Le début de saison d’Aprilia était inespéré.
Après sept longues années de développement, la firme de Noale
semblait enfin avoir une machine capable de jouer un titre mondial.
Encore plus fou, Maverick Viñales retrouvait le feu sacré et
montait sur le podium. Mais depuis quelques courses, rien
ne va plus. Ensemble, analysons ce rendez-vous manqué.
I) Aleix Espargaró, vraiment candidat au
titre ?
Il est nécessaire de comprendre que non, l’Aprilia n’a
jamais été si excellente que cela. Certes,
Aleix Espargaró arrivait à faire fonctionner sa
monture mais n’a jamais pris la position de favori. En réalité, il
parvenait à maintenir Aprilia à flot sans jamais se montrer le plus
impressionnant. À vrai dire, Aleix n’a été cherché sa position qu’à
trois reprises dans la saison ; sur la piste de Termas de
Río Hondo, dans la cathédrale d’Assen ainsi qu’à Buriram.
Lors de ces trois manches, l’aîné Espargaró était proactif,
poussait pour son résultat et ne défendait pas pour le garder, si
cela fait sens.
Attention : Nous ne dénigrons aucunement l’exploit réalisé
par les équipes Aprilia et Aleix Espargaró en particulier, bien au
contraire. Mais la MotoGP moderne et le nombre de course
plus important ne récompensent plus la régularité, uniquement la
vitesse. Aleix a trop rarement eu la vélocité de
Quartararo, Bastianini ou
Bagnaia.
Se maintenir à une vingtaine de points du leader est un tour de
force, mais qui, malheureusement peut-être, ne paye (et ne payera)
plus. Nous vous le confions depuis la mi-saison, et nous réitérons
aujourd’hui : Aleix n’a jamais été un véritable candidat au
titre. Une telle régularité (il est le seul pilote MotoGP
ayant terminé toutes les courses cette année) est admirable, mais
non désirée. S’il avait pu aller plus vite, il l’aurait
fait.
II) « Deux vrais ne font pas un faux »
Ainsi, la performance de l’Aprilia a quelque peu été surcotée par
les observateurs. Il ne faut pas oublier qu’Aleix Espargaró est
l’un des plus grands pilotes du XXIe siècle, et a déjà fait des
miracles avec des machines de second rang, notamment lors de
l’époque CRT. Si un pilote peut compenser les lacunes
de sa machine par une hargne et une volonté à toute épreuve, c’est
bien lui.
Cependant, l’on ne peut pas nier que la performance intrinsèque de
l’Aprilia RS-GP a chuté depuis Motegi. Quoique le terme
« chuter » n’est peut-être pas assez fort. Les
chiffres sont formels, il s’agit d’une dégringolade sans commune
mesure.
Aucun des deux pilotes n’a réussi à faire mieux que
septième (Viñales à Motegi et Buriram), et Aleix
Espargaró ne trouve plus de solutions. De plus, une erreur humaine
comme signalée sur le circuit japonais trahit une confiance
altérée, mêlée à une inexpérience dans les situations tendues.
Jusqu’à Aragón, soit la 15e manche du championnat, Aprilia Racing
repartait en moyenne avec 19,9 points par course.
Lors des quatre derniers rendez-vous, l’équipe italienne n’a
rapporté que 36 points, soit 9 ppc. Si la deuxième
place du championnat équipe semble acquise, il n’en est pas de même
pour la deuxième place des constructeurs, Yamaha étant
situé à cinq points derrière. Quartararo, dos au mur, va
dépasser d’autant plus que les bleus avaient de la vitesse à
Sepang. La firme aux diapasons est clairement un
danger.
La situation est alarmante, et il est difficile de
trouver une explication. Aleix Espargaró ne reconnaît plus
la moto avec laquelle il s’est imposé pour la première fois en
carrière. Selon ses dires, la machine est lente, pas plus stable
qu’une autre et ne tracte plus comme avant en sortie de virage.
Quoi qu’il en soit, il y a peu de chances pour que cette méforme
soit une conséquence du road trip asiatique, bien que les
contre-performances coïncident avec ces dates. Logiquement,
nous ne devrions pas voir une grande progression à
Valence.
Aussi fou que cela puisse paraître, Viñales, sur
le podium il y a deux mois encore, n’a pas plus d’explication que
nous. Le champion du monde Moto3 2013 est totalement désabusé,
désorienté. Son langage corporel et ses sorties dans la presse sont
loin d’être rassurantes, d’autant plus que l’on connaît le mental
de l’Espagnol. Pour rappel, à Sepang, piste sur laquelle il s’est
imposé en 2019, il préférait « tester des nouvelles pièces
plutôt que courir ». Une déclaration
aussi inhabituelle que révélatrice. Sa belle série
d’une victoire par saison depuis 2016 (la 10e meilleure de
l’histoire) touche à sa fin, et l’on voit difficilement
comment « Top Gun » pourrait la maintenir vivante sur le
circuit Ricardo Tormo.
Conclusion :
Comme nous l’annoncions dans un précédent article,
nous pensons fermement que Bastianini va aller chiper la troisième
place du général à Aleix Espargaró. Sans aucun doute un crève-cœur
pour toute l’équipe, qui a fourni des efforts surhumains pour sa
première année d’exploitation sans Gresini.
Il ne faudra pas oublier la saison d’Aprilia. Et encore
moins celle d’Espargaró. Ceci dit, terminer l’année de
cette manière est assez néfaste. Une fois la confiance altérée, il
est très difficile de revenir dans la bonne direction surtout sans
trop de roulage. La manche de Valence est donc cruciale pour toute
la formation italienne, et comptez sur nous pour surveiller de près
les positions des motos n°41 et n°12.
Que pensez-vous de la situation « cauchemardesque », pour
reprendre les mots d’Aleix ? Dites-le-nous en
commentaires !
Photo de couverture : Michelin Motorsport