Pol Espargaró ne sera plus un pilote titulaire en 2024, alors « Parlons MotoGP » se penche sur le sujet. Oui, on sait qu’on le reverra bientôt, comme le laissait entrevoir son casque à Valence, mais sans doute plus inscrit en tant qu’engagé sur une saison complète, au vu de la concurrence qui pointe le bout de son nez. Alors, depuis hier, nous tentons d’analyser sa carrière : époque par époque, nous retraçons son parcours sans réaliser sa biographie, mais en tirant des enseignements relatifs à chaque ère de sa vie. Je vous invite donc à retrouver cette première partie en cliquant ici, car elle vous aidera à appréhender les tenants et aboutissants de l’épisode d’aujourd’hui.
Après avoir étudié ses débuts marqués par un fort engouement, des performances explosives mais sous les radars, et des courses aux titres difficiles en raison d’une grande adversité, plongeons-nous dans le grand bain du MotoGP.
Pas à la bonne place ? (2014-2016)
J’ai déjà beaucoup écrit sur Tech3, notre fierté nationale. C’est une équipe formidable, à l’histoire saisissante et empreinte de grandeur. Cependant, il existe un profil de pilote qui réussit au sein de la formation d’Hervé Poncharal. Des battants, de types outsiders, qui ne lâchent rien et qui se démarquent par leur grande combativité. Je n’affirme pas que c’est là un critère de sélection, mais force est de constater que les pilotes ayant laissé une grande marque dans l’équipe à l’ère moderne se ressemblent, y compris dans l’approche. Les Bradley Smith, Cal Crutchlow, Miguel Oliveira, Johann Zarco, entre autres, étaient tous réguliers dans la performance, mais aussi capables de coups d’éclats réguliers.
Vous savez déjà ce qui va suivre à la lecture de cette introduction ; Pol Espargaró n’était pas comme cela. Il y a peu d’exemples, mais force est de constater que l’équipe a plus de mal à faire exploser des talents déjà facilement identifiés en catégories inférieures. Récemment, on compte Remy Gardner et Raúl Fernández pour qui ça n’a pas fonctionné, et, bien sûr, Pol Espargaró.
Attention ! À vrai dire, en me penchant sur les résultats, c’est moins pire que dans mon souvenir. L’Espagnol avait cette régularité dans la performance, mais n’a jamais réussi à débloquer deux choses essentielles pour prétendre à un meilleur guidon encore. Tout d’abord, la capacité de créer l’exploit, de tenter des percées. Malgré un nombre de chutes relativement important en trois saisons (dix abandons sur la période), je n’ai pas beaucoup d’images de lui sur la moto noire et verte qui me viennent en tête. D’ailleurs, il n’y a aucun podium, aucune pole, et aucun meilleur tour en course, même en 2016 lorsque le niveau de la grille s’est resserré.
Deuxième point, la progression. À vrai dire, il n’a fait que régresser en trois ans. Certes, il marque un peu plus de points en 2016 qu’en 2015, mais cela est surtout conditionné par les cinq résultats blancs sur la première de ces saisons. Sans podium, on a tendance à lui préférer un Bradley Smith héroïque en 2015, même si beaucoup plus en difficulté sur les Michelin en 2016.
J’ai pris du temps sur le passage en MotoGP car à quelques exceptions près, c’est la première équipe en catégorie reine qui conditionne une carrière. Et je suis obligé de dire que j’étais déçu. Il passait, en 2014, de prospect prometteur, à talent semi-gâché, qui n’avait pas progressé en trois saisons, fin 2016. Âgé de 25 ans déjà, il n’était plus ce petit jeune rapide en qualifs qui allait tout casser.
Porte-étendard (2017-2020)
Puis se présenta l’opportunité KTM. Et là, je l’ai trouvé bien meilleur. Son année 2017 fut catastrophique, mais la RC16 était particulièrement coriace. Je ne vais pas revenir sur chacune de ses quatre saisons avec les Autrichiens, mais plus, essayer d’en tirer des enseignements. J’en vois trois assez distincts.
