A l’occasion du Salon Moto Légende, nous avons publié récemment quelques photos du très technologique moteur de la Honda NR 750. Cette moto fabriquée en 1992 était la version de route du prototype de compétition qui a essayé de s’opposer aux deux-temps en 1979 avec des solutions technologiques très novatrice. Voici l’histoire de cette dernière, la Honda NR 500.
Accédez à la première partie ici.
Soichiro Honda ne peut pas rester sur l’échec de Silverstone. Il décide naturellement de persévérer et l’épisode suivant se déroule au Grand Prix de France, sur le circuit du Mans, le 2 septembre.
Malheureusement, l’humiliation est encore plus totale puisque, malgré quatre motos disponibles, les deux pilotes ne se qualifient pas !
Humiliation totale qui se traduit par deux faits totalement incroyables de la part des Japonais : D’abord une pirouette médiatique assez étonnante de la part des habituellement discrets Nippons (in extremis, les motos sont alignées de force en fond de grille de départ, pour le tour de chauffe, au cas où un concurrent abandonnerait) et l’explosion en larmes du pauvre Toshimitsu Yoshimura.
« Je me sentais misérable, juste misérable. Bien que toutes les autres motos soient des 2-temps, j’avais le secret espoir d’effectuer une bonne prestation. »
Petite anecdote concernant Le Mans : Les mécaniciens japonais ont
fort à faire pour désassembler et réassembler les coques en
aluminium à chacune des nombreuses interventions sur les moteurs
des quatre motos. Quelqu’un de malintentionné en profitera pour
subtiliser une rarissime rampe de carburateurs 26 mm qui ne
réapparaîtra jamais.
Les principaux problèmes concernent évidemment le manque de puissance dû à la surchauffe et aux ressorts de soupapes, à la boîte de vitesses et à l’entraînement des arbres à cames. Dès la fin de saison 79, Honda abandonne son monstrueux cadre/carénage qu’il faut désaccoupler à chaque intervention sur le moteur, rendant celles-ci beaucoup trop longues. Et des interventions, il y en a eu et en aura encore beaucoup… La moto 1980 (dénommée officiellement NR2) perd donc tout ce qui faisait l’originalité de sa partie-cycle.
Mars 80, premiers essais avec Takazumi Katayama, carénage des
radiateurs, tête de fourche conventionnel à la place du saute-vent,
roues de 18 pouces
Parallèlement, les Japonais continuent à fiabiliser le moteur et en atténuent tous les problèmes, augmentent son régime et la puissance maxi grâce à des ressorts de soupapes plus solides et au déplacement des cascades de pignons au milieu des cylindres au lieu du bout de vilebrequin (moteur 2X).
Mais rien à faire, malgré les efforts de Freddie Spencer, Takazumi Katayama, Marco Luchinelli ou Ron Haslam, les résultats ne viennent pas et les deux-temps continuent à truster les victoires, au grand dam de Soichiro Honda !
Bien des années plus tard, Freddie Spencer a
expliqué au journaliste Jacques Bussille : « J’ai conduit deux
fois la NR500 en 1981, à Silverstone et à Laguna Seca. C’est la
moto la plus fantastique que j’ai jamais pilotée. Pour avoir de la
puissance, il fallait toujours garder le moteur entre 17 000 et 21
000 tours, et c’était difficile, parce qu’il n’avait aucune
inertie: dès qu’on coupait les gaz, le régime tombait, et on
perdait toute la puissance. En plus, à Laguna Seca, je n’arrivais
pas à trouver un étagement de boîte correct pour rester partout
dans les tours, donc j’ai été obligé de jongler, de m’adapter pour
aller le plus vite possible sans jamais descendre en dessous de ces
fatidiques 17 000.
La faiblesse de ce moteur, c’était uniquement les ressorts de
soupapes. J’en ai cassé à chaque séance d’essai et pendant la
course. Je pouvais les entendre changer de son avant de casser,
même sans faire de surrégimes, ils finissaient par casser quand ils
étaient au régime maxi. C’était frustrant parce que à la fin des
essais j’avais trouvé le bon rythme et les bonnes trajectoires pour
tirer le meilleur de cette moto et dès la première manche j’étais
là, j’étais dans le coup avec les autres. Cette moto a été le
challenge le plus difficile que j’ai du affronter pour en faire ce
que je voulais, mais c’était tellement excitant de chercher comment
faire et y parvenir, que j’en ai gardé un très bon souvenir.
»
Le développement de ce « faux V8 » durera jusqu’en 1983 (avec ce moteur « 2X » en 1980 puis « 3X » en 1982), mais dès1981, les techniciens Honda comprennent qu’ils ne gagneront jamais un Grand Prix avec ce moteur, trop lourd de 20 kilos tout en ayant un centre de gravité plus élevé que ses concurrents, à cause de ses lourdes culasses.
Contraints et forcés, ils lancent donc en parallèle le développement d’un trois cylindre en V …deux-temps, pour la NS 500 1982 ! Une humiliation qui se paiera bien des années plus tard quand Honda réussira à faire interdire le deux-temps : la vengeance est un plat qui se mange froid.
Mais, après les NR3 et NR4 de 1982, qui se différencient par des moteurs différemment inclinés, les hommes aux commandes du très technologique projet NR feront un dernier pied de nez en 1983, en sortant la dernière version du V4 à pistons ovales dans un cadre tout en carbone (NR5) doté initialement de disques en carbone !
La suite de l’histoire se passera sur la route, avec les très recherchées NR 750 ou RC40 (1992/1994). Vous avez dit « bijoux » ?
Le meilleur pour la fin: en 1978, puis au cours des années suivantes, encore confiant dans son astuce, Honda a breveté son concept (qui n’était pourtant pas nouveau), avec des cylindres possédant jusqu’à 12 soupapes par piston, soit 48 soupapes pour un V4, ainsi que des dispositions d’arbres à cames en étoile ! Les mécaniciens japonais remercient encore le ciel que cela n’ait pas atteint son objectif…
Sources: Honda, Honda Motorcycle Racing Legend, Honda NR Oval Piston, etc.