait 15e (!). Au Mans,
rebelote. Forcé d’écarter au virage de la Chapelle pendant
le Grand Prix, il a perdu gros alors qu’il avait sans doute la
vitesse pour aller chercher un podium en cas de bon
départ.
Ce phénomène est d’autant plus vérifié que, cette année tout
particulièrement, tous sont bouillants. Se retrouver piégé dans un
accrochage comme Bezzecchi à Jerez lors du Sprint n’est pas si
improbable que ça. En gros, il faut partir
devant.
II) Un véritable défaut
Cela passe peut-être sous les radars, mais chez Brad Binder,
l’expression « point faible » est presque un euphémisme.
Clairement, ses qualifications ne sont pas dignes du pilote
qu’il est. Quelques chiffres :
- Si l’on fait la moyenne de ses positions de départ depuis
le début de l’année, il s’est élancé 11e avec,
pour pires résultats, deux 15e places (Argentine
et Portugal).
- Il n’a jamais fait de meilleur temps en Q2 en MotoGP malgré
deux victoires et quatre podiums. Sa dernière pole remonte
à Aragon 2018, quand il était en Moto2. Il s’agit d’ailleurs de sa
seule pole en catégorie intermédiaire.
- Oui, il est vrai que la moto joue beaucoup car la qualif’ est
aussi « son » exercice, là où elle doit être la plus
performante. D’ailleurs, vous auriez raison de nous rappeler que
Miguel Oliveira n’arrivait pas, lui non plus, à
trouver cette vitesse nécessaire au guidon de la RC16. Mais ce
contre-argument peut être facilement balayé :
Jack Miller colle déjà 4-1 en qualifications à
Brad Binder, et en plus, a été au moins une fois dans la
« course à la pole » (Jerez), où il avait une vraie
chance de faire le meilleur temps.
- Deux éléments encore plus inquiétants : Rappelons que Jack
Miller n’en est qu’à son 5e week-end sur la
machine, Brad Binder, son 67e. De plus,
« Thriller » est l’un des moins bons dans l’exercice avec
seulement deux poles en 141
départs, en ayant bénéficié d’une Ducati dominante pendant
– au moins – trois saisons ! Impossible de tout mettre
sur le dos de la KTM, c’est une certitude.
III) Conclusion
Nous pensons réellement que s’il y a bien un élément qui
empêchera Brad Binder de jouer un titre mondial, c’est
celui-ci. Attention : Nous ne sommes pas en train de dire
qu’il ne progressera jamais dans l’exercice mais nous ne le voyons
pas s’améliorer drastiquement dans les trois prochains mois,
période cruciale pour se positionner en candidat à la couronne.
Oui, il est très fort et peut remonter des dizaines de
places, mais sans doute pas à chaque course. Et quand ça
ne passe pas, c’est très difficile d’obtenir de gros points. Si
dans l’histoire, seul Joan Mir a été sacré
champion du monde MotoGP
sans jamais avoir réalisé de poles dans la catégorie, cela n’est
pas anodin.
Qu’en pensez-vous ? Brad Binder peut-il prétendre à un titre
mondial même avec ce défaut ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport