Bien que la saison ne soit pas encore terminée, nous pouvons d’ores et déjà conclure que Bastianini a marqué tous les esprits. Il peut encore aller chercher la troisième place du championnat, et même titiller Fabio Quartararo à condition qu’il y ait un fait de course. Étonnement, l’on voit aisément un futur grand en Bastianini. Mais pourquoi ? Qu’est ce qu’il le rend si spécial ? Pourquoi a-t-on cette impression ? Analyse en plusieurs points.

I) L’impact

Avant même de parler de pilotage, nous devons définir ce qu’est une légende. Nous avons tous en tête une liste de pilotes mythiques, de Rossi à Hailwood en passant par Lorenzo ou le regretté Phil Read. Ces derniers ont tous quelque chose en commun : ils ont eu un impact fort sur le sport, même quand ils ne gagnaient pas.

Finalement, être grand, c’est voir notre nom nous précéder. Provoquer des frissons rien qu’à l’évocation de notre patronyme. C’est ce qui différencie les légendes des vainqueurs ; parfois, les perdants sont plus immenses que ceux qui les devancent au classement général. Jorge Lorenzo, lors de la saison 2013, perdit le titre contre le rookie Marc Márquez ; mais avec huit victoires et plusieurs efforts héroïques, il sortit de cette saison plus brave encore.

Un tel statut se cultive, c’est une certitude. La majorité des grands champions de l’histoire avaient une personnalité à part, marquée, car cela « grandit » l’image que les spectateurs ont d’eux. C’est exactement l’impression que laisse Bastianini. L’Italien n’a pas hésité, à la suite de son sacre en Moto2 il y a deux ans, déclarer ne pas être tant impressionné par les records de Márquez, et ne semble pas vouloir s’intégrer pleinement à la famille Ducati. D’ailleurs, c’est lui qui a repris le plus gros à Bagnaia en cette deuxième partie de saison. À Sepang encore, il tenta une attaque sur le leader du championnat dans l’ultime tour.

Nous sentons que Bastianini à ce « truc en plus », cette fougue mêlée à un soupçon d’arrogance et d’ambition bien maîtrisée. C’est la marque des très grands. Cependant, il y a dire, et faire. Lorsque l’on annonce que l’on veut être « le leader des pilotes italiens » publiquement, il faut pouvoir l’assumer.

 

On se frotte les mains en pensant à 2022. Photo : Michelin Motorsport

II) L’explosion

C’est la révélation de cette saison. Premièrement, parce que personne ne l’a vu venir. Gresini quittait Aprilia pour faire cavalier seul, et disposait de – très performantes – Desmosedici GP21 avec un plus petit budget que le reste du plateau. De plus, « Bestia » lui-même ne s’était jamais montré aussi fort dans sa carrière.

Il compte de bons résultats en Moto3 et un titre Moto2, mais cette couronne s’est disputée lors de la dernière course du championnat contre un Sam Lowes diminué. Son titre est parfaitement mérité, mais l’on ne peut pas affirmer qu’il s’agissait d’une démonstration à la Johann Zarco. Idem pour son exercice 2021 en catégorie reine. Si son année fut ponctuée de deux podiums acquis à Imola et Misano, 14 autres pilotes montèrent sur la boîte. Il était donc difficile de prévoir une telle explosion moins d’un an plus tard.

Explosion, déflagration… Utilisez le terme qui vous chante. Ce que fait Bastianini depuis le début de saison est inouï. Dès la manche d’ouverture, il nous gratifie d’une course parfaite et pleine d’émotion. On pouvait croire à la victoire surprise, en l’absence de Quartararo, sur une Yamaha aux abois, et de Bagnaia, en peine avec les réglages 2022. Mais il n’en était rien. Trois autres exploits vinrent s’ajouter à son palmarès, et à chaque fois, avec la manière.

 

Le Mans, une course digne de VR46. Photo : Michelin Motorsport

 

Son style très moderne le promet aux sommets. Bastianini est véloce, et seul Bagnaia peut lui contester le titre de « pilote le plus rapide du monde ». Mais son arsenal est aussi composé d’une bonne vitesse sur un tour, d’excellents rythmes, d’un sens de la course des plus aiguisés mais aussi d’une résistance à la pression hors norme.

Il a beau avoir seulement 24 ans, on ne veut pas se retrouver contre lui en bagarre pour la victoire. Au Mans ou à Sepang, il tente jusqu’au bout, intimide en entrée de virage, et double dès qu’il en a l’occasion mais toujours proprement. Les derniers tours le transcendent, et Bastianini aime ses situations tendues.

Seul Pecco Bagnaia put y tenir tête, lui qui est plus cérébral et posé dans son approche. Par ailleurs, les seules deuxièmes places de « Bestia » se sont jouées sur la ligne, ou presque (Misano et Sepang). Si l’on cumule les écarts avec lesquels il a perdu une course lorsqu’il prétendait à la victoire cette saison, le total n’est que de 0’’304. Tout bonnement incroyable.

Certes, il a des défauts. Son plus grand problème, le manque de régularité dans la performance, est aussi lié à son jeune âge et son manque d’expérience. Mais on imagine, comme son futur coéquipier chez Ducati Team, qu’il pourra apprendre et éviter ces 10e et 11e places, disqualifiantes dans la quête d’un titre à notre époque.

Enea Bastianini est un diamant brut qui ne demande pas à être poli. Son style affirmé et son ambition éclatante lui confèrent une aura caractéristique des grands champions, dans sa deuxième saison seulement. Quoi qu’il arrive à Valence, le champion du monde Moto2 2020 réalise la plus grande saison d’un pilote privé depuis Marco Melandri en 2005. Personne n’oubliera la manière avec laquelle il s’est révélé au plus haut niveau.

Que pensez-vous du cas Enea Bastianini ? A-t-il ce qu’il faut pour rejoindre les plus grands de ce sport ? Dites-le-nous en commentaires !

 

Le charisme s’apprend difficilement, malheureusement. Photo : Michelin Motorsport

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