pub

Depuis les années 1920, la vitesse sur un tour est un sujet très sérieux dans le cadre d’une course. Si elle trouve son origine dans les courses hippiques, la pole position est devenue un symbole, plus qu’un réel avantage en piste. À moins que ? Justement, penchons-nous sur cette question. La pole est-elle toujours si importante ?

I) Un chiffre impressionnant

Comme souvent, c’est une statistique qui a motivé la rédaction de cet article. En effet, le taux de conversion pole/victoire est une donnée intéressante pour étudier la performance d’un pilote, notamment sur les débuts de course. De plus, elle permet de rendre compte d’autres faits, comme l’homogénéité du plateau ou la propension qu’ont certains circuits à favoriser le phénomène. Pour ce faire, nous avons étudié les cinq dernières saisons, depuis 2018. Et les résultats sont particulièrement intéressants.

En 2018, sept pole ont été converties en victoires (cinq pour Márquez, une pour Lorenzo et une pour Dovizioso), contre six en 2019 (toutes pour Márquez). En 2020, le résultat était plus partagé puisque cinq pole ont été transformées (deux pour Quartararo, une pour Viñales, une pour Morbidelli et une pour Oliveira). Puis, en 2021, six conversions ont été réalisées (deux pour Quartararo, une pour Martín et trois pour Bagnaia).

 

Zarco a manqué une belle occasion de convertir à Silverstone, peut-être sa meilleure en carrière. Photo : Michelin Motorsport

 

Cela représente, pour chaque année, un pourcentage comme suit :

2018 : 38,8 % de pole converties (en excluant Silverstone, course annulée en raison de la pluie).
2019 : 31,5 %
2020 : 35,7 %
2021 : 33,3 %

Les résultats sont donc assez homogènes sur une période qui connut des variations assez importantes, notamment en raison de la montée de Quartararo et Bagnaia, et la perte de vitesse de Lorenzo, Dovizioso et de Márquez, blessé. Mais qu’en est-il de la saison 2022 ?

Seulement trois pole positions ont mené à une victoire (une pour Aleix Espargaró, deux pour Bagnaia) en 20 manches, ce qui représente un pourcentage de seulement 15 %, moitié moins ! Comment expliquer cela ?

II) Conjoncture ou tendance à surveiller ?

Nous pouvons interpréter ce chiffre de différentes manières. La première piste qui nous vient à l’esprit est l’homogénéité des machines du plateau. L’année 2022 vit dix polemen différents, un record, dont six Ducati. Nous pouvons donc en conclure que la Ducati est très performante sur un tour, et a récompensé le samedi des pilotes qui n’ont pas pu transformer le dimanche. Cela va de pair avec une précédente analyse ; en effet, Fabio Di Giannantonio, Marco Bezzecchi et Jack Miller n’ont jamais été des bêtes de qualifications, mais ont pu trouver de la vitesse sur les GP21 et GP22.

Deuxième point, « l’absence » d’un grand pilote comme Márquez se fait sentir. Sur les cinq années étudiées, il compte à lui seul 11 conversions, contre 16 pour l’ensemble des autres pilotes en détenant au moins une ! Rappelons qu’il n’est plus régulièrement au sommet depuis son accident à Jerez en 2020. Cela témoigne donc de son immense talent, car contrairement à ce que l’on pourrait croire, gagner en partant en tête est loin d’être facile. Cependant, les pourcentages établis pour les années 2020 et 2021 démontrent que les autres y parvenaient mieux qu’en 2022.

II) La pole n’est donc plus importante ?

Disons que ça n’est plus nécessaire. La vitesse sur un tour (ainsi que la vitesse en général) est un point fort partagé par de nombreux jeunes loups aux dents longues. Armés de motos capables d’appuyer cette qualité intrinsèque, ce qu’ils peuvent faire en qualifications est dévastateur. Finalement, le questionnement concernant le taux de conversion dépend bien plus du dimanche que du samedi.

 

À Termas de Rio Hondo, Aleix s’en est allé réaliser le premier grand chelem de sa carrière (pole, meilleur tour en course et victoire en menant tous les tours). Photo : Michelin Motorsport

 

Car ce nouvel archétype n’est pas parfait. Les pilotes répondant à cette description peuvent, grâce à leur vélocité et leur régularité dans la performance, se permettre de tomber quatre à six fois par saison et quand même bien figurer au classement général. Rien que cette année, Bagnaia gâcha deux occasions de convertir (Le Mans et Sachsenring), et Martín une (Sepang), trois unités qui pèsent lourd dans le calcul final. L’exemple de ces deux là est caractéristiques, car ils répondent à la description du « pilote du futur ».

Dans l’état, une pole position est toujours extrêmement importante car c’est un marqueur psychologique fort. Être le plus rapide sur un tour est déjà une petite victoire en soi, et témoigne aussi d’un bon niveau global. C’est pour cette raison que les plus grands pilotes de tous les temps ont excellé dans cet exercice. Mais le verdict de la piste est tout autre, et non, faire la pole n’est pas (ou n’est plus) une condition sine qua non. Ça ne garantit en rien la victoire. La raison majeure à cela est sans aucun doute le faible écart entre tous les pilotes, du premier au dernier. Sur ce point, DORNA a réussi son pari lancé avec les CRT puis les Open, débouchant en 2016 sur l’introduction du boîtier électronique standardisé.

Conclusion :

La pole reste importante, mais plus pour les mêmes raisons. L’évolution du championnat du monde donne lieu à l’apparition d’un nouveau type de pilote, plus rapide que jamais mais qui prend de plus gros risques une fois les feux éteints. Les règlements ont évolués, les courses en paquet se multiplient. L’issue n’en est que plus imprévisible, peu importe votre position de départ.

En revanche, le format de 15 minutes reste excellent pour marquer les esprits. Les courses sprint en 2023 ne vont faire que confirmer cette tendance, et les pilotes qui sauront se démarquer le samedi matin pourraient bien être les grands vainqueurs de cette nouvelle formule.

Alors, pensez-vous que la pole position est aussi utile qu’auparavant ? Dites-le nous en commentaires !

 

Bagnaia, un monstre de qualifications. Photo : Michelin Motorsport

Photo de couverture : Michelin Motorsport