Qui est le meilleur pilote de tous les temps ?
Une question à laquelle il est bien difficile de répondre. Entre
époques et machines différentes, arriver à trouver des arguments
pertinents et cohérents est particulièrement difficile. Cependant,
du point de vue de l’histoire, ces débats sont toujours
intéressants car ils mettent en valeur le passé ; de toute manière,
la conclusion reste relativement subjective. Toujours est-il que de
nombreuses légendes ont marqué l’histoire des sports motos. Ainsi,
nous visualisons tous, plus ou moins, le même petit groupe de
pilote considérés comme les meilleurs. Alors, pourquoi
n’essayerions-nous pas de construire le
GOAT (Greatest Of All Time,
« meilleur de tous les
temps »), en prenant différents attributs à des
grands champions ? C’est l’objectif de cet article
!
Pour ce faire, nous avons sélectionné six catégories
incontournables et distinctes, qui, si maîtrisées parfaitement, ne
donnent que le meilleur. À savoir la vitesse
intrinsèque, l’intelligence de course,
la gestion de l’image (trop souvent sous-estimée),
la régularité dans la performance, les
qualifications et le pilotage sous la
pluie. Bien sûr, nous aurions pu en trouver d’autres, mais
nous en excluons certaines volontairement, car si elles aident à
acquérir ce statut légendaire, ne sont pas indispensables. Par
exemple, nous aurions pu évoquer les phases de freinage et choisir
Kevin Schwantz, mais il n’est pas nécessaire de
freiner aussi fort pour rentrer dans l’histoire par la grande
porte. En revanche, les critères cités précédemment sont plus
importants dans une carrière.
Dernières petites précisions : nous avons uniquement
sélectionné des pilotes ayant couru après la fin des années 1970.
En effet, l’ère antérieure est assez différente et il est trop
difficile de réellement comparer ces âges avec les nôtres. Les
Grands Prix motos se professionnalisèrent considérablement au début
des années 1980, c’est pourquoi notre première borne chronologique
se situe à cette période. Enfin, nous ne sélectionnerons pas un
pilote plus d’une fois, afin de faire participer tout le monde et
d’étudier plus de profils. Vous êtes prêts ? C’est
parti !
I) Vitesse intrinsèque
La vitesse gagne des titres. De tout temps, elle
fut essentielle. Elle ne représente pas que le plus grand nombre de
meilleurs tours en course, même de pole positions. La vitesse
intrinsèque se caractérise par la capacité à s’échapper, à marquer
une vraie différence même au plus haut niveau mondial. Elle doit
permettre de véritables fulgurances, engendrer une explosivité
folle, marquer l’esprit des spectateurs. Pour cela, notre choix se
porte sur
Casey Stoner. Intimement liée au talent naturel, la
vitesse se contrôle difficilement. D’ailleurs, il sera toujours
plus facile pour un pilote rapide d’arrêter de chuter, plutôt
qu’apprendre à rouler plus vite pour un pilote régulier. Et Casey
incarne parfaitement ce fait. Foudroyant, magistral et
poétique, ses attaques légendaires en groupe ou seul en tête ont
marqué une génération. Comme doté d’un don, nous ne
pouvons le négliger.
II) Intelligence de course
L’intelligence de course sépare les très bons pilotes des légendes.
Être capable de placer une attaque mais se retenir de le faire par
pure stratégie est un pari osé, mais souvent payant lorsque vous
discutez avec les plus grands de l’histoire. Pour cette catégorie,
nous nous sommes arrêtés sur Valentino Rossi. « The
Doctor » veut dire beaucoup ; sa lecture des
situations et son sens de la course hors de ce monde lui ont permis
de se forger l’un des plus beaux palmarès de l’histoire des Grands
Prix. En paquet, en situation favorable ou pas :
VR46 savait donner le tempo et dirigeait même quand il n’était pas
devant.
III) Gestion de l’image
C’est terrible à dire, mais la discrétion ne paye pas, et ce dans
tous les sports. Marquer l’histoire, c’est aussi jouer de son
personnage, en le forçant ou pas. Et personne n’a mieux géré son
image que Jorge Lorenzo. Doté d’un caractère bien
trempé, Jorge a réalisé l’impossible : embrasser le
rôle du « méchant », et en a joué à merveille. Une bonne
gestion de son image est essentielle, et nul doute que l’arrogance
maîtrisée, la création d’un univers visuel original en plus d’un
talent hors norme jouent un rôle majeur dans son héritage. Par ses
célébrations, ses décorations de casque aussi originales que
provocantes, Lorenzo a œuvré pour sa légende.
De l’autre côté du spectre, nous ne pouvons ignorer
Kenny Roberts, qui a définitivement sa place dans cet
article. L’Américain a transformé le championnat, et aidé à sa
démocratisation ; une mention honorable dans cette
section était inévitable.
IV) Régularité dans la performance
Être rapide, c’est bien. L’être tout le temps, c’est mieux.
L’être tout le temps, peu importe les conditions, la moto
que vous avez et les concurrents qui vous entourent, c’est
légendaire. La régularité, même si elle gagne rarement des
titres, n’en reste pas moins une dimension essentielle dans le
succès d’un pilote. Le choix d’Eddie
Lawson est aisé pour cet attribut.
« Steady », ou « le stable » (ça ne s’invente
pas), s’est largement démarqué par sa capacité à performer sans
arrêt, dans une ère particulièrement compétitive. Champion du monde
1988 sur Yamaha, puis en 1989 sur Honda, il réussit l’exploit
d’imposer la Cagiva, preuve de sa versatilité et de sa constance.
Assurément l’un des plus grands.
V) Qualifications
Ici, le choix est vaste. Mais les mathématiques sont froides, et
nous allons nous diriger vers le classement des meilleurs polemen
de l’histoire. Pour cette raison, nous sélectionnons
Mick Doohan. Avec 58 pole au compteur, il est une
valeur sûre. Hormis son total ahurissant, c’est la manière qui
impressionne. L’Australien a réalisé des saisons historiques,
ahurissantes dans cet exercice. En 1995, il inscrit neuf pole en
treize courses. En
1997, il en prit 12 de rang en 15 manches, ce qui est
toujours, 26 ans plus tard, un record inégalé. Cela vous place le
bonhomme.
VI) Pilotage sous la pluie
Honnêtement, l’une des catégories les plus difficiles à déterminer.
En particulier car à l’échelle d’une carrière, il est rare de voir
un pilote outrageusement dominer uniquement les courses sur le
mouillé. Mais afin de lui rendre hommage, et aussi parce qu’il
aurait pu apparaître dans chacun des points précédents
(sauf la gestion de l’image), notre choix se porte
sur Marc Márquez. Principalement car il est celui,
qui, dans l’ère moderne régie par l’ECU unique, où tout le monde
peut s’imposer, est le plus impressionnant quand les nuages se
montrent. Sur le mouillé comme le séchant, il compte quelques coups
de maître, et était le premier à imposer des disques en carbone
dans ces conditions lors du Grand Prix de Saint-Marin 2017.
L’Espagnol sait canaliser son incisivité pour briller, et quand
s’arrêter aux stands en cas de course flag-to-flag. Un
choix difficile mais Márquez mérite sa place.
Maintenant, imaginez un pilote qui réunirait tous ces attributs :
nul doute qu’il serait le GOAT, le plus grand de tous les temps.
Qu’avez vous pensé de tout ça ? Auriez-vous sélectionné d’autres
pilotes pour les catégories établies ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Giulio Bernardi