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MotoGP 1414

Quinze jours, c’est long entre deux Grands Prix. Imaginez 1414 jours de galère pour un pilote MotoGP. En Argentine, Franco Morbidelli a retrouvé le podium, quatre ans après sa dernière apparition sur la boîte. J’ai conscience qu’il n’est pas beaucoup aimé en France, mais ça ne m’empêchera pas de lui rendre hommage, car il le mérite amplement, peut-être plus que n’importe qui d’autre sur la grille.

 

La descente aux enfers

 

Avant de débuter, je tiens à dire que je n’ai pas d’affinité particulière avec ce pilote, comme c’est le cas, par exemple, avec son coéquipier Fabio Di Giannantonio. Mais j’ai toujours trouvé les gens assez injustes avec « Franky », notamment en raison de son lien avec Valentino Rossi et la VR46 Academy – dont nous reparlerons.

Pour bien mesurer son exploit, il est essentiel de revenir sur la terrible période qu’il a vécu entre 2021 et 2024. Suite à un titre Moto2 très impressionnant, Morbidelli rejoignit la catégorie reine début 2018, sur une Honda peu performante. Il fut recruté par Yamaha Petronas-SRT en 2019, équipe avec laquelle il termina vice-champion du monde 2020. C’était prometteur, d’accord, mais sans être transcendant non plus. Toujours est-il qu’il prit trois victoires sur cette saison tronquée.

 

MotoGP 1414

La rédemption. Photo : Michelin Motorsport

 

L’année 2021 débutait de la meilleure des manières, avec une quatrième place à Portimao suivie d’un podium à Jerez. Puis vint la première blessure grave, au genou. Les résultats devinrent progressivement catastrophiques, conduisant à une absence de plus d’un mois. Désormais pilote officiel Yamaha en raison de l’évincement de Maverick Vinales, il lui était impossible de trouver de la vitesse au guidon de la YZR-M1 d’usine.

Et ça continua en 2022. Morbidelli, 19e du classement général, était impuissant. La comparaison avec son coéquipier champion du monde en titre Fabio Quartararo était saisissante. D’ailleurs, j’ai le net souvenir de quelques commentaires assez désobligeants de la part du Français à son égard, se plaignant d’être le seul à faire avancer l’équipe. En regardant en arrière, il me semble que j’avais qualifié sa campagne 2022 de « pire exercice pour un pilote d’usine au XXIe siècle » – en me basant principalement sur les statistiques –, mais en la comparant avec celle de Joan Mir en 2024, il n’a pas à rougir. Et pourtant, l’Espagnol, objectivement moins bon l’année passée, n’est pas aussi critiqué.

 

 

Personne n’en a parlé – sauf votre humble serviteur –, mais son année 2023 était correcte. Il commençait à rivaliser avec Fabio Quartararo sur certaines courses, rentrait dans les points à l’occasion de quelques Sprints, et était d’une régularité impressionnante : il a fini tous les Grands Prix. C’était déjà beaucoup mieux, ce qui lui permit de signer avec Pramac Racing pour 2024.

Ça a fait beaucoup de bruit, tout comme son contrat qui le lie avec Ducati VR46 en 2025. Oui, Morbidelli est sans doute avantagé parce qu’il est proche de Rossi et de l’académie. Je l’ai déjà défendu sur ce point et je le défendrai encore : l’histoire des sports mécaniques est basée sur des affinités et des passe-droits qui en découlent. Ce n’est pas nouveau, ça a toujours existé. D’accord, il a bénéficié de la confiance d’Uccio Salucci mi-2024, lorsqu’il se faisait battre à plate couture par Jorge Martin. Mais n’est-il pas le premier Champion du monde issu de la VR46 Academy ? N’est-il pas une pierre angulaire du projet de Valentino Rossi, qui, quoi qu’on en dise, aura permis à de nombreux jeunes d’exploser sur la plus grande scène du monde ? Morbidelli est un historique de la VR46, il a largement honoré son alliance avec de nombreux succès. Pourquoi refuserait-il les avantages qui vont avec ce statut ?

Le terme « enfer » pour décrire sa situation est allégorique, bien sûr. Malgré leur salaire et leur vie sans doute passionnée, je pense qu’il est difficile pour un Homme d’être incapable d’exprimer son talent pendant une période aussi longue, et, par-dessus le marché, de subir d’incessantes critiques venant parfois de son propre garage ! Sans même parler des blessures physiques, qui, pour certaines, ne guériront jamais complètement. Beaucoup, petit, rêvaient d’être pilotes MotoGP. Mais combien rêvaient d’être un Morbidelli ?

 

MotoGP 1414

« Franky » termine devant Bagnaia à la régulière, un grand succès. Photo : Michelin Motorsport

 

Une vengeance

 

Ce podium en Argentine était logique et mérité. Après avoir subi une autre énorme blessure pendant la mi-saison 2024, il n’avait pu maîtriser sa GP24 qu’à la fin de l’année passée, où il était devenu un bon pilote. Son Grand Prix de Thaïlande était également convaincant ; ce qui lui permet de pointer en quatrième position du classement général avant d’arriver aux USA.

Uccio Salucci s’est longuement exprimé sur ce podium, le premier depuis ce fameux Grand Prix d’Espagne 2021. Pour lui, c’est comme une revanche, voire, une vengeance. Dans ses propos, il mentionnait les années Yamaha et le « massacre » qu’il avait subi ; comme quoi, le champ lexical choisi par mes soins n’est pas moins grave que la réalité constatée par un directeur d’équipe.

Je suis donc très heureux qu’il monte de nouveau sur le podium, car, malgré sa propension à gêner les autres pendant leurs tours rapides, Morbidelli a l’air d’être un bon gars – même si je ne le connais pas personnellement, bien entendu. En tout cas, il n’a rien fait qui m’empêcherait de le féliciter suite à cette performance exemplaire.

Que pensez-vous de ce retour aux affaires de Franco Morbidelli ? Dites-le-moi en commentaires !

 

Ducati VR46 fait un très bon début de saison. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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