Depuis toujours, la rubrique Parlons MotoGP essaye de mettre en lumière des pilotes peu discutés ailleurs, en plus de créer des débats, bien entendu. Aujourd’hui, concentrons-nous sur un pilote qui a enchaîné trois semaines particulièrement convaincantes, à savoir, Raúl Fernández. Voici une petite analyse qui pourrait bien vous faire prendre conscience de ses grands progrès.
Un déclic contre Aprilia
C’est à Misano que la situation s’est débloquée. Avec une huitième place à l’arrivée, il enregistrait ainsi son meilleur résultat depuis son arrivée en MotoGP, ce qui est non loin d’être négligeable. Comme je vais essayer de vous le présenter en filigrane, il est arrivé totalement à contre-courant. Aprilia, sur la pente ascendante au tiers de la saison, n’a jamais pu réitérer l’exploit de Barcelone. Mais depuis que la firme de Noale est en difficulté – le mot est adapté au vu des résultats d’une part, mais également des déclarations des pilotes, il est le seul à véritablement performer.
À Misano, les officiels accusaient le grip de la piste, apparemment trop important. Mais ces derniers furent incapables de réellement expliquer ce qui n’allait pas à Buddh. Le tracé était stop & go, un point faible naturel de la RS-GP mais qui avait été gommé à Spielberg. Mais toujours, Raúl Fernández s’en sortait bien, voire, très bien, enregistrant ses premiers points en Sprint, et en terminant de nouveau dans le top 10 lors de la course principale.
Puis, à Motegi, autre circuit stop & go par excellence, il ne fut pas ridicule sous la pluie mais aussi sur le sec, se qualifiant même en Q2 depuis la première session. Ce sont ces trois résultats acquis dans différents contextes qui me poussent à faire cet article aujourd’hui ; pour la première fois depuis son arrivée en catégorie reine, l’Espagnol se construit un très bon momentum. Ce qui est bluffant, c’est qu’il ne se repose pas sur les qualités de l’Aprilia pour performer, étant donné que les officiels, mais aussi Miguel Oliveira, ont été en difficulté sur ces trois dernières manches. N’est-ce pas le début de quelque chose ? C’est difficile à dire, mais en tout cas, ce qu’il propose depuis un mois peut nous mettre sur la voie.
Le talent générationnel
L’explosion de Raúl Fernández était brutale, au moins autant que sa descente aux enfers en 2022. Révélé lors de la saison 2021 en Moto2, il bluffa tout le paddock en tant que rookie, manquant même de battre son coéquipier Remy Gardner pour le titre. Puis, cette signature chez KTM Tech3 ne lui réussit pas, ce qui est rare pour un jeune talent au sein de l’écurie française. Nous avions tout de suite compris que nous avions affaire à un gros caractère, et beaucoup l’ont critiqué pour ceci ; certainement pas nous, dans une catégorie qui manque cruellement d’arrogance – pourquoi pas y dédier un article.
Mais force est de constater que ses résultats en piste n’étaient pas à la hauteur de son attitude ! De fait, il dut prendre sur lui jusqu’à ce Grand Prix de Saint-Marin, plus ou moins. Connaître une telle traversée du désert à son âge, avec deux blessures en deux ans (une chez Tech3 et une difficulté avec le syndrome des loges en début d’année chez RNF) forge un homme. C’est pour cette raison que je pense qu’il faut se méfier davantage de ce pilote s’il vient à entrer dans une dynamique positive. Lui a clairement cet avantage mental par rapport aux autres jeunes loups, il a connu une situation qui aurait pu, à seulement 22 ans, le mettre plus bas que terre. C’est aussi comme ça que sont forgés les grands champions, d’autant plus que l’on a déjà vu de quoi il était capable. Attention donc à ce paramètre mental parfois trop souvent sous-estimé.
Bien aidé par Miguel
Je ne m’en suis jamais caché ; j’adore le pilote qu’est Miguel Oliveira. Mais depuis quelques courses, il ne met plus un pied devant l’autre. En Inde, il réalisa son pire week-end de l’année, et fit piètre impression à Motegi. Même avant son abandon sous la pluie, on ne le sentait pas « comme d’habitude », lui qui a déjà fait ses preuves sur le mouillé encore très récemment d’ailleurs. Forcément, cela donne plus de visibilité à Raúl Fernández car exister aux côtés d’un tel pilote est difficile en temps normal. Pour moi, le Portugais est calibre « élite », et pourrait jouer tout devant avec une machine d’usine adaptée. Le fait qu’il galère un peu (rien d’alarmant pour l’instant) renforce l’impression laissée par Fernández.
Red flagged end for the #JapaneseGP 🚩🏁@_moliveira88 had to retire due to visibility issue, @25RaulFernandez still brought home 7 points. #rnfmotogpteam | #CryptoDATA | #DiscoverPrivacy | #greenpowergenerators | #MotoGP pic.twitter.com/luKHBtOAA8
— RNF MotoGP Team (@rnfracingteam) October 1, 2023
Côté classement, il lui sera difficile de jouer quoi que ce soit, il est déjà trop tard. Actuellement 19e, soit avant-dernier des pilotes titulaires devant Joan Mir (sans compter Pol Espargaró, blessé très longtemps), il pourra peut-être aller chercher un Takaaki Nakagami en bout de course mais honnête – et pourtant, il lui faudra assurer encore au moins un an. Il pourrait dépasser Álex Rins s’il ne revient pas, et dans le meilleur des cas, Fabio Di Giannantonio, ce qui serait tout de même honorable au vu du contexte.
Conclusion
Il n’y a pas de quoi s’affoler, mais aujourd’hui, je voulais vous donner des raisons de lui accorder sa chance. Pour la première fois depuis 2022, il roule bien, fait preuve d’une bonne régularité dans la performance, et surtout, ne fait pas pâle figure comparé à un coéquipier qui prend beaucoup de place malgré sa nature discrète – il y a juste à voir la proportion de posts qui leur sont dédiés sur Twitter. À 22 ans seulement, il est déjà passé par des étapes difficiles dans la vie d’un pilote professionnel ; le doute après la blessure, le manque de confiance des médias, et j’en passe. S’il met à profit son expérience, cela peut être une grande force alors gardons tous un œil sur lui.
Aviez-vous remarqué son bon retour ? Dites-le moi en commentaires !
Photo de couverture : RNF Racing