C’est officiel depuis vendredi dernier : Aleix Espargaro prendra sa retraite à la fin de l’année ; encore un pilote emblématique du championnat MotoGP qui s’en va. Pourtant, j’ai souvent l’impression qu’il n’est pas apprécié à sa juste valeur, notamment en France. Il y a des choses à dire concernant cette annonce, alors c’est parti pour une analyse en plusieurs points.
Un très grand
Premièrement, je tenais à féliciter Aleix Espargaro pour sa carrière, que je juge, personnellement, grandiose. Je le considère comme l’un des meilleurs depuis 2013, lorsqu’il n’avait pas encore goûté aux joies de la victoire. Nous aurons largement l’occasion d’étudier son profil, son histoire atypique avec cette descente en Moto2 avant de revenir en MotoGP, mais aussi, son impact sur la grille, son héritage.
J’ai conscience qu’il n’est pas aimé du public français, en particulier, pour des raisons ma foi assez obscures. On a bien compris qu’il ne s’entendait pas avec Johann Zarco, voilà peut-être la cause. Mais il y a deux points sur lesquels je voulais absolument revenir. Premièrement, sur la piste, il fut l’un des plus talentueux de la dernière décennie. Il a réalisé des exploits sans précédent sur des machines CRT et Open, a aidé à faire monter Suzuki, puis, a brillamment incarné Aprilia au plus haut niveau. Ce qu’il est capable de faire sur une machine inférieure, de cette vélocité sur un tour – son point fort en carrière, qu’il a encore démontré en Catalogne – à sa résilience et son grand sens du dépassement, peu s’en targuent dans l’histoire des Grands Prix.
Deuxièmement, son comportement. D’accord, il parle beaucoup. Il est polémique en quelque sorte. Mais je n’ai jamais compris pourquoi cela posait problème à bon nombre de spectateurs, qui, dans le même temps, regrettent le passé, où le caractère des pilotes était encore plus marqué, « à l’époque où l’on pouvait tout dire ». On ne peut pas se remémorer avec nostalgie ces périodes et à la fois critiquer Aleix Espargaro pour ses excès de colère où sa personnalité s’affirme. Les Aleix, les Pol Espargaro, les Johann Zarco sont essentiels afin que notre sport ne soit pas contaminé par les profils lisses au possible, comme c’est le cas en Formule 1 par exemple à l’exception, peut-être, de Fernando Alonso et Max Verstappen.
Le merci du MotoGP
Il suffisait de regarder la conférence de presse et l’émotion de Jorge Martin ou Pedro Acosta pour se convaincre de son importance au sein du paddock. Mine de rien, c’est un pilote vocal mais étonnamment propre au vu de sa longévité, qui a toujours milité pour la sécurité de ses adversaires.
Le MotoGP lui a dit merci lors du Sprint, samedi. Après une énième pole dont il a le secret, à son âge, il est allé remporter le Sprint avec de la chance. Non pas que je minimise son exploit car il fallait rester sur ses roues et il a été somme toute très intelligent. Mais jamais je n’avais vu trois leaders tomber en si peu de temps, dont un dans le dernier tour – qui plus est le double champion du monde en titre. Brad Binder, Raul Fernandez, Pecco Bagnaia et les dieux de notre sport lui ont offert ce triomphe dans son jardin. Reconnaissez que l’histoire est magnifique, notamment pour un pilote lésé par la réussite toute sa carrière durant. C’était mérité, et j’étais content qu’il gagne.
Don't try to understand it. Feel it.#CatalanGP 🏁 pic.twitter.com/fcW9MaRSaZ
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) May 25, 2024
Le bon moment
Il a été sage. Sage, car techniquement, il avait encore la capacité de repartir pour une saison, voire deux. Son physique est toujours aiguisé grâce à d’âpres entraînements à vélo, et le week-end en Catalogne nous a prouvé qu’il avait toujours du répondant, même face aux autres Aprilia qui ne lui ont jamais fait d’ombre. Certes, le podium dominical n’était pas au rendez-vous, mais on avait pas l’impression de voir évoluer un futur retraité.
Selon moi, sa décision arrive au bon moment. Son début de saison a été marqué de quelques moments faibles. D’abord largement moins fort que Maverick Vinales sur des circuits qui correspondaient à la RS-GP (notamment les États-Unis ainsi que le Portugal), il avait aussi commis cette erreur inexcusable à Jerez au vu de son niveau, et ne s’était d’ailleurs pas excusé auprès de Johann Zarco. Je pourrais également parler de son accrochage avec Franco Morbidelli dans le dernier tour au Mans, qui a fallu valoir à ce dernier une deuxième calotte derrière la tête après la première distribuée au Qatar l’an passé.
Je l’avais déjà dit dans un précédent article, mais c’est comme s’il n’y était pas. Pas dans sa saison, plus si juste et trop anecdotique. C’était problématique, car l’Aprilia est l’une des meilleures motos. Il aurait pu neutraliser les chances de progression de la firme de Noale en signant à nouveau. Au lieu de ça, il part au bon moment. Assez bon pour aller chercher une ou deux victoires, mais plus pour faire passer un cap à son équipe. À moins qu’il s’écroule totalement, il se dirige vers un nouveau bilan honnête, sans doute moins bon que les précédents, mais respectable pour le dernier.
Que pensez-vous de ce pilote, et de son annonce ? Dites-le moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.
Photo de couverture : Michelin Motorsport