La vie nous enseigne, à tort, que l’histoire ne se rappelle que
des vainqueurs, et que ce sont ces derniers qui écrivent le récit
de l’humanité. La réalité est tout autre. Un grand
triomphe suppose l’existence d’au moins deux grands combattants.
Que serait la bataille de Zama sans Hannibal Barca ?
Ali sans Foreman et Frazier ? Toujours, le perdant
sublime le gagnant. La saison 2022 ne fait pas exception à la
règle. Analyse.
I) Le caractère d’un champion
C’est presque dommage qu’il ait fallut attendre
Sepang et Valence pour voir cette
version de Quartararo. Le Français a tout bien
fait durant le weekend. Sur une piste historiquement favorable à
Ducati, il réussit à se qualifier quatrième au bout de l’effort. Sa
course n’en est pas moins impressionnante.
Au delà de sa simple position à l’arrivée, c’est son caractère
combatif qui est mis en valeur. Il n’hésite pas à se frayer un
chemin et à croiser le fer dans le peloton notamment avec
Jack Miller et
Francesco Bagnaia, son adversaire direct. C’est
d’ailleurs la seule fois où nous avons eu l’occasion d’assister à
une réelle bagarre entre les deux hommes, un des seuls points
négatifs de cet exercice 2022.
Le cœur de Fabio, au moment du contact avec Pecco, est immense,
sans parler de son détachement du groupe avant d’être rejoint par
un Brad Binder en feu. Cette performance résonne comme un dernier
souffle au pied du mur. En 2013 déjà, Jorge
Lorenzo avait tout tenté pour ralentir le paquet et
permettre aux autres pilotes de dépasser son rival Marc Márquez.
Quand il eut constaté l’échec de son plan, « Por
Fuera » abandonna et se détacha du groupe pour
gagner, une fois de plus, en solo.
Valentino Rossi, en 2015, fit l’un de ces
efforts en remontant de la dernière à la quatrième position, pour
finalement manquer sa 10e couronne. Voir un grand perdant est
toujours triste, peu importe qui l’on supporte. Fabio lui-même nous
avait déjà révélé son âme de champion, à Jerez, en
2021, lorsque le syndrome des loges le frappa en pleine course et
qu’il glissa jusqu’à la 13e position non sans résister. C’est la
difficulté qui fait les vainqueurs, pas la victoire. Être le
meilleur quand tout va bien est plus facile que de résister quand
le cours des évènements est contre soi, que ce soit de sa faute ou
non d’ailleurs.
II) Rien de dramatique à l’échelle d’une
carrière
Certes, nous savons combien le sujet
Yamaha/Ducati/Quartararo/Bagnaia divise les fans.
Notre point de vue sur la situation est clair. Il est impossible de
juger un pilote sans sa machine, les deux vont ensemble.
Attention ; nous disons aussi que la Ducati Desmosedici
(GP21 ou GP22 d’ailleurs) est
la meilleure 1000cc du monde.
Mais l’honnêteté intellectuelle devrait nous empêcher de dire que
quand Quartararo gagne à Portimão avec plus de
cinq secondes d’avance, c’est uniquement grâce à son génie, et
quand il se fait remonter de 91 points et n’arrive
pas à franchement doubler Cal Crutchlow, c’est
uniquement à cause de la moto.
Bien sûr, les avis nuancés ne payent plus. Tout le monde désire que
ce soit l’un ou l’autre. Mais la vérité est
ailleurs. De toute évidence, la YZR-M1 est moins
performante que sa rivale italienne mais Quartararo aussi a commis
des erreurs, et n’avait, même en début de saison, pas la vitesse de
Bastianini. Pour ceux qui pensent que Quartararo a
tout raté lui-même, expliquez en commentaires les courses de
Silverstone, Misano et
Phillip Island par exemple. Pour ceux qui pensent
qu’il s’agit d’un problème lié à sa machine, expliquez
Portimão, la Catalogne, et à
l’inverse, Assen, Buriram et
Phillip Island… Aussi.
Quoi qu’il en soit, cette saison n’entachera sûrement
pas l’héritage de Fabio. En effet, nous avons pu voir, sur
les réseaux sociaux, des comparaisons avec la saison 2020. En
réalité, cela n’a pas grand-chose à voir. Pecco est autant
allé chercher ce titre que Fabio ne l’a perdu.
Pour illustrer ceci, une statistique simple. Lors de la première
partie de saison (avant la trêve estivale soit le Grand Prix des
Pays-Bas), Fabio tournait à 15,6 points par course
(ppc). Après, il n’inscrivit plus que 8,4
ppc. La différence entre la première partie de saison et
la seconde est donc de 7,2 ppc. Pour Pecco, c’est
exactement l’inverse. Il marquait 9,6 points en
moyenne avant Silverstone, contre 17,6 après, soit
une différence de 7,9. C’est sensiblement
identique, et nous pouvons conclure, une fois de plus, que ce sont
les deux circonstances combinées qui déterminèrent le résultat
final.
Conclusion :
À l’instant T, Fabio est très déçu, et c’est bien
normal. Mais qu’il se rassure, cette saison n’est pas si
terrible que 2020, et ne devrait pas altérer sa force mentale ni
son niveau de performance global. Tous les grands champions ont
connu des désillusions, et ont commis des erreurs. Sur la ligne
d’arrivée à Valence, il est perdant, certes, mais un grand perdant.
Et l’histoire ne s’en moque aucunement.
Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur la saison de
Quartararo. Qu’avez-vous pensé de sa course à Valence ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo : Michelin Motorsport