C’est tout à fait incompréhensible. Un grand nombre de sports sont nés en Grande-Bretagne, et le championnat du monde motocycliste avait du mal à dissimuler son accent britannique à sa création. Le Royaume-Uni est une terre de champions, même s’il se font plus rares de nos jours. Pourtant, comme l’année dernière, la majorité des tribunes étaient vides. Se pose donc la question : Doit-on conserver Silverstone au calendrier MotoGP ?
Une énigme
Alors que le 75e anniversaire du championnat promettait une fête grandiose – et d’ailleurs, très réussie, les fans anglais ne se sont pas bousculés au portillon. Un peu plus de 40 000 personnes au cumulé, sur les trois jours, soit encore moins que l’an dernier malgré l’alléchante promesse des décorations spéciales. Silverstone est toujours l’un des circuits qui attire le moins sur l’année – c’était le plus mauvais élève en Europe sur la saison 2023.
Tout cela est une énigme ; il est bien difficile de connaître les raisons de ce désintéressement. Peut-être que les gens aux alentours de Silverstone ne ressentent pas d’attirance pour les sports mécaniques ? C’est factuellement faux. La Formule 1 fait salle comble sur le même tracé, et son positionnement entre les deux plus grandes villes du Royaume-Uni (Londres et Birmingham) est optimal.
Je ne suis pas le seul à avoir remarqué le phénomène. Simon Patterson, journaliste émérite, a lui aussi écrit un papier très complet et objectif sur ledit sujet. Il tente de trouver des raisons, méthodiquement, et évoque le prix de l’abonnement à TNT pour voir le MotoGP, le manque de promotion autour de l’événement, ainsi que d’autres motifs pécuniaires. Sur ce point, je ne suis pas totalement d’accord.
De mon point de vue, l’absence de promotion ou le prix d’un abonnement pour voir le sport ne marche que dans certaines conditions, que le MotoGP ne remplit pas. D’abord, la retransmission. Le Grand Prix de France a fait craquer les tribunes cette année avec un nouveau record. Pourtant, beaucoup suivent le MotoGP sur Canal+, qui n’est pas tant moins cher que TNT outre-Manche. Ensuite, le prix des billets est aussi moins coûteux au Mans, mais certainement pas du simple au double ; on parle ici d’une quarantaine d’euros d’écart, ce qui est tout de même conséquent, je le concède.
Finalement, l’argument qui est davantage une excuse : le marketing. Bien sûr, la publicité est importante. Mais le MotoGP est à la fois un sport de passionné, et à la fois connu de tous. Même de ceux qui ne le regardent pas. Dans les cas comme ça, il n’y a pas besoin de publicité pour ameuter du monde. Les réseaux sociaux permettent d’avoir accès à toutes les informations, les coulisses, alors les solutions alternatives ne sont plus nécessaires. Exemple très simple : qui s’est déjà convaincu de venir au Grand Prix de France parce qu’il a vu une affiche dans le métro parisien ? Pour moi, avancer le manque de communication, c’est comme remettre la faute sur la météo. Si les gens veulent venir, ils viennent, et ceux qui ne savent pas ne sont pas intéressés en premier lieu, sinon, ils sauraient. Peu importe la pluie, le vent – observez le Grand Prix de Belgique de Formule 1, toujours disputé dans des conditions difficiles et une fois « annulé », qui ne cesse de battre son record de spectateurs – la publicité…
La froide réalité
L’être humain n’aime pas être incapable de répondre. Il cherche toujours une raison. Mais parfois, il faut se confronter à la réalité, même si elle s’explique mal. Mon constat est assez simple : les Anglais, au sud du Pays, n’ont pas envie de venir voir du MotoGP à Silverstone. Ce n’est pas comme le Mugello, qui était plein à craquer il y a quelques années, et qui s’est vidé après l’augmentation des prix et le départ de Valentino Rossi. Ça fait dix ans que le constat est le même à Silverstone, si ce n’est plus. Je pense sincèrement qu’il n’y a pas d’autres raisons à cela.
Seule une explication est plausible : l’organisation. C’est un paramètre bien plus important que quelques affiches et des posts boostés sur les réseaux sociaux ici et là, de mon point de vue. Quand on vient une fois et que ça se passe mal, on ne revient plus. En traînant sur les réseaux sociaux, notamment X (anciennement Twitter), j’ai pu constater que de nombreux fans se plaignaient des infrastructures, et que certains déploraient que les tribunes soient fermées au public. Voilà pourquoi le tracé paraissait si désert ! Dans un soucis d’économie, sans doute, les tribunes n’étaient pas accessibles (hormis la principale, devant la ligne de départ/arrivée). Il y a toujours 2018 dans les mémoires, et ce tollé général après l’annulation de l’épreuve en dernière minute en raison des conditions. Mais une fois de plus, la F1 a réuni 164 000 personnes le dimanche uniquement en 2024. Silverstone reste un tracé dont la réputation n’est plus à promouvoir, de surcroît auprès des Anglais.
Que faut-il faire ?
Le Grand Prix de grande-Bretagne 2025 sera déplacé en mai ; peut-être cela va-t-il débloquer la situation en raison du calendrier. Cependant, il devra faire face au Grand Prix de Monaco le même jour, et plus tard dans la soirée, aux 500 Miles d’Indianapolis. Soit. Cela signifie qu’on aura encore Silverstone au programme un an, et pourquoi pas jusqu’en 2026, ce qui était l’objectif initial des organisateurs.
Cependant, à l’heure de l’américanisation du sport, montrer des tribunes vides est un problème de taille, car ça n’encourage pas les gens à se déplacer, paradoxalement. C’est un phénomène prouvé depuis belle lurette. Le Royaume-Uni regorge de circuits incroyables mais un autre se démarque, et je pense qu’il faudrait penser à une sorte d’alternance. Liberty Media, nouveaux acquéreurs du MotoGP, n’hésitent pas à mettre en concurrence les tracés de Formule 1, allant parfois jusqu’à menacer les Monaco et autres Spa-Francorchamps alors qu’ils sont indéboulonnables.
Il ne faut pas abuser de ces manœuvres pour conserver un cœur européen, d’accord, mais pourquoi Donington Park n’aurait-il pas droit à sa chance ? Le Superbike marche bien là-bas (et je doute qu’il y ait plus de publicité pour l’événement), le circuit est magnifique et nécessiterait quelques ajustements pour passer au FIM Grade A, ce qui lui permettrait d’accueillir le paddock et le public MotoGP. Brands Hatch est un peu trop petit pour ces machines, à mon avis, et il serait irréaliste d’envisager un retour sur ce tracé non moins mythique. Quoi qu’il en soit, il faut agir car cela a un véritable impact sur l’expérience du spectateur, qu’il soit au circuit ou chez lui devant la télé.
Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez ! Alors, dites-le moi en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport