En voyant évoluer Iker Lecuona lors du Grand Prix d’Espagne, nous nous interrogions : Faut-il toujours accepter un guidon MotoGP quand il se présente ? Après tout, l’Espagnol est encore jeune (23 ans) mais déjà, son retour en catégorie reine semble compromis après un premier essai infructueux lors des saisons 2020 et 2021. Aujourd’hui, pesons le pour et le contre dans une analyse en plusieurs points, avant de conclure avec notre avis sur la question.
Le MotoGP reste le MotoGP. C’est ce qui se fait de mieux en sports motocyclistes, tout simplement. Nous comprenons qu’il est difficile de refuser un guidon en catégorie reine pour la simple et bonne raison qu’il s’agit justement de la catégorie reine, là où se trouvent les plus grands pilotes, et où se font (et défont) les plus grandes légendes. Aux yeux de l’histoire, même si c’est presque triste à dire, c’est la seule qui compte. Essayez de faire un classement des plus grands pilotes de tous les temps : Valentino Rossi, Giacomo Agostini, Mike Hailwood… Sont les noms qui arrivent en premier car ce sont eux qui ont marqué l’histoire. Rangez-vous Ángel Nieto dans la même catégorie ? Pas nous. Quand l’opportunité se présente, impossible de refuser, ou presque. À vrai dire, peu importe l’équipe. Toutes, sans exceptions, proposent des offres intéressantes et en 2023, par exemple, il est difficile de dire non à l’équipe d’usine Yamaha ou même à Honda Repsol, qui bénéficient encore du statut d’institution.
Puis, regardez Fabio Quartararo. Le Français n’a
jamais rayonné en Moto3 ou Moto2, et il était impossible, au vu de
ce qu’il avait montré lors de ces saisons en demi-teinte (y compris
sa dernière en catégorie intermédiaire, soit 2018), de prédire une
telle trajectoire chez Petronas SRT Yamaha puis l’équipe officielle
jusqu’au titre mondial.
II) Tout dépend de votre profil
En réalité, la gravité de la question n’est pas la même pour tout
le monde. Faut-il l’accepter si vous êtes Pedro
Acosta, Maverick Viñales ou Dani
Pedrosa, soit des pilotes brillants en petites catégories,
promis à un grand avenir ? De toute évidence,
oui.
Sans lui manquer de respect, Iker Lecuona n’était
pas de cette trempe, même si sa carrière est potentiellement encore
longue. Nous pourrions dire la même chose de Fabio. En clair, ces
opportunités sont dangereuses si le pilote en question n’est pas
exceptionnel, ou au moins, l’« homme du moment ».
Qu’est-ce que cette dernière appellation signifie. Votre profil
peut être intéressant sans que vous gagniez. La jeunesse,
l’explosivité sont des paramètres extrinsèques à votre performance
qui vous font marquer des gros points. Appelons ceci le
plafond.
Deux cas de figure. Premièrement, votre plafond est élevé,
vous jouez le top 3/top 5 et vous êtes sous le feu des projecteurs.
Deuxièmement, votre plafond semble limité mais vous
gagnez.
Pour la première situation, un passage en MotoGP, dans les
dernières années, est à double tranchant. Soit vous
arrivez à convertir les attentes (ce qui est plus important que de
scorer des points) comme Miguel Oliveira,
Álex Rins et dans une moindre mesure Joan
Mir et Jorge Martín (deux pilotes pour
lesquels on exclut le passage en Moto2), soit vous n’y arrivez pas,
comme Remy Gardner, Scott Redding
ou Sam Lowes.
Pour la deuxième situation, en revanche, votre réussite est très
compromise. Les Tito Rabat, Tom
Lüthi, Gábor Talmácsi ou même
Bradley Smith – qui performait sous les radars
avec du matériel moins tranchant – se sont tous cassés les dents,
ce qui nous mène à la fin de cet article.
Conclusion :
Non, il ne faut pas toujours accepter un guidon en
MotoGP. Plus qu’une étude du contexte, c’est de son propre
plafond dont faut être sûr. Si un pilote a suffisamment confiance
en son talent, alors il doit au moins essayer de devenir
« l’homme du moment » en Moto2 avant de passer en MotoGP.
Accepter directement un guidon en catégorie reine est trop
précipité.
Vous remarquerez qu’un homme ne répond pas à ces critères :
Fabio Quartararo. Son cas est tout à fait unique et son
exemple reste très difficile à suivre.
Le problème – tout du moins, le propre – du MotoGP, discipline à
taux de renouvellement très élevé, est qu’il est
tortueux d’y revenir une fois que vous en sortez.
À moins d’accepter un rôle secondaire comme Stefan
Bradl. De fait, les portes se ferment définitivement après un
échec. Jamais on imaginait Xavier Siméon, Thomas Lüthi ou Scott
Redding revenir après leur départ. Le train ne passe qu’une fois.
Ce n’est pas au premier qui monte dedans, mais à celui qui grimpe
au bon moment, pas comme en Formule 1 par exemple, où la
performance dépend beaucoup plus de votre package qu’en
MotoGP.
Même avec la dernière moto de la grille, il est possible pour
chacun de faire une percée, un exploit (chaque année, une
quinzaine de pilotes différents montent sur le podium) qui
le fera repérer par un meilleur team.
Certains cas de figure sont tristes, comme Remy
Gardner, qui, en suivant le sens de l’histoire, devait
accepter un guidon en MotoGP. Ou peut-être, aurait-t-il dû
patienter à l’image de Johann Zarco, qui, plein de
confiance, avait défendu son titre, quelque chose que l’on voit de
moins en moins de nos jours.
Les yeux sont le meilleur indicateur, indépendamment de la
position d’un pilote à l’arrivée. Devant votre écran,
demandez-vous si untel peut percer en MotoGP. A-t-il le profil
type, est-il assez explosif, tente-il assez, possède-t-il une
particularité qui le ferait se démarquer en MotoGP ? La réponse à
ces questions est souvent révélatrice.
Qu’en pensez-vous ? Iker Lecuona, par exemple, est-il
monté trop rapidement en MotoGP ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport