À vrai dire, nous commençons à manquer de mots pour
qualifier l’exceptionnel pilote qu’est Pecco Bagnaia. L’an passé, à
Jerez, nous pensions qu’il s’agissait de sa meilleure performance
en carrière, bientôt éclipsée par son chef d’œuvre de Sepang. Mais
le week-end dernier, le champion du monde en titre a fait encore
mieux. Les superlatifs manquent mais pour une raison inconnue, il
ne semble toujours pas apprécié à sa juste valeur. Analyse d’un
tour de force.
I) Pecco n’a que faire de la dynamique
Nous étions revenus sur l’importance de l’environnement
et l’avions même défini dans un article dédié à la bataille
Bagnaia – Quartararo en 2022, que nous vous invitons à retrouver en
cliquant sur cette phrase en surbrillance.
À Jerez, il montre encore, une fois de plus s’il en fallait une,
que le contexte n’a aucune incidence sur sa performance. À
l’échelle de l’histoire, c’est rarissime. Pecco
peut subir deux désillusions consécutives, Argentine et États-Unis,
ne pas réussir à trouver un réglage optimal le vendredi et quand
même briller en course.
A reminder to @PeccoBagnaia's doubters…courtesy of Pecco Bagnaia himself ☝️#SpanishGP 🇪🇸 pic.twitter.com/0PvChHloSq
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) April 30, 2023
Il l’avait déjà prouvé en 2022 (sa saison post
Sachsenring, son dimanche à Silverstone),
mais là, c’est d’autant plus flagrant que la concurrence était au
rendez-vous. Cette capacité à jouer devant peu importe sa forme
récente est tout simplement géniale, il n’y a pas d’autres mots
pour qualifier son talent.
II) Merci à Ducati ?
Les arguments des détracteurs de Bagnaia sont de plus en plus
maigres. Un élément qui n’a pas été tant souligné que cela à Jerez
est pourtant déterminant dans l’appréciation de ce pilote : Ducati
n’était pas la meilleure marque en piste.
KTM était la force à battre, avec deux machines
très performantes et une autre en embuscade. La firme de Borgo
Panigale ne pouvait réellement compter que sur
Bagnaia et Marini pour assurer ce
rendez-vous. Jorge Martín était présent, c’est
vrai, mais il n’incarne pas – ou plus – ce danger permanent, cette
fraîcheur, ce poison capable de jouer la victoire. Il était là,
« à sa place » sans avoir pu prétendre au top 3.
Johann Zarco, par terre, n’a rien pu faire pour
aider Ducati malgré une course honnête avant sa chute.
Historiquement, l’asphalte de Jerez est assez hostile à Ducati et
cela s’est encore vu ce weekend (« seulement » quatre Desmosedici
dans le top 10). Mais pourtant, Bagnaia a largement dominé ceux qui
partageaient la même moto que lui, un phénomène bien plus fréquent
que le public ne veut l’entendre.
III)
Valentino Rossi, vraiment ?
Nous vous l’accordons, la comparaison peut faire peur mais elle est
parfaitement justifiée dans ce cas précis. Il faut remonter à
Valentino Rossi pour retrouver un tel niveau de
contrôle de la part d’un pilote. Allez, cela marche aussi pour
Jorge Lorenzo mais avouez que « The
Doctor » est plus évocateur.
À aucun moment, Bagnaia n’a semblé en difficulté. Sa victoire
paraissait inévitable à quatre tours de la fin. C’est comme si,
après avoir stagné derrière un valeureux Brad
Binder, Pecco avait appuyé sur un bouton et s’était
transformé.
Sa pénalité absolument injustifiée – nous reviendrons sur
la direction de course
incessamment sous peu – ne l’a pas perturbé le moins du
monde. Il l’a accepté, a laissé passer Jack
Miller, puis est reparti la tête froide à 0.8 s de Brad
Binder depuis la troisième position, sur un circuit, qui, de
surcroît, complique les dépassements. Maintenant que vous avez le
scénario sous les yeux, citez les pilotes qui peuvent renverser une
situation si défavorable en une dizaine de tours.
Valentino Rossi, Jorge Lorenzo,
Mick Doohan… N’ayons pas peur des noms : Oui, nous
sommes dans cette dimension. Même Marc Márquez,
génie s’il en est, n’est pas un spécialiste de ces courses, lui qui
a davantage tendance à gagner d’une manière plus explosive et
instinctive.
Pecco Bagnaia incarne la sérénité des plus grands. Chute(s)
en tête ou pas,; son QI course, ses phases de freinage, son sens du
dépassement (celui qu’il colle à Jorge Martín en début de course
est un bijou !), sa justesse et bien d’autres qualités en font
d’ores et déjà l’un des meilleurs pilotes de tous les
temps.
Qu’avez-vous pensé de son effort dimanche dernier ?
Dites-le nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport