Pecco Bagnaia et Enea
Bastianini seront-ils les acteurs principaux de cette
prochaine année de Grands Prix ? Alors que la saison 2023 approche
à grands pas, nous vous présentons dix sujets à surveiller. Cela
peut concerner des pilotes, des équipes ou d’autres thématiques,
avec, à chaque fois, un avis relativement tranché : Ici, on
se mouille. Bien sûr, vous êtes invités à dire ce que vous
en pensez en commentaires.
Hier, nous sommes revenus sur le cas de Joan Mir ; une analyse que
vous pouvez retrouver en cliquant sur cette phrase en
surbrillance.
Les bookmakers sont formels: selon eux, Francesco
Bagnaia et Enea Bastianini sont deux
favoris pour décrocher la couronne mondiale. Il faut dire que
l’exercice 2022 appuie cette théorie. L’un a réalisé le plus grand
comeback de tous les temps en catégorie reine tandis que
l’autre a été l’auteur d’une saison gigantesque, sans doute la
meilleure pour un outsider privé depuis 2002. Désormais
coéquipiers, comment tout cela va-t-il se
goupiller ?
Tout d’abord, revenons sur le choix de Ducati avant de se pencher
sur les individualités. En sélectionnant
Bastianini devant Jorge Martín, la firme de Borgo
Panigale fait un choix fort. Elle assemble ici un
« duo dynamique » (ou power duo
pour les plus anglophones d’entre-vous), ce qui consiste, en
sports, à l’assemblage pièce par pièce d’un tandem sans n°2
clairement désigné, où chacun peut jouer la victoire finale. Le
dernier duo de ce type en date n’était autre que la paire
Lorenzo/Rossi chez Yamaha de 2013 à 2016. C’est un
choix que nous avons déjà longuement débattu. Pour résumer
notre pensée, nous avions statué qu’il était anachronique au
possible,
mais tellement audacieux.
Côté pilotes, la situation n’est en réalité pas si limpide
que cela. Commençons par Enea Bastianini. Celui qui a
choqué la planète moto l’an dernier aura fort à faire, car le
statut de pilote d’usine implique beaucoup de pression.
D’autant que pour la première fois, il aura un coéquipier à
la hauteur du challenge.
Mettons tout de suite fin à la question brûlante :
non, nous ne pensons pas que les deux vont se chamailler jusqu’à se
mettre par terre, ou pire, qu’une nouvelle grande rivalité va ainsi
naître. Cela ne peut venir que de « Bestia », et
encore, pas sûr tant les temps ont changé par rapport aux grandes
années 2000. Bagnaia, de son côté, a l’air posé et réfléchi, comme
les autres Italiens de la VR46 academy. Il faut se
faire à l’idée : Dans tous les sports, ces relations houleuses au
sein d’une même écurie ont vécu,
malheureusement pour le spectacle. La pression
médiatique est aujourd’hui bien plus importante qu’auparavant.
Pour leur image, les marques ne peuvent plus se permettre
de revivre cela.
Sur le plan sportif, Bastianini a toutes ses chances d’égaler son
vis-à-vis, mais peut-être pas sur la longueur.
Sans réellement prendre en compte les essais hivernaux,
toujours difficiles à appréhender, Enea est n’est pas aussi
régulier dans la performance que Pecco. Sur 42 courses, il
peut connaître de gros trous d’air sans parler de chutes. Aussi, sa
vitesse sur un tour pourra jouer contre lui même, si nous pensons
qu’il ne sera pas si ridicule lors des
sprints, un autre avis à contre-courant.
Il faudra surveiller sa confiance, lui qui fait preuve
d’une sérénité folle pour son âge. Depuis toujours, Enea
est très sûr de lui, mais maintenant que son nouveau rôle rencontre
ses ambitions, alors il ne peut plus décevoir. Pour cela, il faudra
qu’il commence la saison très fort afin de ne pas se faire manger
par son coéquipier jusqu’à devenir le second couteau de l’équipe.
L’histoire nous le montre, il est très difficile de sortir
du rôle de pilote n°2, même si des exceptions
existent.
Nous précisons cela, alors que nous venons de dire que dans un
« duo dynamique », les deux évoluaient
sur le même pied d’égalité. N’est-ce pas là contradictoire ?
En réalité, nous pensons que Bagnaia est assez nettement au
dessus de Bastianini pour l’instant, mais que le potentiel
de « Bestia » ponctuellement décelé lors
de la saison passée l’aide à figurer, dans l’inconscient collectif,
au même niveau que le champion du monde en titre.
Pourtant, dans les faits, il n’y a pas vraiment match. Bagnaia est
meilleur dans à peu près tous les domaines. Il peut faire
ce que fait Bastianini, mais l’inverse n’est simplement pas vrai à
l’heure où ces lignes sont écrites. Son personnage plus
discret explique aussi pourquoi les observateurs ont tendance à
minimiser son exploit et plus largement, le pilote qu’il est.
Pecco n’a quasiment aucun défaut sur la moto.
Mauvaise nouvelle pour la concurrence, on dirait qu’il est encore
plus véloce en 2023.
Avant, on parlait de son manque de résistance à la pression.
D’ailleurs, le documentaire MotoGP There Can Only Be
One montre, en coulisses, un Bagnaia fébrile à
Sepang
alors qu’il était enfin en mesure de jouer le titre. Cela aurait pu
donner raison à certains… s’il
n’avait pas réalisé en Malaisie sa meilleure performance en
carrière, dos au mur, avec obligation de performer
face à un adversaire redoutable. La progression de Pecco au fil de
la saison 2022 était juste fantastique, rien ne pouvait l’atteindre
mentalement. Sa capacité à se créer une dynamique à partir
d’un mauvais résultat est une qualité rare, qu’aucun autre pilote
sur la grille ne partage.
Cependant, il existe un autre challenge mental qu’il n’a pas
éprouvé jusqu’à maintenant. C’est notre point à surveiller
concernant le n°1. Peut-il gérer une avance au championnat
? Il est toujours plus aisé de chasser que d’être chassé.
En 2021 comme en 2022, Bagnaia était dans le rôle du prédateur,
mais cela pourrait bien changer. Désormais, la cible est
sur son dos et c’est une toute autre histoire.
Nous le voyons entamer la saison très fort lui aussi, contrairement
à l’an passé. Ainsi, il pourrait rapidement se retrouver en tête du
championnat, une situation qu’il a finalement peu connue en MotoGP.
Il maîtrisa parfaitement ce paramètre en 2018 lorsqu’il dut
batailler contre Miguel Oliveira pour le titre
Moto2, certes, mais le MotoGP est une autre dimension. Si
cela ne l’impacte pas le moins du monde, alors nous verrons
peut-être évoluer l’un des pilotes les plus complets de tous les
temps.
Vous l’aurez compris, nous voyons Bagnaia dominer
Bastianini en 2023, et même rafler un deuxième titre
consécutif. Bien sûr, tout peut se passer en 42 courses mais c’est
notre petit pronostic (pas le plus osé au vu des cotes, il faut
bien l’avouer). Qu’en pensez-vous ?
Qui voyez-vous vainqueur de cette bataille chez les
rouges ? Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport