Bonne surprise de la saison passée, le soufflé retombe
en 2023. Peu importe ce qu’il tente, Aprilia n’y arrive pas. La
formation cumule les erreurs et même quand il y a de l’espoir, la
dure loi de la course rattrape pilotes et équipes. En l’absence
d’écurie satellite au Mans si ce n’est pour Lorenzo Savadori,
Aprilia chute lentement, même si cela ne se traduit pas dans le
classement. Une situation paradoxale qui mérite d’être
analysée.
I) 2022 vs 2023
Un élément est particulièrement étonnant à l’étude des chiffres :
2023 n’est pas une si mauvaise année pour Aprilia, alors que la
réalité de la piste montre une régression certaine. Pour
preuve, après cinq Grands Prix, la firme de Noale avait inscrit 91
points, soit le même total qu’en 2023. Bien sûr, les
Sprints jouent leur rôle mais c’est relatif. Aucun pilote Aprilia
n’est monté sur le podium le samedi (meilleur résultat pour
Maverick Viñales, 4e aux USA).
Même quand on compare les résultats, le début d’année 2022 n’était
pas si flamboyant excepté la performance hallucinante
d’Aleix Espargaró en Argentine, à savoir victoire,
meilleur tour en course et pole position. C’est surtout un peu plus
tard dans la saison qu’Aleix, tout particulièrement, s’est montré
plus véloce et surtout, régulier dans la performance.
Alors, finalement, ne faut-il pas simplement attendre
encore un peu ?
II) Pourquoi c’est inquiétant.
L’étude du cas Aprilia est révélateur de la différence entre
réalité statistique et réalité de la piste. Nous sommes très
inquiets pour la marque Italienne, c’est le moins que l’on puisse
dire. Nous allons mettre ceci sous forme de points afin de
rester clairs et concis.
1. Des attentes élevées
C’est surtout ce qui pose problème. Après une saison 2022 plus que
convaincante, on était en droit d’attendre un meilleur exercice
2023 mais il n’en est rien. Lors des essais hivernaux, la RS-GP
était assurément la machine la plus poussée techniquement avec un
travail aérodynamique digne de la Formule 1. Les manches
s’enchaînent, et les résultats ne tombent toujours pas.
Forcément, Aprilia était passé du camp des outsiders à celui des
favoris. La déception est d’autant plus grande.
2. Des erreurs grossières
Cela fait plusieurs fois que l’on avertit sur les erreurs humaines
au sein de l’équipe. Déjà à Motegi l’an passé,
nous mettions l’accent sur une bourde qui coûta de gros points à
Aleix Espargaró. Ici, au Mans, l’équipe gâche une
nouvelle fois en ne préparant pas la deuxième machine de Maverick
Viñales alors que celui-ci était bien placé pour réaliser la pole.
À ce niveau, ça ne pardonne pas.
3. Une fiabilité douteuse
La fiabilité en Grands Prix ne fait que s’améliorer. Aujourd’hui,
il est finalement rare qu’un pilote soit contraint à l’abandon en
raison d’un problème mécanique, mais c’est encore arrivé à
« Top Gun »
lors du Grand Prix d’Espagne. En qualifications au
Mans, nouveau pépin sur sa moto en bout de pitlane. Depuis leur
engagement en 2015, la marque est souvent en proie à des abandons
de ce genre et le manque de progression dans ce domaine est loin
d’être rassurant.
4. Un tandem en difficulté
En MotoGP, les pilotes jouent un grand rôle dans la performance
d’une écurie, bien plus qu’en Formule 1 par exemple. Aleix
Espargaró n’est plus aussi incisif qu’avant, et il a déjà évoqué
son possible départ fin 2024, ce qui n’est jamais bon
signe. Son entame est anecdotique, puisqu’il passe à
travers la majorité des weekend, se contentant de profiter des
chutes devant lui pour bien figurer (Austin, Le Mans).
On sentait Maverick Viñales plus impliqué, mais lui aussi peine à
trouver de la régularité au guidon d’une machine autrefois
redoutable dans ce domaine. Il est toujours rapide, comme depuis
ses débuts en catégorie reine, mais il reste difficile de lui faire
confiance surtout quand il ne s’élance pas des meilleures
positions. Au Mans, on le sentait proactif et impliqué
pendant la course mais cet accrochage avec Pecco Bagnaia mit fin à
ses chances.
Prenons le temps d’en parler brièvement. Pour nous, il s’agit d’un
simple fait de course où les deux ont des torts. En ce qui
concerne l’altercation post-chute, nous ne sommes pas pour
pénaliser lourdement un pilote à cause de cela. Après
tout, ça n’est pas méchant – les deux sont rentrés sur le même
scooter – et cela donne des images mémorables, comme Nelson
Piquet contre Eliseo Salazar en F1 au
Grand Prix d’Allemagne 1982. Cela fait partie du
jeu, c’est l’adrénaline. Pas de quoi polémiquer, même s’il est vrai
que DORNA avait déjà sanctionné, parfois lourdement, des pilotes en
catégorie Moto3 pour moins que ça.
5. Pas d’équipe satellite
Raúl Fernández n’a pas couru au Mans en raison de
douleurs dans le bras, un problème dont il se plaint depuis le
premier Grand Prix. Difficile de lui jeter la pierre. Quant
à Miguel Oliveira, que l’on voyait renaître au guidon de la RS-GP,
il est un chat noir absolu. Deux fois victime d’un
accident qui l’écarte des circuits pour une durée indéterminée,
c’est triste.
On pressentait le duo comme l’un des meilleurs de toute la
grille, mais nous n’avons même pas eu la chance de le
voir à l’œuvre. Terrible.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que la saison d’Aprilia va
être encore longue. La Ducati va s’améliorer, et les
pilotes en disposant sont tous rapides. KTM a pris une
place considérable au sein de la hiérarchie que les italiens de
Noale auront bien du mal à regagner.
Et vous, comment imaginez-vous la suite ? Dites-le
nous en commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport