Le Grand Prix d’Espagne 2023 a été très mouvementé,
c’est le moins que l’on puisse dire. Deux drapeaux rouges, des
dépassements osés, appuyés, des pénalités en veux-tu en voilà et
une intense bataille pour la victoire finale. Pourtant, il faut
rester vigilants. Lors des deux courses, nous avons vu à l’œuvre
une règle étrange peu après le départ, presque anachronique. Nous
devons en parler. Analyse en plusieurs points.
I) Imbroglio
Vous l’aurez deviné, nous parlons de la réintégration des pilotes
ayant chuté lors des premiers départs. De mémoire, même si
celle-ci peut nous faire défaut, cela n’était pas arrivé
depuis longtemps en MotoGP.
Un peu de contexte. Lors du départ du Sprint,
Franco Morbidelli force à l’intérieur d’Álex
Márquez, ce qui entraîne la chute de Marco
Bezzecchi, dont il est question. Plus tard dans le tour,
les drapeaux rouges sont agités. Entre les images au
ralenti, on voit littéralement « Bez » courir à son box
pour reprendre sa deuxième moto et participer de nouveau à la
course.
Puis, on nous annonce que tous ceux ayant chuté sont fit
to ride, donc jugés apte à reprendre la piste.
Incroyable. La pitlane ouvre pour 60 secondes, pas une de plus, et
en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tous repartent pour
11 tours d’une intensité folle. Stop. N’y a-t-il pas là un
gros problème ?
Même si c’est également discutable, ce n’est pas l’aspect purement
réglementaire que nous remettons en cause. Les pilotes
ayant mordu la poussière ont-ils vu un médecin avant d’enfourcher
leur monture pour la deuxième fois ? Ont-ils été soumis à
des examens plus poussés, afin qu’ils ne risquent pas d’aggraver
leur cas et potentiellement, mettre en danger les autres
pilotes ?
Certainement pas en aussi peu de temps.
II) Pourquoi c’est problématique
Certains traumatismes mettent du temps avant d’être décelables.
Heureusement, d’autres sports font mieux en matière de
traitement « instantanés ». Les disciplines à
contacts comme le rugby ou le football américain bénéficient de
protocoles censés déceler les commotions cérébrales en bord de
terrain, afin de juger, en direct, de l’aptitude du sportif en
question après un choc.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser,
il est parfaitement possible qu’une commotion cérébrale, par
exemple, perturbe un individu longtemps après le contact
responsable. Ceux qui regardent le football américain
se rappellent de la blessure du quarterback Tua
Tagovailoa la saison passée. Après un choc a priori banal,
le joueur des Dolphins de Miami tombe en arrière, se relève, puis,
quelques mètres plus loin, titube, avant de tomber. Escorté vers
les vestiaires, il est en capacité de marcher mais est bel et bien
touché. Il s’agit là d’un exemple parmi
d’autres.
Marco Bezzecchi s’est mis à courir difficilement quelques instants
après sa chute, alors qu’il était resté au sol pendant de longues
secondes. Ceci peut avoir de graves conséquences en cas de
traumatisme similaire. Les casques homologués par la FIM
sont solides, certes, mais il arrive fréquemment qu’un pilote reste
couché par terre, sonné. Alors oui, il est vrai que nous
avons l’habitude de voir ceci en qualifications. Les
pilotes tombent, prennent un scooter et attrapent leur deuxième
monture aussi vite que possible pour réaliser un tour chrono avant
la fin du temps imparti.
Premièrement, ce n’est pas parce qu’il s’agit de
la norme que c’est une bonne chose. Heureusement, nous n’avons pas
eu d’accidents graves alors que parfois, les chutes sont plus
qu’impressionnantes. Deuxièmement, un tour qualif,
aussi intense soit-il, ne demande pas la même lucidité qu’un départ
d’une course MotoGP, où nos héros doivent absolument avoir les
idées claires dans une bataille en paquet. Il en va de la
sécurité de tout le plateau.
Pourquoi ne demande-t-on pas l’avis des principaux
concernés ? Tout simplement parce que ce sont de
grands compétiteurs, durs au mal par-dessus le marché : ils diront
toujours « oui » si une deuxième chance
leur est proposée. L’autorité médicale est la seule à
pouvoir freiner leurs ardeurs.
Prenons un autre exemple, lors du Grand Prix cette fois. L’accident
impliquant Fabio Quartararo et Miguel
Oliveira était assez impressionnant, et la réalisation
internationale mit du temps à nous montrer les images en raison de
l’immobilisation du Portugais, ce qui n’est jamais bon signe.
Pour « El Diablo », la chute était aussi violente,
notamment au début de l’accrochage. Quelques minutes plus
tard, littéralement, il était de retour sur son mulet en
boitant ! Quartararo, au vu de sa qualification,
n’allait jamais refuser un deuxième départ. Il est courant qu’un
pilote participe en étant blessé,; rappelez-vous Jorge
Lorenzo, en béquilles sur le podium, au Mans en 2008. Mais
au moins, il avait bénéficié d’un avis médical favorable après de
nombreux examens, ce qui n’était pas le cas ici.
Comme nous, avez-vous été choqué par cette règle un peu
étrange ? Dites-le nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport