Pour la troisième fois cette saison,
Pecco Bagnaia a fini par terre lors d’un Grand Prix. Cela
commence à peser lourd sur le bilan comptable, c’est une certitude,
mais pourtant, l’Italien est toujours en tête au classement du
championnat du monde. Les Sprints ont joué un rôle important dans
sa position au général, mais cette année, on lui a décelé une
qualité dont il n’avait pas fait preuve l’an dernier.
Analyse.
I) Serein
En vérité, nous l’avons brièvement évoqué après son exploit de
Jerez mais cela s’est encore senti au Mans. Durant l’hiver, Pecco
Bagnaia a progressé, alors qu’on l’imaginait au maximum de ses
capacités fin 2022. Cette saison, il fait preuve d’un calme
olympien, d’une sérénité affolante. À Jerez, il ne s’est
pas emporté le moins du monde après avoir reçu une pénalité que
l’on pourrait qualifiée d’injustifiée au vu de ce qui s’est passé
au Mans, c’est à dire aucune sanction pour des actions
similaires.
Mais sur le circuit Bugatti, nouvelle démonstration de
tranquillité. Déjà, en qualifications. Pecco
Bagnaia est d’ores et déjà l’un des meilleurs dans
l’exercice, de toute l’histoire des Grands Prix motos,
factuellement. De par son bilan (13, à égalité avec Loris
Capirossi et Sete Gibernau), mais aussi,
par la manière. Peu importe le temps qu’il reste sur le chrono, il
représente un danger. Au Mans, nous l’avons vu réaliser
l’une des poles les plus tardives de l’histoire moderne mais chacun
de ses tours était empreint d’une justesse létale.
Lors des Sprints, il est aussi le meilleur car il ne joue
pas sa vie sur chaque départ. Cela lui permet, après cinq
manches disputées, de bénéficier du meilleur bilan sur cet exercice
(44 points, contre 38 pour Binder
et 36 pour Jorge Martín). En Argentine ou au Mans,
il a su lâcher du lest de la manière la plus intelligente
possible.
D’ailleurs, après s’être fait chamboulé par Marc Márquez lors du
Sprint, on l’a vu plaider pour la cause de l’Espagnol en interview
d’après course, stipulant que les manœuvres de ce genre ne devaient
pas être pénalisées. Cette déclaration n’est pas anodine puisqu’il
avait subi
les affres de la direction de course deux semaines
plus tôt pour un dépassement indentique. Cela témoigne
d’une grande maturité qu’il est important de
souligner.
Oui, il tombe souvent le dimanche. Mais notez qu’avant chacune de
ses chutes, il est impossible de prédire qu’il va finir par terre.
À Austin comme en Argentine, il mord la poussière dans des
phases d’attaque mais il n’est jamais en catastrophe.
C’est pour cette raison que nous pensons qu’au fil de la saison,
Pecco va tomber de moins en moins. Son style est,
paradoxalement, moins porté sur l’attaque qu’en 2022 mais il est
encore plus rapide, plus coulé, plus en osmose avec sa
machine.
Et puis, ajoutons que sa science de la course a tout de même été
récompensée à deux reprises au Portugal et à Jerez. Cela lui permit
d’empocher 50 points pendant les Grands Prix, ce qui, malgré trois
résultats blancs (!) reste plus que Brad Binder
(43), Jorge Martín
(44), ou Luca Marini
(38). Sur toute la grille, seuls Marco
Bezzecchi (76) et Johann
Zarco (58) font mieux. Il ne faut pas
oublier que le MotoGP
moderne est d’autant plus imprévisible, et que la moyenne de points
nécessaire pour être champion du monde est bien plus faible
qu’auparavant.
II) Pas dans le sens de l’histoire
Cet article pourrait s’intituler : « Pourquoi
Pecco Bagnaia est encore plus fort que vous ne le
pensez ? ». Car pour une raison inconnue, il
semble encore sous-estimé par la majorité des observateurs. Sans
aucun doute, cela est dû à la qualité que nous avons voulu mettre
en avant dans cet article.
Pecco Bagnaia est discret de nature, ce qui joue en sa faveur au
guidon comme nous l’avons expliqué précédemment. Très sport et
cordial, il tranche avec l’esprit MotoGP actuel qui se veut plus
saignant que jamais malgré l’absence de rivalités –
que l’on déplore.
Brad Binder, Marc Márquez,
Jack Miller ou Marco Bezzecchi sont
très appréciés car selon bon nombre de gens, ils « font le
show ». En réalité, nous peinons à comprendre cet argument qui
dessert un Bagnaia propre dans ses dépassements et jamais dans
l’excès d’engagement inutile. Le spectacle ne devrait pas
se résumer aux chutes et aux touchettes, pas plus qu’aux remontées
dans le peloton. Pourtant, c’est un fait ; les sports
de l’ère moderne axent leur communication sur des moments de plus
en plus courts et intenses, pour coller aux grands moyens de
diffusion que sont les réseaux sociaux. L’introduction des
Sprints va dans ce sens.
Pecco Bagnaia n’est pas aussi explosif que ce que l’époque
requiert. Les grands caractères font le sport. Force est
de constater que l’Italien n’est pas comme son mentor, c’est comme
ça, il faudra s’y faire. C’est notre théorie qui tente
d’expliquer la différence entre son niveau et son appréciation par
le public.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Cette sérénité rare
est-elle une force, ou jouera t-elle contre lui dans le cadre d’une
bataille avec Enea Bastianini par exemple ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport