Comme d’habitude, revenons ensemble sur ce Grand Prix de France
version 2022, riche en enseignements et en spectacle.
Épisode spécial outsiders ! Sans même parler de
Quartararo ni Bagnaia, sur lesquels nous sommes longuement revenus
après Jerez , nous étudierons la question en deux
points distincts, et impossible de ne pas débuter par le héros du
jour.
I) Enea Bastianini est le meilleur « performer »
de l’année 2022.
Ce n’est même plus une question, mais une affirmation. Regardons la
situation d’un peu plus haut. Que faut-il pour devenir
champion du monde MotoGP ? Premièrement, une bonne
machine. C’est indispensable et quoi que l’on en dise, tous les
grands champions ont bénéficié des meilleures machines en leur
temps. La Desmosedici GP21 de Gresini Racing est très performante
et n’a pas à rougir face aux modèles 2022. L’année dernière, Ducati
avait peut-être pondu la meilleure MotoGP depuis le début de l’ère
en 2002, rapide en ligne droite, agile, stable et n’usant pas trop
les gommes. Quatre pilotes aux styles différents pouvaient se
battre pour la victoire. « Bestia » a hérité d’un
monstre.
Deuxièmement, il ne faut pas lâcher sous la pression. La gestion de
l’enjeu et la capacité à performer dans les moments cruciaux (le
« clutch » en anglais) est une force partagée
par la quasi-totalité des champions du monde depuis 1949.
Bastianini prouve, une fois de plus après Austin, qu’il est de
cette trempe. Aller au charbon contre Bagnaia après une solide
remontée, tenter de l’intimider puis le dépasser tout en
restant propre ? Cela ne lui fait pas peur.
Troisièmement, gagner. C’est une donnée trop
souvent oubliée, malheureusement. Si la régularité est
importante, elle ne paye que trop rarement si l’on ne s’impose
jamais. Cela paraît difficile à croire, mais Bastianini est
toujours le seul à s’être imposé à plusieurs reprises cette année.
Hormis quelques exceptions (Mir
2020, Hayden
2006,
Lawson 1989, bien qu’il prenne des victoires,
Schwantz était plus vite …quand il terminait), les
favoris sont toujours ceux qui sont en capacité d’écraser la
concurrence. L’exemple le plus criant est – toute polémique mise de
côté – la saison 2015, où Rossi manquait de
vitesse pure. Alors certes, on rappelle souvent que des pilotes
comme Jorge Lorenzo étaient réguliers, parfois sans être les plus
rapides, à juste titre. Sauf que lors de chacun de ses titres,
le pilote espagnol prend au minimum six victoires.
Idem pour Stoner ou Rossi dans les années 2000. De plus, Bastianini
n’a connu qu’une seule chute en sept courses, ce qui est honorable
même du point de vue de la régularité.
Tous les aspects d’un champion du monde n’ont pas été abordés
(intelligence de course, qualifications, bonne forme sous
la pluie), mais oui, après sept courses, Enea peut
être titré. Un chiffre pour illustrer cette
affirmation : 13.42 points par course pour
Bastianini, après sept Grands Prix (échantillon non négligeable).
Joan Mir a été titré avec 12.21 points par course
en 2020 et Fabio avec 15.44 en 2021. Rappelez-vous
de l’excellent début de saison d’« El Diablo » l’an passé : il
pointait à 16.42 points par course après sept
manches, sans abandon contrairement à « Bestia ». S’il sera
difficile de tenir ce rythme toute la saison, il faudrait se
stabiliser aux alentours de la quatrième place
régulièrement pour devenir immédiatement un candidat très
sérieux au titre, ce qui donnerait un total similaire à ce qu’a
produit Bagnaia l’an dernier. Tout cela reste relatif, et nul doute
que la Ducati version 2022 ne va faire que progresser et dépasser
la précédente. Mais à surveiller de près car le talent est
bien là.
II) Aleix Espargaró, peut-il être titré lui aussi
?
Difficile à dire. Même s’il est mieux classé au championnat qu’Enea pour quatre points, rien ne peut garantir un tel destin pour le moment, et ce pour les mêmes raisons qu’expliquées ci-dessus. Aleix est constant (décidément le mot clé du jour), mais n’est pas, pour le moment, en mesure de s’imposer régulièrement. Certes, cette victoire en Argentine est importante, mais Quartararo et Bagnaia semblent s’être réveillés depuis ; les deux larrons seront difficile à contenir sur la durée, sans même évoquer la perte des concessions pour Aprilia. Après trois podiums consécutifs, la porte est ouverte mais dans les faits, ce n’est pas si simple.
À chaque fois, l’on est assez loin de la tête.
(+6.0s au Portugal, +10.7s à
Jerez et +4.1s sur le Bugatti). De plus, pour
parler un peu de physionomie, ces trois résultats sont le fruit de
courses réactives (et non pas
proactives comme les victoires de Bastianini). Au
Portugal, Aleix ne tenta pas le diable sur Johann, aidé par la
chute de Miller et Mir, tandis qu’il fallut attendre un échange
musclé entre Márquez et Miller pour le voir passer et s’envoler à
Jerez. Au Mans, la chute de Bagnaia, à priori hors d’atteinte,
précipita ce podium. Rajoutons qu’à l’étude des images, Fabio n’a
que trop peu été dangereux et n’a pas pu forcer Espargaró à
défendre, hormis sur les dernières longueurs, aussi en raison du
manque de performance de la Yamaha sur un circuit
« stop and go » comme Le Mans, où il
devient difficile de dépasser sans ce petit plus en sortie de
virage et en ligne droite.
Bien sûr, l’Espagnol a aussi des atouts de son côté : Fort en
bataille, très bon sens de la course, une grande expérience, proche
de sa machine qu’il a lui même aidé à développer et une excellente
forme en qualifications, qui est un vrai plus. S’il ne faut pas le
lâcher du regard, il faudra qu’il prenne les courses à son avantage
et anime les dimanches, si, bien sûr, le titre mondial est
son objectif. Une quatrième place au général serait déjà
un excellent résultat.
C’est tout pour aujourd’hui ! Dites-nous ce que vous
pensez du championnat en commentaires ! Tous seront lus et
débattus.
Photo de couverture : Michelin MotoGP