Le premier, c’est qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou pas, il reste le pilote le plus emblématique de l’histoire de KTM en MotoGP. Celui qui s’est accroché, même quand c’était très difficile, même malgré les blessures comme en 2018. En attendant que Brad Binder vienne le chercher, ce qui va arriver, c’est certain. Mais par rapport au Sud-Africain, je trouve que l’effort de Pol pour mettre une marque sans histoire victorieuse sur la carte était plus impressionnant que de remporter un Grand Prix. Sa moyenne de points par course a triplé entre 2017 et 2020, où il termina cinquième du général avec cinq podiums, cette énorme bataille à Spielberg en prime. Sa saison 2019 aussi, très impressionnante car marquée par un petit nombre de chutes, preuve de sa capacité à changer d’approche. Franchement, je trouve ce passage assez sous-estimé, et ce pour une bonne raison…
… Son comportement. C’est le deuxième enseignement de ces quelques années. Pol chez KTM, ce sont les déclarations choc, le clash contre Johann Zarco à Brno en 2020, l’affirmation d’un caractère bien trempé qu’on avait déjà remarqué depuis ses jeunes années. On aime, ou on déteste, mais personnellement, je pense qu’à l’heure des réseaux sociaux et des disciplines motorisées politiquement correctes, ce type de caractère est essentiel à la pérennité d’un sport. Le sien comme celui de son frère d’ailleurs.
Troisièmement ; on a retrouvé sa vitesse en qualifications. Beaucoup l’avaient totalement oubliée, et à raison, mais elle était presque aussi bonne que Marc Márquez sur un tour en 2012, avec une moto inférieure ! Nous parlons ici d’une comparaison avec le meilleur de tous les temps dans cet exercice. Tenez-vous bien : personne n’a plus jamais fait de poles après ses deux réalisations en 2020 au guidon de la KTM officielle.
Qui peut lui jeter la pierre ? (2021-2022)
Voici ce qui me permet de faire la transition avec la période Honda Repsol. Car à part les efforts en qualifications (tout aussi sous-cotés d’ailleurs, avec cette pole à Silverstone), il n’y a pas grand-chose à retenir de son passage dans la plus prestigieuse des écuries. Deux podiums, et puis s’en va ; ce qui paraît un grand accomplissement en comparaison de Joan Mir, je vous l’accorde.
Je ne veux pas être dur avec lui pour ceci, car ce transfert n’était pas dénué de sens. À 30 ans, Alberto Puig lui-même vous demande de venir chez Honda Repsol, bien payé, pour rouler aux côtés de votre ancien nemesis Marc Márquez. Qui refuserait un tel guidon ? Deux années de galère avec une moto décadente, soyons honnêtes.
Le coup du sort (2023)
Dernier chapitre, la saison passée. C’est malheureux, mais ça tient en une phrase. Blessé dès le premier Grand Prix, il dut attendre Silverstone pour retrouver la KTM RC16, cette fois rebadgée en GasGas chez Tech3. Le highlight de son année n’est autre que cette sixième place en Sprint en Autriche, mais elle était synonyme d’au revoir. Même en forme, il ne mettait plus un pied devant l’autre sur la fin. À ce niveau de compétition, une telle absence ne pardonne pas, surtout quand un Pedro Acosta pousse derrière. Même si je persiste à dire que le prodige aurait été à sa place dans l’équipe d’usine, un départ de Pol Espargaró semblait inévitable.
Conclusion
Voici l’analysée détaillée de la carrière d’un grand pilote qui a marqué les années 2010 à sa manière, n’en déplaise à ses nombreux détracteurs. Les blessures n’ont pas joué en sa faveur, mais au-delà de ça, je pense que ce passage en demi-teinte chez Yamaha Tech3 l’empêcha réellement de goûter aux sommets du sport. Malgré tout, il reste celui qui mit la firme de Mattighofen au rang des autres. Clairement, dans l’histoire, il y a KTM avant et après lui. En plus de l’évident titre 2013, il s’est forgé un palmarès remarquable, avec deux victoires aux 8 Heures de Suzuka, ainsi qu’un titre de rookie de l’année en 2014.
Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de ce pilote. Dites-le moi en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport