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Nous poursuivons notre rétrospective de la saison de chaque pilote, du dernier jusqu’à Pecco Bagnaia. Pour apprécier la performance de nos héros, regarder leur place au général ne suffit pas. Ainsi, nous allons nous pencher sur les dynamiques, le contexte, les qualifications, l’attente que le pilote en question suscitait pour juger sa campagne. Hier, c’était la saison de Jack Miller qui était à l’honneur. Vous pouvez retrouver l’article correspondant en cliquant sur cette phrase en surbrillance.

Pour rappel, cet avis reste subjectif, et ne reflète que la pensée de son auteur.

I) Somptueuse épopée

Comme pour tous les autres pilotes du classement, nous allons décortiquer froidement les principales qualités et défauts de Aleix Espargaró que nous avons noté cette saison. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a bien quelques éléments à discuter, et sans doute que sa position finale aurait pu être meilleure à l’arrivée. Mais avant de se pencher sur ce qui n’a pas fonctionné, rendons hommage à l’immense pilote qu’il est.

Aleix, chef de file du projet Aprilia depuis 2017, est enfin reconnu à sa juste valeur. En réalité, difficile de cacher notre admiration pour lui. Il y a plus d’un an, nous avions déjà écrit sur ce géant en stipulant que sur la pleine décennie 2010-2020, il était sans doute au niveau de Dani Pedrosa en termes d’accomplissements. Souvent doté de motos moins performantes, pour de pas dire à la rue, le grand frère Espargaró a pu s’exprimer pour la première fois sur une moto compétitive, sans doute la deuxième meilleure du plateau sur la première partie de saison. Il cimente ainsi sa légende et cette victoire en Argentine, selon nous, scelle définitivement le débat : Aleix est l’un des quatre, voire cinq plus grands pilotes sur ces 12 dernières années (le débat avec Rossi est surprenamment serré).

 

Grandissime. Photo : Michelin Motorsport

 

Après tant de saisons à galérer, cette épopée n’est qu’une juste récompense, les dieux du MotoGP ont écouté les prières répétées de l’Espagnol. Rien que pour cela, chapeau bas.

II) Une drôle de sensation

Pour autant, cette introduction dithyrambique ne dit pas tout. Le vrai travail du rédacteur et du journaliste ne serait-il pas d’empêcher les gens d’être heureux ? C’est un autre débat. Et même si cela nous brise le cœur, nous sommes obligés, par honnêteté intellectuelle, de préciser ce qui a été moins bon, car le bilan est loin d’être parfait. Pire encore, nous pensons que cette 4e place laisse un goût amer.

Tout d’abord, commençons par la fenêtre de tir. Rarement le contexte n’avait été aussi favorable à une marque « outsider » sur la grille. Personne ne voulait prendre la tête début 2022 : Yamaha régressait, KTM ne confirmait pas, Ducati connaissait de nombreux soucis sur la Desmosedici GP22 et Honda, sans un Marc Márquez au top, allait nulle part. À vrai dire, Suzuki était dans la même configuration que Aprilia et en y réfléchissant, eux aussi auraient dû faire mieux sur les toutes premières manches. Cependant, l’annonce du retrait pour fin 2022 mit un terme au début de saison correct réalisé par les hommes d’Hamamatsu.

Ainsi, Aprilia et a fortiori Aleix Espargaró en ont profité, et c’est le jeu. Cependant, nous pensons qu’il n’ont pas assez enfoncé le clou. Après sa victoire à Termas de Río Hondo, l’Espagnol s’est mis dans une configuration défensive et n’allait plus chercher ses résultats. Alors certes, quatre podiums consécutifs vinrent récompenser cette approche mais la firme de Noale était dans une sorte d’entre-deux assez désagréable. En ne voulant pas pousser au risque de tomber, Aleix jouait sur la régularité dans la performance, mais l’absence de proactivité le cantonna à un rôle d’outsider toute l’année durant.

En réalité, il n’a jamais été « que » le quatrième, voire cinquième meilleur pilote. A posteriori, nous pouvons affirmer qu’il n’a jamais joué le titre, mais s’est maintenu à flot grâce à de magnifiques performances, il faut le reconnaître, mais aussi un contexte particulier. Dès que Pecco Bagnaia, qui adopta l’approche opposée, se mit à scorer, le plan tombait à l’eau. L’histoire nous en apprend plus sur ce sujet car Aleix n’est pas le premier a « jouer la régularité ». Depuis 2002, seuls trois pilotes ont été sacrés alors qu’ils n’étaient pas les plus rapides intrinsèquement (Hayden en 2006, Márquez en 2013 et Mir en 2020). Ainsi, il est possible d’en tirer la conclusion suivante : on ne choisit pas d’être régulier, on le devient parce qu’on est pas assez rapide pour gagner.

 

Pensez-vous qu’il fera mieux en 2023 ? Nous sommes assez sceptiques. Photo : Michelin Motorsport

 

Mais s’il ne peut pas aller plus vite, alors peut-on lui en vouloir directement ? Malheureusement, la manche d’Assen joue contre lui dans l’analyse de sa saison. Cette performance sensationnelle, sans doute l’une des meilleures en 2022, montrait que oui, Aleix avait encore de la grinta et de l’explosivité sous le pied. Nous n’avons jamais retrouvé cette version d’Espargaró et c’est bien dommage.

Bien sûr, nous pourrions aussi parler de sa bourde à Barcelone mais elle est finalement secondaire et n’aurait rien changé au résultat final. En revanche, sa deuxième partie de saison reflète l’essoufflement collectif de l’équipe. Entre perte de vitesse (Viñales était, l’espace de quelques courses, le plus dangereux), des erreurs humaines (la bourde au Japon) et une RS-GP de moins en moins fiable et performante (13 points pour le team sur les trois dernières manches), la belle aventure tourna au vinaigre et laissa un goût plus amer que piquant.

Conclusion :

Ne vous-y trompez pas : la saison d’Aleix Espargaró est tout simplement magnifique. Dans l’absolu, porter Aprilia a ce niveau est exceptionnel. Mais dans le détail, nous trouvons dommage de ne pas avoir tenté le tout pour le tout. Aprilia et Aleix, en particulier, n’auraient pas dû jouer la régularité et forcer, jouer les coups d’éclats exactement comme à Assen. D’ailleurs, c’est son profil depuis toujours : Il n’avait jamais abandonné moins de cinq fois par saison depuis son arrivée dans l’écurie italienne, autrefois chapeautée par Gresini Racing. Ce changement d’approche pouvait s’avérer payant dans une ère différente, mais selon nous, le pari était trop risqué face à des monstres de vitesse. La preuve en est ; Bagnaia fut titré avec cinq chutes.

Qu’avez-vous pensé de sa saison ? A-t-il vraiment été dans la course au titre ? Dites-le nous en commentaires !

 

« Glorious fourth ». Photo : Michelin Motorsport

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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