Dans un article précédant le Grand Prix de la Communauté
valencienne, nous avions établi différents pronostics, ou tout du
moins des éléments distincts à suivre. Nous avions vu juste pour
Jack Miller, Marc Márquez,
Álex Rins (sans se douter qu’il allait gagner)
et la situation désastreuse d’Aprilia. En revanche, un
pilote en particulier nous a donné tort. Analyse en plusieurs
points.
I) Désolé, Brad.
Désolé, nous t’avons sous-estimé. En effet, nous
n’avions pas prêté assez attention à ta saison tout à fait
exceptionnelle, passée sous les radars. Il s’agit sans doute de
l’une des meilleures performances de l’année, toutes catégories
confondues. Nous avions statué que tu n’aurais pas, le dimanche, la
vitesse nécessaire pour accrocher les Ducati sur un tracé
historiquement favorable à celles-ci. Mais tu nous a prouvé
le contraire.
Sa septième place correcte en qualifications ne laissait pas
présager une telle forme durant la course. Mais au bout de quelques
boucles, Brad se met en jambe, sensiblement plus vite que tout le
monde et notamment Johann Zarco, dont nous
reparlerons un peu plus tard. C’est au tiers de la course, environ,
que la magie opère. Binder enchaîne les meilleurs tours et attaque
comme jamais.
Malgré la victoire de Rins, nous avons vu le meilleur Brad Binder
de tous les temps sur le Ricardo Tormo. En effet, ses deux
victoires en Grands Prix avaient été glanées différemment, avec
moins de panache. Bien sûr, son exploit sous la pluie à Spielberg
restera dans les mémoires mais il s’agissait plus d’un jeu de
survie. Là, Brad devait attaquer, aller de l’avant et
doubler sur un circuit particulièrement technique. Le
tourniquet de Valence ne pardonne pas. Cette édition 2022 ne fait
pas exception à la règle, puisque de nombreux pilotes de pointe
sont partis à la faute.
II) Brad Binder est titrable.
La KTM n’est pas la pire moto du plateau, c’est une
évidence. En revanche, c’est la plus imprévisible, car la
firme autrichienne apporte très souvent des améliorations qui
modifient considérablement la performance d’un weekend à l’autre,
pour le meilleur et pour le pire. Il faut dire qu’à Valence, elles
fonctionnaient correctement. Miguel Oliveira, pour
sa dernière au sein de la formation, réalisa aussi une course
correcte terminée cinquième. Par ailleurs, Raúl
Fernández (pour une fois qu’on parle de lui) gagna
11 positions, profitant, il est vrai, des
nombreuses chutes.
Mais réfléchissez-y un instant. Sur une moto si inconstante, Binder
parvient à marquer 9,4 points par course, et
arrive, sur une année, à faire deux à trois exploits.
Qu’est ce qu’il lui empêche de jouer le titre si ce n’est
sa moto ? À Valence, il a montré qu’il possède
(presque) toutes les qualités d’un champion du monde MotoGP.
Nous n’avions pas connaissance d’une telle vélocité.
D’ailleurs, il inscrivit dimanche dernier son seul meilleur
tour en course de l’année (trois en MotoGP). En revanche,
nous savions qu’il était l’un des plus réguliers dans la
performance, à l’aise sur le sec comme le mouillé, sur n’importe
quel type de piste, une qualité sous-estimée, et qui peut mener une
course de loin comme se débrouiller dans le paquet.
Il compte bien deux défauts, assez importants mais qui ont
largement à voir avec la machine et la confiance qu’elle confère.
Tout d’abord, l’agressivité. Binder, dans son langage corporel ou
sur la piste, n’est pas très nerveux, et cela pourrait jouer en sa
défaveur. Les qualifications aussi le plombent sérieusement, et
cela deviendra l’un des grands enjeux de 2023 avec les courses
sprint. Pour rappel, sa dernière pole remonte au Grand Prix
d’Aragon 2018, quand il évoluait en Moto2. Mais
globalement, les KTM connaissent, à l’instar de feues les Suzuki,
une difficulté avec la vitesse sur un tour. De manière
générale, il n’a jamais excellé dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, il ne faut pas oublier Brad Binder et
surveiller de près le développement de la RC16 cuvée 2023.
III) Sixième facile
Le pronostic concernant Binder entraînait aussi, d’après nos dires
d’avant-course, la promotion de Johann Zarco à la
sixième position du championnat. Hélas pour le Français, le pire
scénario se produisit puisqu’il chuta, alors que Rins
triompha ; il glisse ainsi à la huitième
place. Terrible.
Nous n’arrivions pas à concevoir que Binder, à la
régulière, termine devant Zarco qui
bénéficiait d’une bonne machine (les Desmosedici
GP22 sont bonnes partout, Valence est une piste qui leur
convient parfaitement et Martín fait troisième).
Et pourtant, l’histoire nous a fait un pied de
nez.
Pour le coup, Johann Zarco prit un bon envol et ne
se retrouva pas englué dans le peloton comme lors de ces derniers
Grands Prix. Mais par la suite, un manque de vitesse aussi flagrant
qu’inexplicable le foudroya. Il confia, après la course, qu’il
n’avait aucun feeling dans son train avant et que cette situation
ne fit que s’empirer au fil des tours, ce qu’il ne fut point
difficile de constater.
Pourtant, le matin même, il menait le warm up et assurait avoir
d’excellentes sensations avec sa machine. Une situation qui, si
elle n’est pas dramatique, en dit long sur le manque de confiance
et la relation avec sa monture, un fait qui revient souvent depuis
quelques courses. Brad Binder n’a pas eu à s’inquiéter de
Johann, qui termine la saison de la pire manière et n’a jamais été
en mesure d’inquiéter les meilleurs depuis la
Thaïlande.
Qu’avez-vous pensé de cet exploit du Sud-Africain ?
Dites-le-nous en commentaires.
Photo de couverture : Michelin Motorsport