Lors de cette saison, « Parlons MotoGP » s’est intéressé à de nombreux sujets. Certains plus importants que d’autres, mais aujourd’hui, place à un peu de nostalgie. En effet, je repense souvent, avec tendresse, à l’intensité des saisons animées par Lorenzo, Rossi, Pedrosa, Stoner et Márquez. Aujourd’hui, nous n’avons plus de tension en conférence de presse, et c’est peut-être un problème. Analyse.
Une situation invraisemblable il y a 10 ans
Après un très chaud Grand Prix de Thaïlande, Jorge Martín, en grand vainqueur, exulte. L’Espagnol vient de réaliser une nouvelle performance XXL, digne des plus grands. Il vient de battre, sur la ligne, Brad Binder et Pecco Bagnaia, deux de ses adversaires les plus féroces. Accessoirement, il a derrière lui le pilote officiel Ducati alors qu’il n’est « qu’un » satellite. Puis, en allant dans la fameuse cooldown room pour regarder les meilleurs moments de la course, tous se congratulent, rigolent. Comme des copains après une course de karting le dimanche après-midi.
Il faut se rendre compte de ce que l’on vit ; rares furent les saisons plus tendues au XXIe siècle, et jamais le pilote d’usine, fer de lance de la meilleure marque en MotoGP, ne fut menacé par un outsider employé par un client. Le momentum a changé de camp à de nombreuses reprises, mais jamais il n’y eut de guerre psychologique.
La situation est d’autant plus incroyable que Jorge Martín, en particulier, a l’un des caractères les plus marqués de la grille ; il a une belle gueule, badboy, il est rapide, explosif, tranchant lors des dépassements et toujours dans la course au titre à trois manches du terme. Il aurait tous les droits de narguer Pecco Bagnaia. Et pourtant, non, il se marre après la course avec l’Italien, ou avec tous ceux qui se succèdent sur les podiums. Peut-être le regrettera-t-il, mais je ne veux pas l’accabler ; tous font pareil. C’est presque incompréhensible car des saisons similaires ne se produiront peut-être jamais plus, aussi jeunes les acteurs soient-ils.
C’est tout à fait intrinsèque à cette génération de pilotes. Vous n’auriez jamais pu faire rigoler Casey Stoner et Jorge Lorenzo ensemble après une course alors qu’ils ne se détestaient même pas. Pourtant, le « Martinator » et les autres sont d’aussi grands compétiteurs, c’est à n’en pas douter au plus haut niveau mondial. Juste, leurs caractères sont différents.
When they ask if we’re ready to race in Malaysia, all we can say is, ‘VAMOSSSS!’ 🏁🇲🇾 #RaceModeOn #MalaysianGP pic.twitter.com/EPNFlhmWPa
— Prima Pramac Racing MotoGP (@pramacracing) November 6, 2023
On ne peut rien y faire
Aujourd’hui, il n’y a plus de rivalités en Grands Prix, c’est comme ça, il faut l’accepter. Souvent, je vois l’argument suivant : « Il faut profiter de cette période car cela nous permet de nous concentrer sur la piste uniquement, la discipline n’est pas décrédibilisée par des clashs ». Et alors ? Moi je veux voir ces affrontements. Ce sont ces événements qui créent des souvenirs, de la nostalgie.
Je publie cet article avant le Grand Prix de Malaisie pour une bonne raison ; il y a huit ans déjà, nous assistions à la plus grande course de l’histoire du MotoGP, ce fameux affrontement entre Marc Márquez et Valentino Rossi. Pourquoi n’aimerais-je pas cet épisode épique ? C’était fantastique, tout comme Suzuka 1989 et 1990 en Formule 1. Bien sûr que je veux en revivre, et il n’y a pas de mal à ça. Le divertissement fait partie intégrante des sports mécaniques depuis leur popularisation dans les années 1920. Déjà à l’époque, on aimait les rivalités, beaucoup plus exacerbées que maintenant. Il faut arrêter de nous faire croire que l’essence du sport n’est pas respectée quand deux pilotes s’envoient des piques dans la presse ou se battent ardemment sur la piste, car c’est tout l’inverse. Tazio Nuvolari et Achille Varzi vous le confirmeraient.
Le problème a d’ailleurs été soulevé par Pedro Acosta il y a peu. Lui a compris. « Les gens veulent des rivalités comme à l’époque, ils ne veulent pas voir tous les pilotes s’entendre à merveille » déclarait-il dans un contenu MotoGP partagé sur Instagram. Mais que peut-on y faire ? On ne peut pas forcer Jorge Martín à détester Pecco Bagnaia, pas plus qu’on peut pousser ce dernier à se durcir un peu. Il ne nous reste plus qu’à constater l’absence d’âme dans cette saison au potentiel infini. La minceur de la trace qu’elle laissera dans l’histoire, surtout si l’officiel Ducati l’emporte.
Espérons qu’un jour, Pedro Acosta, ou un autre, osera relancer la guerre psychologique, arme totalement légale mais trop souvent critiquée à l’heure des caractères lissés. Afin de savoir pourquoi cela pourrait être un problème à long-terme, ou plus largement retrouver une analyse moins sentimentale à ce sujet, cliquez-ici.
Que pensez-vous du manque de rivalité cette saison ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport