Pardon. Pardon d’avoir douté de toi, Jorge. Cette saison est désormais terminée, et même si l’issue était connue d’avance depuis un petit moment, Jorge Martin a fait un ultime pied de nez à Ducati, avant de s’en aller rejoindre Aprilia en tant que champion du monde en titre. L’Espagnol clôt une saison historique, la première qui couronne un pilote privé depuis le début de l’ère MotoGP. Quels enseignements sont à tirer ? Où s’est joué sa victoire ? Durant deux jours, nous allons étudier la question Jorge Martin sous des angles peu discutés jusqu’à maintenant.
Son plus bel exploit
Tout d’abord, je tiens à le féliciter chaleureusement, car il mérite sa couronne à plus d’un titre. Il fait un beau champion, autant que Bagnaia les deux saisons précédentes. Martin est un pilote exceptionnel, qui a brillé, sans jamais user d’anti-sportivité, sans jamais trahir le sport. Sa carrière, que l’on pressentait déjà grande après ce sacre incroyable en Moto3 lors de la saison 2018, vient de passer dans une autre dimension.
Maintenant, quel est son plus bel exploit ? Partout, je vois que tout le monde le congratule pour avoir battu Pecco Bagnaia, ou pour l’avoir fait sur une moto satellite, ou les deux à la fois. Certains mentionnent sa vitesse intrinsèque époustouflante, sa régularité. En réalité, je pense que sa plus belle victoire est ailleurs ; c’est d’avoir fait mieux que l’année passée.
À la fin de la saison 2023, je dessinais une sorte de plafond de verre au-dessus de son casque – mais il l’a brisé, exactement comme ce cube frappé du n°89 lors de sa célébration. En effet, il avait manqué le titre pour pas grand-chose, mais finalement, un boulevard le séparait de Bagnaia. Dès lors, un peu comme pour Bezzecchi à l’époque, je me demandais, légitimement je crois, s’il n’avait pas laissé passer son unique occasion de remporter un titre mondial.
Comme on l’a vu pour Bezzecchi cette année, il est extrêmement difficile de maintenir un niveau de performance très élevé. Et pourtant, non seulement Martin y est arrivé, mais il a fait mieux. Face à un Pecco Bagnaia au moins aussi fort qu’en 2023, Martin a trouvé la ressource mentale pour se recréer un défi encore plus grand, qu’il a, finalement, remporté d’une main de maître. Je suis forcé de reconnaître que je m’étais trompé, moi qui imaginait un véritable triomphe de Pecco Bagnaia en 2024. Martin a su déjouer l’histoire, car les bons pilotes qui ont failli une année mais qui n’ont plus jamais eu leur chance par la suite peuplent les livres poussiéreux.
#MotoGP has a new number 1 so it was time to say “Hasta la vista” to the "89" in style! 🦾💥🔥@88jorgemartin has celebrated his first title in a spectacular way! 🏆💯#MART1NATOR🦾 pic.twitter.com/GFcOjA1B0i
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) November 17, 2024
L’épicerie Martin n’est pas prête d’ouvrir
Deuxièmement, revenons sur la physionomie de sa saison. Vous le savez, l’être humain aime bien les comparaisons. Depuis hier, je vois beaucoup de gens faire le parallèle avec 2020, et donc, avec Joan Mir. Tous les titres ne se valent pas, comme toutes les victoires ne se valent pas. Et croyez-moi, aux yeux de l’histoire – si elle me permet de lui les emprunter, Martin n’a rien à voir avec Mir, ou un Hayden, si vous préférez et voyez de quel type de champion je veux parler.
Oui, il s’est beaucoup fait battre cette année, ce qui sera l’objet d’une autre analyse. Oui, il a été très régulier, mais il n’a jamais fait de la régularité sa force. On l’a entendu dire, dix fois au moins, qu’il ne calculait rien. Combien de fois l’avez-vous vu chuter, parfois en tête, preuve que la régularité ne lui était pas si importante ? Martin est comme Bagnaia, les deux se ressemblent et je ne cesserai de l’écrire. Simplement, il a su mieux gérer sa vitesse que son adversaire, il a su aller très vite en tombant moins, mais il y a une grande différence avec le fait de « calculer ». Ça, c’est juste pour l’esprit. Ensuite, dans les faits, sur la piste, s’il vous plaît, n’osez pas la comparaison avec Joan Mir, qui n’avait remporté qu’une seule course lors de sa campagne 2020.
Martin a été flamboyant, brillant, plus que réservé. Il a toujours essayé de se démarquer, de gagner – sauf peut-être à Barcelone, mais ça ne compte pas –, même quand il était hors du coup. À Sepang, il ne pouvait tenir la comparaison avec Bagnaia sur ce circuit qui ne lui a guère réussi par le passé en MotoGP, et pourtant, il a tout donné, alors qu’il avait tout à perdre ! C’est ce qui en a fait une belle saison ; le titre, c’est autre chose, il vient après.
Demain, nous traiterons d’autres points sur lesquels je pense qu’il est bon de revenir. La deuxième partie de cette analyse est parue ! Cliquez ici pour la retrouver ! En attendant, dites-moi ce que vous avez pensé de ce premier volet en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.
Photo de couverture : Michelin Motorsport