Un circuit peut faire l’âme du MotoGP. Comme tout sport mécanique, l’enceinte est aussi importante que les acteurs ; c’est ici que l’histoire s’écrit, que les légendes se font et se défont. Certains sont mieux que d’autres : plus télégéniques, plus intéressants, plus historiques, aussi. Avec 24 tracés prétendants pour rejoindre le calendrier au total, cette question est plus importante que jamais. Et peut-être que certains sont de trop. C’est pour cette raison que cet épisode de « Parlons MotoGP » se concentre sur Sepang, que l’on vient de quitter.
A-t-il encore sa place au plus haut niveau ? Dans un premier temps, nous allons brièvement présenter ce qui ne va pas avec le circuit malaisien, avant d’essayer d’y trouver du positif. Puis, finalement, nous allons conclure en rendant un verdict. Vous êtes prêts ? C’est parti !
On dort
Qu’il est dur de se lever pour le Grand Prix de Malaisie. Pas tant pour l’horaire, non, car il faut mettre le réveil encore plus tôt pour la manche australienne. Juste, le spectacle n’est pas à la hauteur.
Le circuit de Sepang a été dessiné par Hermann Tilke et ouvert en 1999, pour y accueillir la Formule 1. D’ailleurs, j’ai déjà parlé de cet architecte allemand – et de ses nombreux travaux – dans un article dédié, que je vous invite à retrouver en cliquant ici. C’est l’archétype du « Tilkedrome », nom donné à ses constructions qui reprennent, toujours, les mêmes éléments. La largeur de piste caractéristique, les virages en escargot, la grosse épingle au bout de la ligne droite, le double gauche rapide… tout y est. Même si intrinsèquement, le tracé n’est pas mal – nous y reviendrons ultérieurement, on ne peut que constater l’absence de spectacle en piste.
Présent au calendrier depuis 1999, les bonnes courses disputées ici se comptent sur les doigts d’une main. Hormis l’édition 2022, je n’ai pas le souvenir d’une manche MotoGP disputée à Sepang, d’ailleurs propriété du géant pétrolier Petronas. Cette année encore, les écarts étaient absolument faramineux ; pas seulement entre Enea Bastianini et Álex Márquez, mais entre tous les pilotes ! Jorge Martín, quatrième, mange dix secondes pleines à l’arrivée !
Fantomatique
Autre point non négligeable, les courses en deviennent oubliables alors qu’il est toujours placé en fin de saison, quand ça compte le plus. En 2019 eut lieu une « victoire fantôme » de Maverick Viñales, et je parie que nombreux d’entre vous ont tendance à oublier qu’il s’est déjà imposé là-bas. En 2015, année sous tension, eut lieu la plus grande course de l’histoire de notre sport à Sepang. Mais encore une fois, le vainqueur, Dani Pedrosa, était loin devant la joute opposant Marc Márquez à Valentino Rossi. Et tout le monde a oublié.
Dernier argument allant dans ce sens ; le circuit était absent en 2020 et 2021, et il n’a manqué à personne ! Pourquoi donc ? Pour la troisième raison ; l’indigestion.
Disaster for the @RedBull_KTM_Ajo duo in #Moto3 💥
Jose Antonio Rueda crashed into @Denizoncu53 and most likely, takes Deniz out of the title hunt 😱#MalaysianGP 🇲🇾 pic.twitter.com/UE3w9tW0Tn
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) November 12, 2023
« Raclette en plat principal, tartiflette en dessert »
Selon moi, un paramètre influe énormément ; la durée et l’intensité de cette tournée outre-mer. Chaque année, elle paraît de plus en plus interminable. Rendez-vous compte ; l’an dernier, Pecco Bagnaia fut titré à Valence le dimanche 6 novembre ! Ici, nous avons eu l’Inde, le Japon, l’Indonésie, l’Australie, la Thaïlande, et maintenant, la Malaisie avant le Qatar. L’enchaînement de ces courses (huit Grands Prix en dix semaines, en comptant Valence), joue forcément sur l’impact psychologique laissé par lesdites manches. Cela exclut également l’ajout des courses Sprint, ce qui porte le total à 42 départs en 2023. Au soir des essais post-Valence, votre humble serviteur ne pourra « plus dire papet ».
Vous connaissez déjà mon avis sur cette tournée. Je la trouve absolument primordiale pour l’écosystème MotoGP, car il faut avouer que le public y est parfois plus présent qu’en Europe. De plus, ces régions sont très motorisées et il est juste que la DORNA y assure une présence importante. Le monde est destiné à se tourner vers l’Asie.
Le fait que l’on dispute le Grand Prix de Malaisie tôt le matin, après tous ceux cités précédemment joue peut-être sur notre ressenti, mais cela n’explique pas les écarts gargantuesques. Non, en revanche, il y a une autre théorie. Sepang a clairement été ringardisé par Mandalika et Buriram, en Indonésie et en Thaïlande. Ces circuits sont à la fois plus récents, plus frais, plus adaptés aux motos – ils n’ont pas été dessinés pour la Formule 1 – et offrent beaucoup plus de spectacle. Ne serait-il pas temps que Petronas finance la construction d’un nouveau tracé pour pérenniser sa place au calendrier ? C’est une piste, sans mauvais – ou très bon – jeu de mots.
Tout n’est pas à jeter
Il n’y a pas que du négatif, et encore heureux d’ailleurs. Par soucis d’honnêteté intellectuelle, il faut quand même lui reconnaître de grandes qualités. Tout d’abord, il s’agit d’un Grand Prix historique ; la Malaisie accueille le mondial depuis 1991, à Shah Alam avant Sepang. Par le fait, le pays a gagné sa place dans le paysage MotoGP, il est plus que légitime. Même si le SRT (Sepang Racing Team) n’existe plus, il a quand même marqué les esprits avec l’exercice 2019 de Fabio Quartararo et la saison 2020 de Franco Morbidelli. Aprilia CryptoData RNF, la nouvelle équipe de Razlan Razali, est loin d’être ridicule même si elle a joué de malchance en 2023. De fait, exclure Sepang revient à mettre la vitrine malaisienne du MotoGP sur la touche, ce qui n’est sans doute pas un bon calcul.
Deuxième raison solide ; le circuit est magnifique. Il s’agit probablement de la meilleure création d’Hermann Tilke (aussi la première hors rénovation de tracés déjà existants, ce qui est paradoxal), et il faut reconnaître qu’il est un véritable challenge. Sepang est difficile, chaud, technique à souhait, et offre, par endroits, plusieurs trajectoires. Au contraire de Buriram, par exemple, extrêmement simple dans sa conception. D’ailleurs, la plupart des fans de Formule 1 regrettent la disparition de Sepang de leur calendrier.
Conclusion
Je pense que le cas de Sepang doit être étudié. Objectivement, il assure la place d’un pays fort et installé depuis longtemps en MotoGP, la Malaisie, mais souffre d’un manque d’intérêt depuis plusieurs années. Peut-être que sa position dans la saison joue contre lui, et que l’enchaînement des Grands Prix asiatiques éprouvants pour les pilotes mais aussi pour les fans le dessert. Nonobstant, il reste un bijou asiatique, avec une atmosphère que l’on pensait propre à cette région du monde avant que Buriram et Mandalika ne viennent lui mettre un coup de vieux.
Allez, je vais me mouiller ; pour moi, il faut le conserver encore un ou deux ans et sérieusement étudier d’autres candidatures, puis, en fonction du spectacle en piste, le déplacer au profit de la Thaïlande. Cela fait trop longtemps que nous attendons de la bagarre à un moment aussi critique de la saison.
Qu’en pensez-vous ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport