Alors que la saison 2022 vient de se terminer, il est
temps de célébrer le champion Moto2. Dans une catégorie
plus compétitive que jamais, Augusto Fernández sort vainqueur d’un
exercice particulièrement intense. Qu’en est-il de son
niveau ? Peut-il créer la surprise en 2023, et faire
mieux que la paire Remy Gardner/Raúl
Fernández ? Analyse.
I) Augusto n’est pas bon. Il est exceptionnel.
À vrai dire, difficile de cacher notre fierté. En effet, ceux qui
suivent ces articles depuis longtemps connaissent notre affection
pour ce pilote. En 2019 déjà, nous vous présentions ce talent brut,
pur produit de l’école espagnole et doté de qualités intrinsèques
impressionnantes. Cependant, sa saison 2020, décevante, nous donna
tort. Ce n’est que l’année dernière, au sein de la formation
MarcVDS, que Fernández explosa de manière durable
sur la scène mondiale. Le passage chez Ajo, comme souvent,
fut décisif.
Mais pourquoi est-il si fort ? Plusieurs
raisons à cela. Tout d’abord, Augusto est doté d’un excellent sens
de la course, l’un des meilleurs toutes catégories confondues. Sur
la moto, il est réfléchi, calme, mais sûr de lui, et ne commet pas
trop d’erreurs – nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Rien
que cette saison, il compte trois coups de maître, à commencer par
le Grand Prix de France. La manche disputée sur le
circuit Bugatti est un exemple de patience et de régularité :
c’était la première fois, après sa victoire à Assen en 2019, qu’il
montrait une telle force. Pedro Acosta, génial rookie,
craqua dans la lutte.
Puis vint l’Allemagne. Fernández y réalisa
une course qui rappelle forcément
Jorge Lorenzo dans ses grandes heures, et s’imposa
avec plus de sept secondes d’avance sur son coéquipier Acosta. Tout
bonnement incroyable. Enfin, le dernier, le plus beau :
Silverstone. Si nous devions faire un classement
des plus grandes performances individuelles de la saison 2022,
toutes catégories confondues, sa victoire lors du Grand
Prix de Grande-Bretagne serait mentionnée en très bonne
position. Hormis le coup du chapeau, pole, victoire et meilleur
tour en course, Augusto s’est démarqué par sa maîtrise. Le très
méritant Alonso Lopez n’y put rien, malgré la
belle lutte qu’il offrit. En ce jour, nous vîmes un mélange de
Lorenzo et Rossi, rien que ça. Cela ne peut présager que du
bon.
La vitesse est sa deuxième grande qualité. Il
compte quatre meilleurs tours en course et deux pole positions en
2022, un beau score en Moto2. Son style de pilotage particulier lui
permet d’emprunter des trajectoires ahurissantes. Ceci était
particulièrement visible dans le virage n°5 à Assen, où il tournait
plus court que tout le monde.
Finalement, il dispose aussi d’une bonne régularité dans la
performance. Voyez-vous, quand Augusto n’est pas dans un grand jour
ou subit la pression de l’événement (Valence), il
n’est jamais largement distancé. Une statistique illustre
parfaitement ce propos. Il a franchi la ligne à 17
occasions cette saison, et jamais hors du top
9, pour 15 top 5. Une qualité que
trop peu de pilotes MotoGP actuels possèdent.
Nous vous le révélons dès maintenant : nous sommes plus
pressés de voir Augusto à l’œuvre que nous ne l’étions pour
Raúl Fernández ou Remy Gardner la
saison passée. S’il ne compte que quatre victoires dans une année
de titre, son talent n’est pas à prendre à la légère. Sur le
papier, nous pourrions faire face à une sorte d’hybride entre
Bagnaia et Quartararo, plus ou
moins. Mais ne nous enflammons pas pour autant. Le chemin
vers la gloire est long et semé d’embûches.
II) La révélation de 2023 ?
Vous l’aurez compris, nous sommes convaincus par son pilotage.
Cependant, ce n’est pas le seul paramètre à prendre en compte,
d’autant que sa saison n’est pas parfaite. D’abord, sa performance
dépendra largement de sa machine. La KTM RC16, ou GasGas,
sera imprévisible, comme d’habitude, et sans doute difficile à
faire fonctionner. Il faut pourtant essayer de trouver du
positif dans cette situation. En effet, s’il peut avoir de grandes
difficultés à la faire fonctionner, Augusto pourrait aussi avoir
une belle surprise en cas de nette amélioration.
KTM a montré, cette année, qu’ils pouvaient faire jeu égal avec
Ducati et Aprilia sur quelques courses. Il leur manque seulement de
la régularité, mais le potentiel est là. Il vaut mieux un scénario
comme celui-ci plutôt que l’inverse, c’est à dire une moto bloquée
dans le milieu de grille. Ainsi, il a tout à gagner, sans
pression, et le fait de ne pas piloter une MotoGP annoncée comme
l’une des meilleures pourrait bien jouer en sa faveur.
L’enjeu sera de montrer une volonté
indéfectible, ce que l’on peut reprocher aux deux pilotes
Tech3 2021. Le challenge psychologique est difficile, d’autant que
Pol Espargaró devrait trouver de la vitesse au guidon de
l’Autrichienne. S’il ne lâche rien et poursuit ses efforts une
année durant, Augusto pourrait bien exploser en deuxième partie de
saison, un peu à la manière d’un Bezzecchi.
Cependant, Tech3 devra faire attention aux quelques points
faibles de Fernández. Tout d’abord, il ne possède pas un
instinct de tueur. En effet, l’Espagnol n’est pas le dernier pour
dépasser mais il peut traîner un peu, manquer d’incisivité dans les
moments chauds. Sur ce point, il est à contre courant de ce que la
catégorie Moto2 fit ressortir de grand ces dernières années
(Raúl Fernández, Bastianini,
Martín, Bagnaia entre autres).
Les courses sprint ne vont faire qu’accentuer le phénomène et
mettre en avant ce profil de pilotes. Attention à sauter dans le
bon wagon et ne pas se laisser chahuter.
S’il a effectué une très belle saison, nous ne pouvons omettre
l’erreur de Phillip Island. À 25 ans déjà, il
devra faire attention à ce type de bourdes, surtout quand la
pression monte. Nous avons pu l’observer à Valence avant la chute
d’Ogura ; Fernández suffoquait quelque peu, sans vitesse
nécessaire pour répondre. Une fois le Japonais par terre, il se
transforma. Ceci dit, difficile lui en tenir compte, quel
pilote en bataille pour un titre n’a jamais fait une erreur dans un
moment crucial ?
Conclusion :
Attention à Augusto Fernández l’an prochain. Son
statut de champion du monde discret, couplé à sa posture d’outsider
pourrait bien créer la surprise en 2023. Son talent n’est plus à
discuter, et nul doute qu’il conservera ses principaux attributs
l’an prochain.
Que pensez-vous de ce pilote ? Dites-le-nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport